Ce budget s'inscrit dans un contexte d'une particulière gravité pour les forces de l'ordre, qui sont confrontées à la violence terroriste islamiste. La tragédie qui a frappé la préfecture de police, faisant quatre victimes parmi ses fonctionnaires, en est l'illustration. La police et la gendarmerie font face à une activité très dense, une augmentation de la violence et des tensions, ainsi qu'à une crise migratoire durablement installée. Cette tension s'est exprimée dans les rues : plus de 20 000 policiers ont manifesté le 2 octobre dernier. L'ampleur inédite de cette manifestation traduit la colère et le malaise des forces de l'ordre, confrontées à une violence en augmentation et exposées à des menaces de plus en plus nombreuses, sans que leurs moyens y soient adaptés.
Les sapeurs-pompiers ont également exprimé dans la rue leur légitime colère. Les réponses que vous avez apportées, reportant les décisions sur les collectivités locales, ne peuvent les satisfaire.
Nous prenons acte de l'augmentation de ce budget, mais nous considérons qu'il n'est pas à la hauteur de la gravité de la situation. Cela n'est pas inédit et vous n'êtes pas personnellement en cause, monsieur le ministre. Depuis plusieurs législatures en effet, chaque ministre de l'Intérieur fait au mieux pour apposer quelques rustines, alors que la maison entière manque cruellement de moyens, compte tenu de la tâche à laquelle les forces de l'ordre sont confrontées. Je rappelle que sur 1 000 euros de dépenses publiques, à peine 25 sont consacrés à la sécurité. Cette somme est dérisoire au regard de la situation du pays. Nous attendons avec impatience la loi d'orientation que vous avez annoncée ; il y a longtemps déjà que je l'appelle de mes voeux. Ce texte, issu du Livre blanc en cours de rédaction, ne sera déposé qu'à l'automne 2020 ; cela signifie qu'une loi serait promulguée à la mi-2021 et que les décisions budgétaires concerneraient la loi de finances pour 2022. Autrement dit, rien ne serait concrétisé au cours du présent quinquennat, ce qui n'est guère rassurant.
Ce budget ne fait qu'apposer des rustines et cache une situation très dégradée. L'augmentation des effectifs se fait au détriment des moyens de fonctionnement et d'équipement. La Cour des comptes l'a dénoncé et nous le signalons également. Le bleu budgétaire en témoigne : les dépenses de fonctionnement en autorisation de programme pour la police diminuent de 16,18 % et les dépenses d'investissement de 23,84 %. Vous avez évoqué la somme de 55 millions pour le remplacement des véhicules, soit une diminution de 17 millions. M. le rapporteur Mazars l'a rappelé également.
Quoi qu'il en soit, ce budget n'est pas à la hauteur des menaces, de la gravité de la situation, des tensions qui traversent les forces de l'ordre et qui s'expriment par ce chiffre tragique de 54 suicides de policiers depuis le début de l'année. C'est en pensant à ces derniers que nous devons répéter, collectivement, que le budget du ministère de l'Intérieur n'est pas à la hauteur des missions que ses fonctionnaires assurent pourtant avec un courage exemplaire. Nous devons rehausser ce budget ; le groupe Les Républicains a fait des propositions en ce sens. Une proposition de loi a été débattue dans le cadre d'une niche parlementaire ; elle vise à porter en cinq ans l'effort budgétaire en faveur de missions de sécurité à 1 % du PIB. Nous devons en effet donner à ceux qui nous protègent les moyens d'assurer leur mission, en témoignage de notre reconnaissance et de notre respect.