Le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) pour 2020 démontre une volonté forte de modernisation du ministère de l'Intérieur, que ce soit au niveau de son administration centrale ou au niveau territorial, conformément au souhait du Premier ministre de réorganiser l'administration déconcentrée de l'État autour des pôles préfectoraux. C'est un choix qui diverge de celui fait ces dernières années, notamment lorsque Bernard Cazeneuve était ministre de l'Intérieur, où avait été privilégiée la montée en puissance de la régionalisation.
Le ministère de l'Intérieur a en effet cette particularité de ne compter que 5 % de ses effectifs en administration centrale, les 95 % restant étant sur les territoires, au plus près des Français. C'est une force pour notre ministère, j'en suis convaincu, en particulier dans ce moment où nos concitoyens manifestent une attente très grande en matière de présence de l'État à leurs côtés. Notre réseau de préfectures et de sous-préfectures nous permet de garantir cet ancrage territorial et cette écoute ; il est donc nécessaire de le préserver mais aussi de le moderniser afin de renforcer son efficacité. Mais que les choses soient claires : quand je parle de modernisation, je ne parle pas de fermeture, ni e diminution de la présence de l'État mais, au contraire, d'ouverture.
L'année 2020 sera ainsi particulièrement importante pour la mission AGTE, puisqu'elle verra plusieurs réformes d'envergure pour le ministère. La première est la création du programme 354, fusion des programmes 307 et 333, qui traduit une avancée importante pour la réforme de l'administration territoriale de l'État, avec la création de secrétariats généraux communs de l'État en préfecture, ainsi que la création, au sein du secrétariat général, de la DNUM, la direction du numérique, une direction unique sur laquelle je reviendrai, et du SAILMI, le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'Intérieur, qui répond, là encore, à la volonté de mettre en place un pilotage central pour rendre plus efficiente notre politique d'achats.
Le nouveau programme 354 « Administration territoriale de l'État » est donc issu de la fusion des programmes « Administration territoriale », qui comportait les moyens des préfectures, et « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui portait les crédits de fonctionnement, hors titre II (T2), des directions départementales interministérielles ainsi que les effectifs des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), gérés par les services du Premier ministre.
La création de ce nouveau programme vise à renforcer l'efficacité du fonctionnement des services déconcentrés, par la mutualisation des moyens et par le développement de la modularité des organisations. Elle vise à obtenir des gains de performance dans le service rendu et à renforcer la capacité d'action de l'administration de l'État au niveau départemental, pour que le préfet, dans la plénitude de ses fonctions, soit celui qui puisse répondre aux questions des élus locaux ou des grandes associations, sans être obligé de les renvoyer vers d'autres interlocuteurs.
L'idée d'un référent unique, dans les départements, sur l'ensemble des sujets qui relèvent de l'État représente certes une responsabilité supplémentaire pour les préfets, mais c'est un renforcement indispensable de leur rôle dans l'animation interministérielle.
Le programme 354 comporte l,8 milliard de crédits, dont l,25 milliard de T2 (dépenses de personnel) et 551 millions de crédits hors T2. À périmètre constant, les budgets sont stables, puisque les crédits T2 sont en augmentation de 1,1 % et ceux hors T2 de 1,2 %. Ce sont ainsi 586 millions supplémentaires qui vont être gérés par le ministère de l'Intérieur, dont 214 millions en T2 et 373 millions hors T2. Le choix du Premier ministre de nous confier la gestion de ce nouveau programme et de ces crédits supplémentaires démontre la confiance qu'il accorde au ministère de l'Intérieur.
La création des secrétariats généraux communs en préfecture d'ici juin 2020 vient compléter cette concentration des crédits dans un même programme, en mutualisant les moyens dédiés aux fonctions support – achats, logistique, immobilier, informatiques… – des directions départementales interministérielles et des préfectures.
Ce sont 5 543 agents qui composeront ces secrétariats généraux communs, dont 3 740 en provenance des préfectures et 1 803 issus d'autres ministères, à savoir : 1 149 agents du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), 368 agents du ministère de l'Agriculture et de l'alimentation, 246 agents du ministère de la Santé et des solidarités et 40 agents des ministères économiques et financiers.
Je précise que, dans les consignes que nous avons données sous l'autorité du Premier ministre pour la création et la montée en puissance de ces secrétariats généraux, il y a la volonté de faire en sorte que toutes les administrations puissent se retrouver dans ces postes, et que l'administration préfectorale ne considère pas qu'ils doivent lui revenir et que c'est à elle de les assumer seule. Il est essentiel qu'en l'occurrence le ministère de l'Intérieur témoigne de sa capacité d'ouverture sur les autres ministères et qu'il sache élargir le vivier de ceux à qui seront confiés ces postes et les responsabilités qui vont avec. Pour le dire autrement, ces mutualisations doivent être gagnantes pour tout le monde, et il ne s'agit en aucun cas de transférer des agents qui ne seraient pas volontaires et dont l'engagement pourrait être mis en question.
Ces mutualisations doivent nous permettre de réaliser des gains d'efficience, mais la réforme doit surtout permettre aux préfets de piloter plus finement et plus efficacement les moyens des administrations déconcentrées de l'État. J'insiste sur ce point, car c'est une petite révolution par rapport aux pratiques antérieures que de réaffirmer l'importance de l'État déconcentré, incarné par les préfets, au niveau départemental.
La réforme de l'administration territoriale de l'État comporte également un volet important de réorganisation des services départementaux de l'État, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens, celle notamment de bénéficier de services publics de proximité.
Les préfets doivent proposer leur choix d'organisation dans les prochains jours, afin d'adapter au mieux cette nouvelle organisation aux particularités des territoires, mais d'ores et déjà deux orientations majeures sont connues : d'une part, la création d'un service public de l'insertion, qui regroupera les compétences pour accompagner les personnes en difficulté, de l'hébergement d'urgence à l'insertion par l'activité économique, grâce notamment à la fusion des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et des unités départementales des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (UD DIRECCTE) ; d'autre part, le transfert des missions sport, jeunesse et vie associative des anciennes DDCS aux rectorats, pour notamment préparer la mise en oeuvre du Service national universel, qui sera assurée par le ministère de l'éducation nationale.
J'ajoute que j'ai demandé à ce que cent sous-préfectures puissent être labellisées « maisons France services ». En effet, trop souvent, les sous-préfectures sont fermées au public, et les citoyens ont de moins en moins d'occasions de s'y rendre, comme ils le faisaient, par exemple, il y a quelques années, pour obtenir une carte grise. Or, certains départements disposent d'une sous-préfecture mais manquent de relais de services publics. Convaincu que les sous-préfectures doivent gagner en ouverture vers nos concitoyens, j'ai donc souhaité y installer ces maisons France services, avec l'idée, non seulement d'améliorer le service rendu à nos concitoyens mais aussi de permettre au ministère de l'Intérieur d'être pleinement investi dans cette politique importante pour le Président de la République, grâce à un réseau au contact, à l'écoute et au service des usagers.
Enfin, l'effort porté sur les services des étrangers en préfecture sera poursuivi pour faire face à l'augmentation de la demande d'asile. Pour rappel, ce sont 211 équivalents temps plein (ETP) qui ont été créés depuis 2017, effort à mettre en perspective avec le schéma d'emploi global marqué par une baisse de 600 ETP sur la même période.
Une politique salariale pour favoriser l'attractivité de ces services a également été mise en oeuvre. Ces renforts sont complétés par des mois vacataires chaque année – pour 2019, ce sont 1 650 mois vacataires qui ont ainsi été engagés. Cette politique a permis de contenir les délais de rendez-vous en guichet unique et participe à la réduction du délai de traitement global de la demande d'asile. C'est une priorité du Gouvernement et un des piliers de notre politique migratoire, sachant que, parallèlement à la montée des emplois dédiés à la gestion des demandes d'asile, nous assumons la baisse des effectifs au sein de tous les autres services préfectoraux.
Je poursuis ma présentation avec le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (CPPI), qui va également connaître des réformes d'ampleur, lesquelles se traduisent dans l'évolution des crédits.
Si à périmètre constant, les crédits baissent de 19,1 millions – soit une diminution de 1,6 % –, en revanche, à périmètre courant, ils augmentent de 45 % – soit 340 millions. Je pourrais donc vous faire croire à une dynamique extrêmement positive, mais j'ai la franchise de vous dire que tel n'est pas le cas.
Ces crédits sont issus des autres programmes du ministère, du fait de la création de la DNUM et du transfert des personnels des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI) du programme 176 « Police nationale ». À signaler également le transfert de 220 personnels civils de la gendarmerie du programme 152 vers le programme CPPI dans le cadre de la création du SAILMI, cette direction centrale de l'achat que nous mettons en place. Le programme CPPI concerne ainsi désormais 11 774 agents, contre 7 416 auparavant.
L'année 2020 sera ainsi celle de l'application concrète de deux mesures importantes du plan de transformation du ministère, la création de la DNUM et du SAILMI. Il s'agit d'idées anciennes mais dont la mise en oeuvre s'avérait délicate, dans la mesure où elles exigeaient de retirer certaines prérogatives à des directions centrales importantes – Direction générale de la police nationale (DGPN), Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), Direction générale des étrangers en France (DGEF) – pour les centraliser et mieux coordonner des initiatives qui s'avéraient parfois concurrentes – je pense en particulier à certains programmes numériques de la police ou de la gendarmerie, incompatibles entre eux. L'exercice était donc difficile, mais il était indispensable et a fini par être accepté par l'ensemble des directions.
La DNUM et le SAILMI doivent donc permettre au secrétaire général de mieux piloter des fonctions importantes pour le ministère, de rationaliser leur gestion mais également de dégager des synergies positives et d'améliorer ainsi leur efficacité au service des différentes directions du ministère.
Les choses doivent être claires : nous pouvons et nous devons faire des économies, notamment en matière de politique d'achat, grâce à la création du SAILMI, mais ce n'est pas l'unique objectif. L'objectif est de mieux acheter et de mieux coordonner nos politiques d'achat, de même qu'il s'agit avec la DNUM de faire les meilleurs choix numériques pour notre ministère. Certes nous réduirons les coûts de gestion, les coûts de personnels et surtout les coûts liés à l'éclatement et aux redondances – neuf directions distinctes travaillent actuellement côte à côte –, mais nous allons surtout atteindre la taille critique pour offrir des services mutualisés à la communauté interministérielle. Cette rationalisation dans l'organisation, des prestations numériques et des systèmes d'information va nous permettre d'améliorer la qualité et l'efficacité du service.
Pour cela, cette nouvelle direction, rattachée au secrétariat général, centralisera une partie des budgets du Service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (STSI2), de la direction des systèmes d'information et de communication (DSIC), de la préfecture de police et de la DGEF. Elle aura la charge de piloter des réformes importantes pour le ministère, notamment le projet « Réseau radio du futur », destiné aux forces de sécurité et doté de 20 millions, la procédure pénale numérique, dotée de 5,5 millions d'euros de crédits et le projet de numéro unique pour les secours, le 112. Pour la DGEF enfin, la refonte totale du système d'information européen est budgétée à hauteur de 9 millions.
Quelques précisions supplémentaires enfin sur le SAILMI, le service achats : grâce aux innovations, en matière logistique notamment, et à la mutualisation des commandes, notre objectif est de réaliser dès 2020 66 millions d'économies.
J'ajoute que 69,7 millions seront consacrés en 2020 au Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR), soit un montant stable par rapport à 2019.
J'en termine avec le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ». L'actualité sera l'organisation des élections municipales. Ce sont 237 millions qui sont prévus – soit une augmentation de 15 %, équivalant à 30,7 millions. En termes de ressources humaines, 20,8 millions de crédits – 15,3 millions au titre de l'organisation des élections, et 5 millions pour la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) – financeront les 58 ETP du programme.
S'agissant des dépenses de fonctionnement et d'investissement, 216,2 millions sont prévus, dont notamment 140,5 millions d'euros au titre de l'organisation des élections, pour financer la propagande, et 68,7 millions d'euros pour le financement public des partis politiques.
Les élections municipales vont permettre d'améliorer encore le répertoire électoral unique, mis en service pour la première fois avec succès l'année dernière, à l'occasion des élections européennes. Les quelques dysfonctionnements, mineurs à l'échelle du nombre de votants ayant bien été identifiés, ils ont pu être corrigés.
Enfin, le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques poursuivra sa mission et sera renforcé de deux agents cette année, car le nombre de candidats n'est bien sûr pas le même qu'aux élections européennes.
S'agissant de la partie cultuelle – il s'agit, je le rappelle de dépenses de personnel et d'entretien des bâtiments cultuels appartenant à l'État en Alsace et Moselle –, 2,8 millions d'euros ont été programmés.
Comme vous pouvez le constater, le ministère de l'Intérieur est un ministère dynamique, toujours à la recherche de l'organisation optimale afin de renforcer l'efficacité de son action. De plus, notre réseau déconcentré nous permet d'assurer une présence de l'État partout sur le territoire et de répondre en cela aux attentes et aux besoins de nos concitoyens.