Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Nous prenons acte de ce que les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent globalement de 162 millions d'euros, en hausse de 9,8 %.

Cette évolution est en partie le reflet de l'augmentation du nombre de personnes ayant obtenu l'asile dans notre pays. La France est en effet un pays de destination privilégié par les demandeurs originaires de certains pays en guerre ou ayant connu des conflits armés, mais aussi de pays d'Europe de l'Est considérés comme sûrs ; je pense en particulier à l'Albanie et à la Géorgie. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : la France est confrontée à un niveau sans cesse croissant de demandes d'asile. Il a doublé en cinq ans.

Aussi les crédits de cette mission doivent-ils anticiper des mouvements migratoires qui s'intensifient en raison d'une situation géopolitique mondiale instable. Ainsi, la crise au Venezuela a entraîné le départ de 3,4 millions de personnes.

L'anticipation est indispensable si nous voulons être à la hauteur du droit d'asile. Malheureusement, cela n'avait pas été le cas dans l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2019, pour laquelle le Gouvernement avait retenu une hypothèse particulièrement faible de progression de la demande d'asile : 0 % en 2019. Il semble que cela soit la même chose pour 2020.

La hausse du budget du programme « Immigration et Asile », d'à peine plus de 100 millions, n'est dès lors pas satisfaisante, et cela d'autant plus que l'expérience des précédents projets de loi de finances témoigne d'une sous-évaluation chronique de la demande d'asile.

Cela conduit à des tensions que certains prennent pour prétexte afin de renoncer à notre politique d'accueil, en brouillant à dessein les différences entre migrants et réfugiés, sans distinction des causes : immigrations économiques, contraintes sécuritaires ou, plus encore demain, contraintes climatiques.

En réalité, la politique d'asile de la France est devenue un instrument de sa politique migratoire, et l'application systématique du règlement de Dublin en est un exemple flagrant. Il devient un instrument de la dépense publique, notamment, au titre de l'allocation pour demandeurs d'asile.

Ainsi, nous serions sommés d'infléchir certaines politiques publiques pour rendre la France moins attractive et réduire le nombre d'étrangers qui arrivent dans notre pays, quelle qu'en soit la cause. Mais la réalité de l'immigration se situe au-delà de la simple hausse du nombre des demandeurs d'asile.

Aussi devons-nous nous interroger collectivement sur ce que nous sommes, sur l'idée que nous nous faisons de notre pacte social. Ériger des murs sur la base de dispositifs plus contraignants encore que ceux qui existent aujourd'hui n'est pas la solution. Car rappelons-le, si la France est le deuxième pays européen d'accueil des demandeurs d'asile derrière l'Allemagne et devant la Grèce, lorsque l'on rapporte le nombre de demandes d'asile au nombre d'habitants, la France ne se place plus qu'au onzième rang en Europe.

Malgré ces chiffres, la politique du « en même temps » appelle à plus d'humanité et de fermeté. Cela veut dire, par exemple, moins de rétention et mieux de rétention. Moins de rétention, parce que la France reste l'État membre de l'Union européenne qui enferme le plus, avec des délais de longue rétention qui augmentent. L'augmentation de la durée maximale de rétention, de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours, oblige le Gouvernement à améliorer les conditions de rétention.

Ainsi, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une hausse des dépenses d'investissement immobilier en matière de rétention de 20,7 millions en crédits de paiement et 480 places supplémentaires en centres de rétention administratifs. Des travaux sont également menés pour améliorer le cadre de vie au sein de ces centres, notamment à destination des familles.

Sur le papier, tout cela est encourageant, mais, dans la réalité, ces crédits sont insuffisants. Je rappelle que le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont rendu des avis très critiques concernant l'enfermement des enfants, et ont constaté de graves manquements dans la prise en charge sanitaire des personnes placées en rétention.

Le groupe Libertés et Territoires appelle à ce que les efforts budgétaires soient à la hauteur des défis imposés. C'est pour cette raison que nous ne voterons pas ces crédits.

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