La mission « Administration générale et territoriale de l'État » constitue le cadre budgétaire dont le ministère de l'Intérieur dispose pour poursuivre trois principaux objectifs : garantir l'exercice des droits des citoyens ; assurer la présence et la continuité de l'État ; mettre en oeuvre des politiques publiques sur l'ensemble du territoire.
Cette mission regroupe ainsi les crédits dédiés aux administrations déconcentrées du ministère de l'Intérieur, à ses fonctions supports, ainsi qu'aux subventions publiques dont il assure la gestion.
Au total, ce sont près de 4 milliards d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement budgétés pour 2020, en hausse de 18 % par rapport à l'exercice précédent.
Je souhaite souligner, à ce titre, que nous sommes nombreux, dans cette assemblée mais surtout dans les territoires, à nous interroger sur la pertinence de la réorganisation des services de l'État au cours de ces dernières années. Si des réformes devaient être conduites car certaines administrations étaient surdimensionnées ou parce qu'il y avait des doublons évidents, la succession, année après année, des suppressions physiques de services publics dans nos territoires donne – à tort ? – le sentiment d'un abandon que ne règle pas la mise en place de sites internet.
J'insiste, monsieur le ministre, sur le fait que le programme « Action publique 2022 » ne doit pas se faire au détriment de la présence de l'État sur l'ensemble du territoire. De même, la dématérialisation croissante des procédures peut accroître chez ses usagers le sentiment de l'éloignement de l'administration.
Au bout du compte, c'est la capacité de chacun de nos concitoyens à faire valoir ses droits qui est en question, et je ne souhaite pas que cela aggrave le sentiment d'une citoyenneté à deux vitesses, l'une dans les villes, bénéficiant de services accessibles, l'autre dans les zones périurbaines ou rurales, ne disposant que d'un guichet unique à plusieurs dizaines de kilomètres. J'espère donc, monsieur le ministre, que vous saurez nous apporter des précisions sur les réformes en cours, et notamment sur ce qui est fait pour maintenir l'accès de l'ensemble des Français aux services de l'État.
Pour la partie thématique de mon rapport, j'ai choisi cette année de m'intéresser aux difficultés de financement que peuvent rencontrer les candidats et les partis politiques. En effet, si le cadre juridique actuel offre des garanties importantes, notamment au travers des financements publics existants, les difficultés persistent, même lorsque l'on appartient à un parti bien établi. Lors des dernières élections européennes, ce constat s'est d'ailleurs vérifié, comme en témoigne le premier rapport au Parlement du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, M. Jean-Raphaël Alventosa – je rappelle que, dans le cadre de la loi pour la confiance dans la vie politique, nous avions autorisé la création, par ordonnance, d'une banque pour la démocratie, chère à M. François Bayrou, mais qu'en juillet 2018 la garde des Sceaux a confirmé l'abandon de ce projet, remplacé par la mise en place d'un médiateur du crédit, nommé par décret du 3 août 2018.
Je prendrai deux exemples pour illustrer les difficultés rencontrées. En premier lieu, le droit au compte, qui est pourtant garanti par la loi, ne serait pas respecté dans 10 % des cas en moyenne, voire 23 % pour les élections européennes. Les agences sont réticentes, prennent des précautions démesurées, alors que c'est un droit fondamental des candidats, puisque le code électoral prévoit la création d'un compte de campagne. Le candidat doit alors saisir la Banque de France, qui désigne un établissement bancaire, lequel le renvoie au siège, le tout pouvant prendre des semaines, ce qui rompt l'égalité des candidats devant l'élection.
En second lieu, l'accès au crédit bancaire n'est pas satisfaisant : s'il n'y a pas de défaillance généralisée des banques, certains grands réseaux refusent désormais de prêter à tous les candidats, quel que soit leur parti et quel que soit leur dossier, par souci de neutralité ; d'autres ont des procédures particulièrement longues, qui peuvent avoir pour objectif de s'assurer notamment des chances réelles du candidat, en repoussant la date de la décision. Enfin, il y a surtout un problème de culture : les spécificités du financement électoral et des campagnes ne sont pas assez connues et, il faut l'admettre, les banques n'ont pas beaucoup à gagner à nous financer, car les dépenses de campagne sont en général peu élevées du fait des plafonds en vigueur.
C'est pourtant un véritable enjeu démocratique, qui ne sera pas nécessairement résolu par la création d'une banque de la démocratie, mais par la promotion de bonnes pratiques et la possibilité de saisir le médiateur du crédit bien plus tôt. M. Alventosa a commencé ce travail de fond lors des élections européennes, et je ne peux que souhaiter que sa mission se poursuive au cours des prochaines années, pour que nous disposions d'un diagnostic précis, pour chaque élection, des difficultés rencontrées par les candidats.
Sans revenir sur mon interrogation de fond au sujet de la manière dont les services de l'État sont restructurés sur nos territoires, je souhaiterais à présent, monsieur le ministre, vous poser quelques questions ayant trait au financement des candidats et des partis politiques.
Vous avez été, comme nous, destinataire du rapport du médiateur du crédit. Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les préconisations qui pourraient être mises en oeuvre en vue des élections municipales pour supprimer certains des écueils constatés lors des élections européennes et éviter que les candidats rencontrent des difficultés pour ouvrir des comptes ?
L'information à destination des candidats et des partis est aujourd'hui dispersée, notamment entre le site de la CNCCFP et celui du ministère, voire, bientôt, celui du médiateur du crédit, qui nous a fait part de son intention d'en ouvrir un. Une mesure à prendre rapidement pourrait être la réalisation d'un site internet consacré au financement de la vie politique, comprenant une page dédiée au médiateur du crédit. Cette mesure, qui me semble de bon sens et assez urgente au regard des difficultés constatées par le médiateur, pourraitelle être mise en oeuvre avant les élections municipales ?
À plus long terme, le médiateur propose de réformer le mode de calcul de l'aide publique aux partis, qui représente 68 millions chaque année, financés sur les crédits de la mission AGTE. Il s'agirait notamment de faire en sorte que la distribution de la première fraction de cette aide publique soit mieux répartie entre les partis. Je rappelle que le financement des partis politiques comporte deux volets financiers, le premier assis sur les résultats électoraux du premier tour des élections législatives, le second conditionné par le nombre de députés obtenu par chaque formation politique. En ce qui concerne le premier volet, le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral favorisent le parti majoritaire, lequel ne peut que se satisfaire d'une telle situation. Ne doit-on pas envisager de revoir le système, de façon à limiter les à-coups en cas d'alternance. Qu'en pensez vous ?
Enfin, dans le cadre d'une récente proposition de loi de clarification du droit électoral, en cours d'examen au Parlement, nous avons adopté une disposition permettant de recueillir des fonds sur des plateformes de paiement de type Paypal. Pouvez-vous nous indiquer comment il pourrait être procédé à l'authentification des personnes donatrices, de manière à s'assurer qu'elles ne sont ni des personnes morales, ni des personnes non résidentes en France ou établies hors de l'Union européenne, ce qui est formellement interdit ?