Intervention de Christophe Castaner

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur :

Ce que je voulais dire par là, c'est qu'il est anormal que de tels algorithmes existent, qui privent de ressources ceux qui ont besoin d'un rendez-vous rapide ou qui souhaitent assister à un spectacle.

Monsieur Larrivé, je ne commenterai pas l'approche de la gestion du sanitaire et le dialogue fécond avec les ARS – j'utiliserai un joker en tant qu'élu local. Il est important que les préfets, dans cette fonction d'interface des élus en particulier, puissent conforter leur rôle de lien avec les ARS. Je sais que des consignes ont été données en ce sens par la ministre Agnès Buzyn.

Vous m'avez interrogé sur la question des cultes. En la matière, nous sommes face à un paradoxe sur lequel il faudra bien s'interroger un jour puisque l'État et les collectivités locales n'ont pas le droit de financer un culte, tandis qu'un pays étranger peut le faire. Cela mérite d'ouvrir un débat, sans trahir l'esprit de la loi de 1905. Comme ce budget ne porte que sur la politique des cultes en Alsace et en Moselle, il est faible alors que le budget des cultes en France est bien plus élevé. Nous intervenons aussi, et je crois que c'était le sens de votre question, sur les diplômes d'université de formation civile et civique, autrement dit la partie républicaine de la formation qui s'applique à tous les cultes, ainsi qu'à la formation complémentaire cultuelle que vont connaître les imams par exemple. Le ministère de l'Intérieur a choisi, depuis 2008, de monter progressivement en puissance sur ces sujets et à la fin de cette année nous financerons vingt-deux diplômes universitaires – un vingt-troisième est déjà dans les tuyaux pour l'année prochaine – pour un montant qui n'est pas extrêmement élevé.

J'en viens plus précisément à la question de la formation et des accords avec les gouvernements étrangers. Il y a actuellement 300 imams et 300 psalmodieurs qui viennent principalement de trois pays : le Maroc, l'Algérie et la Turquie. En la matière, on est face à quelques anomalies : celle de l'intervention des pays étrangers – on peut s'interroger sur le financement et la mise à disposition d'imams – et de la langue dans laquelle on professe. Je ne parle pas là de la langue du texte puisqu'il ne s'agit pas d'imposer une traduction à un texte en langue arabe, mais de l'ensemble des interventions de celui qui professe qui devraient se faire en Français. Or les gens qui sont formés dans des pays étrangers n'ont pas nécessairement la maîtrise de la langue, ce qui représente une vraie difficulté. Nous avons engagé des discussions avec ces trois pays. Elles sont bien avancées avec le Maroc, avec l'objectif de mettre un terme progressivement à la mise à disposition. Le Maroc a mis en place des outils pour que la formation ait lieu en Français et que l'on puisse ainsi contrôler le système. C'est plus difficile avec l'Algérie pour des raisons de politique interne à ce pays, et plus difficile encore actuellement avec la Turquie pour laquelle ce sujet n'avance pas. Nous avons la volonté de faire en sorte qu'à une échéance à définir ceux qui professent en France ne soient pas mis à disposition par des pays étrangers et qu'ils soient obligés de professer en Français. C'est une mesure de bon sens que nous devrions partager.

Vous avez abordé, comme Mme Pau-Langevin, la lutte contre la radicalisation. Cette mission est confiée au secrétaire général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui est rattaché à Matignon et non au ministère de l'Intérieur. Aujourd'hui, la mobilisation contre la radicalisation se joue au niveau interministériel, l'essentiel est notre capacité à travailler dans les quartiers concernés par le développement de l'islamisme avec l'ensemble des acteurs : éducation nationale, sports, culture, ainsi que les collectivités locales qui ont un rôle important à jouer. Une approche budgétaire centrée sur le ministère de l'Intérieur serait orientée vers le seul aspect sécuritaire de la question – le combat contre le terrorisme – qui est bien plus vaste.

Monsieur Latombe, je suis à l'aise pour vous répondre à propos des dépenses de contentieux, car les choix ont été faits par mon prédécesseur, Gérard Collomb. Lors de la prise de fonctions de ce Gouvernement, il a été décidé de remettre à niveau le budget consacré à ces dépenses, qui est ainsi passé de 46 à 80 millions. Il y a toujours une part de risque à anticiper sur des décisions de justice inconnues, mais les 80 millions prévus permettent de faire face aux besoins tels que nous les appréhendons aujourd'hui, et nous n'avons pas eu besoin de décrets d'avance ou de dispositions en loi de finances rectificative sur ce poste budgétaire.

Pour les années à venir, nous savons que la responsabilité de l'État est souvent recherchée pour les préjudices nés de troubles à l'ordre public, comme nous en avons connu en 2019. Les conséquences de ces contentieux éventuels se feront sentir en 2021, par le jeu des assurances. Évidemment, nous ferons face à nos obligations.

Paul Molac a mentionné les difficultés du site de Nantes à gérer les échanges de permis de conduire étrangers. La situation n'est pas satisfaisante, j'ai décidé de porter les effectifs à quatre-vingts équivalents temps plein, le double des prévisions initiales. Nous devons mener un travail de simplification pour avancer plus rapidement. En ce qui concerne les petites listes, je crois avoir répondu.

Guillaume Vuilletet a abordé un sujet récurrent : le maintien de la propagande électorale sur papier. Nous devrons un jour mener une étude sérieuse pour connaître le taux de lecture et le taux d'adhésion à la propagande sur papier, nous pouvons tous faire des estimations au doigt mouillé sur le fondement de nos expériences d'élus locaux, mais je pense que nous serions surpris. Elle n'en demeure pas moins un objet politique majeur, et je ne veux surtout pas en annoncer la dématérialisation obligatoire, car aucune décision n'a été prise à cet égard. Mais cette option devrait être plus largement offerte à nos concitoyens, et le répertoire unique électoral pourra nous y aider. Nous devons travailler sur plusieurs pistes, mais la dématérialisation obligatoire de la procédure n'en fait pas partie. J'ai siégé pendant cinq ans au sein de la commission des finances, et tous les ans, le sujet revenait, poussé par certains, tandis que les autres parlementaires protestaient vigoureusement. Il faut néanmoins nous interroger, la société évolue et le système actuel d'envoi de la propagande sur papier connaît des difficultés. Ces difficultés ne sont pas une raison pour le supprimer, mais elles sont toujours cause de contentieux lors des élections locales ou régionales, on accuse l'exécutif en place d'avoir manigancé avec la Poste ou les agents des préfectures pour que la distribution se passe mal. Nous savons tous que c'est faux, mais nous devons tout de même nous interroger à ce sujet.

Mme Dubre-Chirat, je pense vous avoir répondu s'agissant des budgets d'organisation des élections.

Certains d'entre vous ont évoqué la consultation en Nouvelle-Calédonie, dont je n'ai pas parlé dans mon propos liminaire. Elle est importante pour la Nouvelle-Calédonie, pour que le débat démocratique continue à bien y fonctionner. Le Premier ministre a présidé une réunion pendant plus de quinze heures, il y a une dizaine de jours, avec l'ensemble des acteurs. Le calendrier est suivi, il n'entrera pas en conflit avec les élections municipales, et il faut saluer la volonté de tous les acteurs d'avancer positivement sur ces sujets.

Monsieur Marleix, vous m'avez interrogé sur le nuançage. N'y voyez pas de volonté politique du Gouvernement, j'ai été interpellé au Sénat à ce sujet par un sénateur indépendant et le sénateur Maurey, de l'Union centriste, a fait adopter un amendement au projet de loi défendu par Sébastien Lecornu pour que cette mesure s'applique aux communes de moins de 3 500 habitants, tandis que je proposais 9 000.

Je reste ouvert à la discussion avec les parlementaires à ce sujet, nous savons tous que de nombreux candidats ne souhaitent pas entrer dans les cases « divers droite » ou « divers gauche », surtout quand l'étiquette du maire s'impose à toute la liste, ce qui ne correspond pas, bien souvent, à la réalité ; on le constate même dans de grandes villes.

Le nuançage est intéressant pour juger des grandes évolutions politiques sur trente, quarante ou cinquante ans, mais si l'on s'en sert pour interpréter politiquement les résultats, il produit des erreurs. Par exemple, le Parti socialiste a connu une violente défaite lors des élections municipales de 2001, mais elle avait été estompée par les succès à Paris, Lyon – et à Forcalquier ! – et le PS n'en a pas tiré les leçons.

Le ministère de l'Intérieur n'a pas l'intention de « dénuancer » pour masquer quoi que ce soit, je suis partisan d'échanger avec les responsables de chaque groupe qui suivent ces questions de près avant de prendre une décision, bien que l'amendement du sénateur Maurey figure maintenant dans le texte du projet de loi. Si nous sentons que cette question crée des tensions, nous adapterons le système. Une disposition législative n'est pas nécessaire, il s'agit d'une simple décision du ministère de l'Intérieur, et il est d'ailleurs anormal qu'un amendement ait été adopté à ce sujet.

La diversité dans le corps préfectoral est un problème de vivier. Nous devons aujourd'hui nous en préoccuper au niveau des sous-préfets, pour déterminer ceux qui pourront devenir préfets dans quelques années. Nous notons une réelle évolution positive ces dernières années, et la population a besoin de se reconnaître dans les représentants de l'État.

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