La mission « Sécurités » englobe l'ensemble du budget de nos forces de sécurité intérieure, mais aussi la sécurité civile, qui joue un rôle déterminant dans la lutte contre les inondations récentes dans le sud de la France. J'ai participé récemment aux commémorations des inondations survenues l'année dernière dans l'Aude, et Élisabeth Borne passera une partie de cette journée dans les zones actuellement touchées, sans la présence du ministre de l'Intérieur puisque j'ai le plaisir d'être en votre compagnie. Les formes de sécurité évoluent, tout comme les risques.
Je souhaite évoquer en premier lieu le risque terroriste. La menace reste forte, bien qu'elle ait évolué au cours des dernières années. Alors qu'en 2015 les projections exogènes constituaient le risque principal, la menace s'est transformée et il existe aujourd'hui un risque endogène. L'un n'a pas chassé l'autre : le risque exogène peut profiter des développements actuels en Syrie, sujet d'inquiétudes pour chacun ; tandis que le risque endogène peut se développer sous une diversité de formes, nous l'avons évoqué s'agissant de lutte contre la radicalisation lors de la discussion du budget des cultes.
Il est toujours facile d'évaluer l'action de ses prédécesseurs a posteriori, je ne le dis pas pour vous dissuader de juger mon action… mais les vérités de 2013 ne sont pas celles de 2015, ni celles de 2019 ou 2020. Le risque terroriste n'était pas au coeur des préoccupations en matière de sécurité, mais il s'y est installé, et au vu de son importance, tous les gouvernements ont décidé d'en faire une priorité.
Dans le même temps, les risques liés à la sécurité du quotidien sont réels et ne doivent pas être négligés. C'est toute la difficulté des arbitrages : répondre aux urgences sans renoncer aux autres priorités. Notre montée en puissance dans la lutte contre la radicalisation ne doit pas se faire au détriment de notre vigilance au risque terroriste. Ce sont deux choses différentes, le risque terroriste est distinct des problèmes de radicalisation violente, d'islamisme ou de communautarisme, qui eux-mêmes n'ont rien à voir avec l'Islam, je le répète ici. Nous devons accompagner ces différentes strates politiques avec différents outils, et ne pas déshabiller la politique de la sécurité du quotidien, qui reste au coeur de nos priorités.
Le budget que nous consacrons à la sécurité en 2020 sera de 13,8 milliards d'euros, en hausse de 4 %, soit 525 millions de plus par rapport à 2019. C'est une hausse importante, que nous n'avions pas connue en 2018 ou en 2019 alors que la dynamique était déjà extrêmement forte.
La part de ce budget attribuée aux seules forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, s'élève à 13,2 milliards, en hausse de 8,7 %. Depuis le début du quinquennat, ce budget a augmenté de 1,06 milliard, ce qui illustre bien les efforts de ce Gouvernement pour la sécurité depuis trois ans.
Ce budget doit permettre de renforcer nos forces de sécurité, d'abord en poursuivant la politique de recrutement. Nous nous sommes engagés à recruter 10 000 policiers et gendarmes sur la durée du quinquennat. 2 000 recrutements sont budgétés pour l'année 2020. Les moyens accordés à nos policiers et gendarmes sont également en hausse, leur rémunération est significativement revalorisée.
Il existe évidemment un déséquilibre entre les crédits hors titre II et ceux du titre II, c'est-à-dire les dépenses de personnel, et je suis prêt à vous répondre à ce sujet. Les dépenses de personnel représentent 87 % des crédits, nos marges de manoeuvre permettront de financer 1 398 équivalents temps plein, ce qui représente le recrutement de 1 465 policiers et plus de 500 gendarmes.
S'agissant des dépenses hors titre II au sein de l'action 176 « Police nationale », la réserve civile est maintenue à 29 millions, comme en 2019. C'est un appui indispensable au quotidien pour les policiers sur le terrain.
Le protocole d'accord du 19 décembre a des conséquences sur la rémunération des corps d'encadrement et d'application de la police, et son application représente une dépense de 145 millions en année pleine.
Cette année, pour la première fois, nous avons prévu 26,5 millions d'euros pour indemniser le flux d'heures supplémentaires des effectifs hors CRS – les heures supplémentaires des CRS étant déjà financées. Je souhaite commencer à rembourser le stock d'heures supplémentaires, tout en veillant à ce qu'il ne se renouvelle pas indéfiniment. Rappelons que les premières heures supplémentaires impayées remontent à 2005. Les massives réductions d'effectifs survenues ensuite ont alimenté ce stock, puis, en 2015, nos forces de sécurité ont été fortement sollicitées, ce qui aboutit au montant total de 240 millions d'heures supplémentaires impayées.
Je souhaite payer ces heures supplémentaires, mais sans remplir un tonneau percé. Nous allons donc commencer à honorer dès 2019 un nombre important d'heures supplémentaires en attente, grâce aux 26,5 millions prévus. Par ailleurs, nous avons travaillé avec les organisations syndicales à une réforme du cycle horaire que nous allons expérimenter, dans l'espoir qu'elle améliore les conditions de travail des forces de sécurité et qu'elle évite la reconstitution de stocks d'heures supplémentaires. Toutes les heures ne seront pas systématiquement payées, certains services, comme le service de la protection, ne souhaitant pas toucher la totalité du paiement. Enfin, le paiement se fera en tenant compte des mesures de défiscalisation et de désocialisation des heures supplémentaires votées en loi de finances, que vous avez assorties d'un plafond. Nous ferons en sorte que le paiement de ces heures supplémentaires ne soit pas fiscalisé.
S'agissant du budget de fonctionnement et d'investissement, il reste stable à un peu plus de 1 milliard, en diminution de 9 millions une fois les effets de transfert neutralisés, il est important de le préciser. Il ne faut pas s'affoler de la baisse apparente de 123 millions d'euros à périmètre courant, c'est la conséquence de la création de la direction du numérique, qui entraîne un transfert de 100 millions vers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Il est essentiel que les dépenses d'immobilier et de fonctionnement ne soient pas sacrifiées aux dépenses de soutien à nos forces, notamment les améliorations salariales. Ainsi, pour la police, 193 millions seront dédiés à l'investissement et à la maintenance lourde, ce qui permettra de poursuivre un plan triennal 2018-2020 ambitieux. Vingt-neuf opérations nouvelles sont prévues.
En réalité, les dépenses d'immobilier pour la police s'élèvent entre 305 et 310 millions, car nous avons décidé d'acheter un terrain important pour créer le nouveau siège de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Cette réalisation sera matérialisée dans le budget de l'État, nous avons trouvé les bonnes imputations avec le ministère des Comptes publics. Cette somme – 315 millions pour la seule police – n'a jamais été atteinte dans l'histoire du ministère.
Les budgets d'équipement sont en augmentation de 13 %, pour s'établir à 74,1 millions. Il est prévu d'investir 55 millions dans l'achat de 2 500 véhicules légers neufs, soit 25 % de plus que la moyenne des années précédant 2017.
Nous avons l'ambition d'équiper nos forces de 100 000 terminaux NEOPOL pour en faire bénéficier tous les policiers, dont ces équipements facilitent le travail quotidien.
La révision du schéma national du maintien de l'ordre a été lancée, nous avons prévu d'y consacrer 10 millions dans ce budget. Les travaux se poursuivent sur cette question au sein d'un comité d'experts composé de nos forces et de personnalités extérieures.
Nous avons également présenté une nouvelle structuration et un nouveau plan de cinquante-cinq mesures pour lutter contre le trafic de stupéfiants. Nos services seront équipés de matériel technique plus adapté pour être au niveau de nos adversaires, 5 millions seront dédiés à cette fin.
S'agissant du programme 152 « Gendarmerie nationale », le montant des crédits est de 5,5 milliards, en hausse de 2,5 %. Depuis 2017, la hausse atteint presque 6 %, soit 304 millions supplémentaires. Les recrutements représentent 490 équivalents temps plein, il convient d'être attentif aux effets de transfert pour éviter les mauvaises interprétations : l'essentiel, ce sont les fiches de paie supplémentaires que nous délivrons chaque année, et je vous confirme qu'au total, nos forces de sécurité intérieure compteront 2 000 équivalents temps plein supplémentaires en 2020.
La réserve opérationnelle pour la gendarmerie est maintenue à 70,7 millions, comme en 2019. L'application des dispositions du protocole du 19 décembre 2018, car il nous semblait évident d'appliquer les mêmes améliorations salariales aux sous-officiers de gendarmerie qu'aux corps d'encadrement et d'application de la police, représentera 91 millions d'euros en 2020.
100 millions d'euros y sont dédiés à l'investissement et à la maintenance lourde pour la gendarmerie, et nous nous sommes engagés sur quarante-sept nouvelles opérations. Plus inhabituel, 15 millions sont prévus pour la sécurisation des casernes. J'en ai fait une priorité pour nos gendarmes et leurs familles, suite à la multiplication des agressions contre les casernes au cours des derniers mois. Tous conviendront que la sécurité des gendarmes et de leurs familles n'est pas négociable.
Nous prévoyons d'acheter 2 000 véhicules neufs, et tous les gendarmes devraient être équipés d'un terminal NEOGEND.
J'en viens au programme 161 « Sécurité civile », d'un montant de 466 millions. Sa légère diminution, de 0,4 %, soit 1,9 million, ne doit pas masquer la forte augmentation de 6,2 % enregistrée depuis le début du quinquennat. Les variations sont liées à des jeux d'écritures, concernant notamment la brigade de sapeurs-pompiers de Paris, financée à parité par la ville de Paris et le ministère de l'Intérieur. La ville de Paris s'est engagée à un effort supplémentaire de 5 millions, et le ministère accompagnera la BSPP en tant que de besoin.
Il est nécessaire de moderniser notre flotte aérienne. Un premier appareil Dash a été livré en juin 2019 et cinq autres suivront d'ici à 2022, représentant un investissement exceptionnel de 365 millions d'euros. Ce n'est pas moi qui ai choisi ce modèle d'avion, mais ceux qui ont porté attention aux feux de forêts qui ont eu lieu cet été ont pu constater qu'il est le plus pertinent, même si une certaine nostalgie à l'égard du Canadair était apparue à l'heure du choix. Le Dash se déplace à 800 kilomètres par heure et permet d'attaquer un feu avec un cône d'intervention de 700 mètres de long sur 100 mètres de large. Ces moyens aériens sont indispensables pour notre stratégie de gestion des feux de forêts, qui vise à neutraliser l'essentiel des feux de forêts avant que plus d'un hectare n'ait brûlé. Les nouveaux Dash nous permettront de cantonner et neutraliser ces feux. Chacun sait que notre flotte aérienne est vieillissante. Bien que le tragique accident qui a coûté la vie à Franck Chesneau cet été n'ait pas de lien avec l'âge de l'avion Tracker qu'il pilotait, un modèle auquel il était très attaché, je pense à lui en cet instant.
Nous n'avons pas prévu d'évolutions budgétaires à la suite de la grève des pompiers professionnels, car toutes les mesures indemnitaires demandées, notamment la hausse de 29 % de la prime au feu, relèvent des SDIS et des collectivités territoriales. De mon point de vue, celui qui paie décide. Je ne déciderai pas d'augmentations salariales que d'autres devront payer. En revanche, j'ai réuni à plusieurs reprises le comité des financeurs, c'est-à-dire l'Association des maires de France et l'Assemblée des départements de France. Nous sommes convenus de rencontrer les partenaires sociaux dans quelques jours.
D'autres revendications des pompiers relèvent du ministère de l'Intérieur. Nous travaillons notamment sur le numéro unique et le moyen de remédier à la forte augmentation du recours aux services d'urgence aux personnes au cours de ces dernières années. Les demandes concernant des renforts en personnel sont de la compétence des SDIS et leur seront évidemment adressées.
Nos capacités d'intervention propres, notamment la formation militaire de la sécurité civile et le déminage, sont financées par des fonds dédiés. Enfin, le projet NEXSIS 18-112, système de gestion des alertes et de gestion opérationnelle mutualisée et interopérable entre SDIS se poursuit. Il sera doté de 7 millions d'euros en 2020.
Je souhaite terminer en détaillant le programme 207 « Sécurité routière », sujet majeur, combat majeur. Nous avons évoqué le président Jacques Chirac, il a montré en ce domaine combien des choix courageux peuvent changer la donne. La prévention et la sécurité routières faisaient partie des trois objectifs pour la nation qu'il avait fixés, et nous pouvons constater que la volonté publique a porté ses fruits. Bien sûr, chacun proteste lorsqu'il est verbalisé par un radar, mais nous savons que cette politique publique est efficace, et il est rare de voir un engagement public se traduire de la sorte.
Les crédits proposés dans ce programme sont de 42,6 millions, en augmentation de 7,3 %, hors compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routier » auquel sont affectées les recettes des radars. Cette somme doit nous permettre de faire face aux différents besoins sur ce sujet : la sécurité routière et la modernisation du permis de conduire.
S'agissant de ce dernier, notre objectif est de diminuer le coût pour les candidats et de réduire les délais de passage de l'examen, c'est une priorité de ce Gouvernement et le Président de la République ainsi que le Premier ministre y sont très attentifs. Nous avons prévu le recrutement de vingt-cinq examinateurs du permis de conduire, pour moitié en Île-de-France. Ce seront d'anciens salariés du groupe La Poste, qui connaît d'importantes évolutions structurelles. Ils permettront de réduire les délais de passage de l'épreuve pratique du permis dans les zones en tension. Nous allons également moderniser le système d'information du permis de conduire, pour un budget de 15 millions, afin de moderniser l'inscription à l'épreuve comme prévu dans le plan « Dix mesures pour un permis moins cher. »
À mon sens, la mission « Sécurités » me semble constituer un bon budget, même s'il ne permet pas de tout régler. Que les choses soient claires : nous avons besoin de sécurité, nous avons besoin d'améliorer encore les conditions de travail de nos forces de sécurité, mais nous y travaillons quotidiennement – hebdomadairement, pour ce qui est de nos rapports avec les partenaires sociaux – et, si des progrès restent à accomplir, force est de constater que le budget du ministère de l'Intérieur a connu ces derniers temps des évolutions d'une ampleur inédite : à elle seule, la police nationale a bénéficié d'un milliard d'euros supplémentaires en trois budgets portés par ce gouvernement, ce qui montre bien à quel point la sécurité de nos concitoyens constitue pour nous une priorité.