Intervention de Danièle Obono

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Je veux d'abord rappeler quelques faits, puisque, nous l'avons vu à l'occasion du débat dans l'hémicycle, mais on le voit aussi de manière plus générale, on a tendance à déformer un peu la réalité. En fait, la France et l'Europe ne sont pas aujourd'hui, à l'échelle mondiale, les principales destinations des migrations. La France n'est pas non plus la principale destination des demandeurs d'asile et des réfugiés en Europe : pour les douze derniers mois, elle se situe seulement au onzième rang pour les demandes d'asile mesurées par million d'habitants. Et, au plus fort de la crise de 2015 et 2016, nous n'étions qu'au quinzième rang, soit en dessous de la moyenne européenne, dont nous ne faisons que nous rapprocher désormais.

Il est important de rappeler ces faits, car le Gouvernement a pris l'habitude de distiller des chiffres approximatifs ou erronés à ce sujet. À l'heure du budget, il récidive. Certes, les crédits de la mission augmentent, en particulier l'aide aux demandeurs et demandeuses d'asile, en raison notamment du rattrapage par rapport à la sous-budgétisation de cette mission en 2019. C'est aussi lié à la décision prise par le ministre Gérard Collomb en 2018 d'ouvrir de nouveaux centres en 2019.

Les chiffres ne sont pas à proprement parler erronés, mais ils recouvrent une organisation de la pénurie par une sous-évaluation chronique des besoins. D'ailleurs c'est un choix idéologique fort qui fait que le ministère de l'Intérieur, et lui seul, soit en charge à la fois des budgets de l'aide aux demandeurs d'asile et de l'hébergement, comme si les questions d'asile étaient unidimensionnelles et avant tout sécuritaires.

Sur le budget du programme n° 303 « Immigration et asile », les crédits consacrés à l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » augmentent mais faiblement au regard du stock et du flux des demandes d'asile. Cette hausse est surtout inférieure à la demande d'asile anticipée pour 2020, les chiffres du Gouvernement étant, de notre point de vue, peu réalistes : hausse de 10 % des demandes d'asile prévue en 2019, puis baisse de 10 % en 2020, selon le bleu budgétaire de cette mission. D'où vous vient donc la prévision d'une baisse de 10 % des demandes d'asile en 2020 ?

Nous passons ainsi d'un discours en boucle sur le nombre invraisemblable de demandes d'asile lorsqu'il s'agit de justifier votre politique d'exclusion à une minoration du nombre de demandes d'asile lorsqu'il s'agit du budget. Où est donc la vérité ? Les mêmes demandes d'asile qui ont augmenté de 22 % entre janvier et mai 2019 – pour rester néanmoins à un niveau raisonnable si on les rapporte aux millions d'habitants de notre population – vont baisser miraculeusement de 10 % en 2020 ? Cela ne nous semble pas une projection raisonnable.

En ce qui concerne l'hébergement, pour 2019, le Gouvernement avait proposé de créer 3 500 places supplémentaires, ce qui n'a pas encore abouti. Vous n'avez pour l'instant pas annoncé la création de nouvelles places d'hébergement. Je m'inquiétais, dans un courrier du 20 juin 2019, du transfert des centres d'hébergements d'urgence pour personnes migrantes du ministère de la Cohésion des territoires vers le ministère de l'Intérieur. Plusieurs mois plus tard, vous m'avez répondu qu'il s'agissait d'un transfert motivé par des raisons d'efficacité et de cohérence de la politique d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés.

Monsieur le ministre, la seule cohérence que nous constatons est celle de l'organisation de la pénurie et du manque de places. Dans ma circonscription, entre la porte de la Chapelle et la porte d'Aubervilliers, l'insalubrité et la grande précarité sont insupportables pour les personnes migrantes. Les habitants et habitantes constatent aussi chaque jour les errements et les conséquences tragiques de votre politique.

Voilà pourquoi nous considérons que ce budget n'est pas à la hauteur ni de nos principes ni de nos devoirs. Nous continuerons à vous interpeller sur ce sujet et, surtout, à combattre les effets délétères de votre politique.

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