Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

J'ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre, votre présentation de la mission « Immigration, asile et intégration ». Au groupe Socialiste et apparentés, nous apprécions l'augmentation annoncée des crédits. Mais, à bien y regarder, cette augmentation recouvre des évolutions un peu contrastées. En effet, les crédits visant la garantie de l'exercice du droit d'asile et les crédits d'intervention augmentent de 12 % à peu près, tandis que les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière baissent de 10 %.

Dans ce premier cas, les crédits suivent donc l'augmentation du nombre de demandes d'asile ; ils avaient d'ailleurs augmenté de 13 % en 2019 par rapport à 2018. Sur l'ensemble de l'année 2018, l'OFPRA avait enregistré 123 000 demandes, soit 22 % de plus qu'en 2017. En 2019, il y a eu, au premier trimestre, 62 000 demandes, la tendance étant donc plus modérée. Cette décélération se confirme-t-elle ? Je note d'ailleurs une forte diminution des dépenses de soutien.

Ce soutien inclut-il aussi les dépenses des préfectures ? Une large part de la politique de régulation de l'immigration y est en effet mise en oeuvre. Qu'en est-il justement ? Cela n'est pas très clair dans les documents que nous avons eus à notre disposition. Ceux qui veulent accéder à un rendez-vous ont du mal à l'obtenir. Je note au passage qu'il est globalement très difficile d'accéder aux services régaliens de l'État.

Pouvez-vous nous expliquer la diminution des crédits de fonctionnement de l'action « Lutte contre l'immigration irrégulière » ?

En matière de garantie du droit d'asile, se pose aussi la question de l'hébergement des demandeurs : 1 500 places étaient prévues en CADA en 2018 et 1 000 places le sont en 2019, alors que 15 000 places avaient été créées entre 2015 et 2017. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit la mise à niveau de notre dispositif d'hébergement, mais aucune création supplémentaire de places en CAES, pas plus en HUDA qu'en CADA. N'y a-t-il pas contradiction entre l'affirmation de cette garantie et l'exercice effectif du droit ? La question se pose à la lecture de ce budget.

Je terminerai brièvement par le programme « Intégration et accès à la nationalité ». De façon claire, les crédits de paiement augmentent, passant de 408 à 437 millions. Pour l'essentiel, l'augmentation vise l'accompagnement des étrangers en situation régulière et des réfugiés. Si on peut se féliciter, bien sûr, de cette hausse des crédits, on doit néanmoins considérer qu'elle suit l'augmentation du nombre des situations et des demandes d'asile, sans qu'on sache si elle traduit une anticipation réaliste et raisonnable des besoins.

Finalement, les crédits de ces deux missions sont donc facialement en augmentation, mais je m'interroge sur le niveau nécessaire par rapport aux besoins constatés. Il faut, d'une part, donner à la sécurité les moyens dont elle a objectivement besoin, tout en anticipant raisonnablement et correctement les besoins d'accueil et d'accompagnement des migrants devant faire l'objet d'une protection humanitaire.

Je souhaite dire, au nom de mon groupe, que la police, au sens large, est une institution composée de personnes à qui il faut redonner du sens et des moyens. Je souhaite également dire que miser et investir sur un accueil digne des migrants n'est ni un luxe ni un danger, mais bien un investissement de la collectivité en faveur de son ordre, de sa cohérence, mais aussi de sa solidarité.

Les crédits de ces deux missions auraient pu – et auraient dû – traduire une ambition autre qu'une simple ambition gestionnaire. Nous saluons bien sûr les augmentations, mais elles ne sont pas au niveau de la crise actuelle.

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