Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 15h10
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Je vous remercie, Madame la présidente, pour votre invitation à m'exprimer devant votre commission, sur l'action conduite par le Gouvernement en faveur de la cohésion des territoires, et plus particulièrement aujourd'hui, sur les enjeux de la politique d'aménagement du territoire.

La mission « Cohésion des territoires » porte des politiques évidemment très intégratrices, qui sont au coeur des préoccupations des Français : le logement, l'hébergement, l'insertion des personnes vulnérables, l'aménagement des territoires et la rénovation énergétique.

Les crédits demandés pour 2020 s'établissent à 16,55 milliards d'euros, soit une baisse de 1,23 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale de 2019. Sur ce total de 16,55 milliards, 16,3 milliards d'euros sont consacrés au logement et à la politique de la ville, sous la responsabilité de M. Julien Denormandie. Évidemment, ce sont des sommes très importantes, traduisant l'effort en faveur du logement et de l'hébergement d'urgence ainsi que de la politique de la ville.

Nous allons parler aujourd'hui du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ». Sa dotation s'élève à 209 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), en augmentation de 9 millions d'euros sur 2019, et 245 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit plus 4 millions d'euros par rapport à 2019.

Évidemment, ces moyens répondent à la priorité, donnée par le Président de la République au mois d'avril dernier, à l'action d'un État accompagnateur, facilitateur, présent sur le terrain, qui recrée de la proximité et qui est accessible à tous les territoires.

Trois principes vont guider notre action et la mobilisation de nos crédits : d'abord, partir des projets de territoire ; ensuite, co-construire avec les partenaires, qu'ils soient publics, privés, associatifs ; enfin, faire ce que j'appelle du « cousu main », c'est-à-dire adapter, tenir compte de la réalité des spécificités des territoires.

Pour ce faire, je souhaite vous présenter notre stratégie pour 2020, qui s'organise en deux volets. Le premier volet porte sur les méthodes d'action et les moyens de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, l'ANCT, car cela est essentiel. Le second porte sur l'accompagnement des transformations territoriales en faisant davantage pour les territoires fragiles, dans un cadre de contractualisation qui se met en place entre l'État et les collectivités.

Nous avons longuement parlé de l'ANCT au sein de votre commission, et je salue à nouveau votre rapporteure, qui a fait, et qui poursuit, un gros travail sur le terrain. La création de cette agence répond à la volonté, exprimée par le Président de la République dès le début de son mandat, de mobiliser et d'apporter au terrain l'ingénierie nécessaire pour construire des projets.

Il s'agit d'un changement de méthode, avec la création d'un outil de coordination et de fédération d'équipes et d'expertise. L'agence constitue, à travers les préfets de département, les services de l'État et ses opérateurs, un guichet unique local qui accompagne les porteurs de projets dans des domaines variés comme la mobilité, la culture, la santé, les villes, le centre-ville, le numérique.

L'ANCT entend sortir de la logique verticale et sectorielle d'un État prescripteur qui aménage le territoire sur la base d'appels à projets descendants, pour lui substituer une logique d'action ascendante, transversale et sur-mesure, en partant des projets de territoire. Il s'agit d'un outil au service de toutes les collectivités, pour tous les territoires, que ce soit bien sûr en métropole ou en outre-mer, qu'il s'agisse de communes, d'intercommunalités, de départements, de métropoles, de régions. L'intervention de l'ANCT ne se limitera pas seulement aux territoires institutionnels ; elle pourra travailler aussi avec les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR). Elle sera donc très adaptable au terrain.

L'agence peut intervenir sur tous les territoires, mais naturellement, elle se déploiera prioritairement sur les plus fragiles, là où les besoins sont les plus importants en ingénierie, en copilotage, en soutien financier et technique. Je rappelle aussi que l'agence interviendra en complémentarité et non en concurrence avec les ressources dont disposent les collectivités territoriales et leurs agences locales. De cette manière, son intervention ne sera pas uniforme : elle interviendra là où des besoins s'exprimeront.

Au fond, l'agence, c'est aussi le pari de la différenciation en action et en méthode. Il n'y a pas une réponse unique, décidée une fois pour toutes, de la même manière et qui s'appliquerait uniformément. Par exemple, si les objectifs sont nationaux, comme celui d'apporter le très haut débit sur les territoires, la réponse se construira à partir du besoin local. Nous savons déjà qu'il y a des territoires qui se débrouillent très bien seuls, avec déjà une participation financière de l'État, et d'autres qu'il faut aider.

L'ANCT est vraiment un outil à la disposition de tous les ministères. Bien sûr, il est porté par le ministère de la cohésion des territoires, mais vous avez bien compris d'après les différentes politiques que j'ai évoquées, que tous les ministères sont concernés, dans l'application des politiques publiques sur le territoire. Je dirais que dans les actes, les ministères ont vocation à utiliser l'agence, qui conduira pour leur compte, dans un cadre partenarial, leurs actions territorialisées. Ce positionnement de l'ANCT comme outil de l'État est incarné par les préfets et les délégués territoriaux de l'agence, qui sont choisis par les préfets.

Enfin, l'ANCT dans ses fonctions d'opérateur de programmes interministériels et territorialisés, permettra de garantir aux citoyens la proximité, la lisibilité et l'effectivité des actions concrètes sur le terrain.

En termes budgétaires, en 2020, l'ANCT sera dotée de moyens propres à hauteur de 49,7 millions d'euros au total, dont 10 millions dédiés au déploiement d'une ingénierie territorialisée, 15 millions d'euros pour les dépenses de fonctionnement et 24,3 millions d'euros de masse salariale afférente aux 331 emplois. Ces 331 emplois regroupent 243 emplois en provenance du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ; 27 emplois de l'Agence du numérique ; 47 de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ; il s'y ajoute 14 emplois de l'Agence de services et de paiement (ASP) concernant les fonds européens.

Cette enveloppe budgétaire de l'ANCT n'épuise pas ses moyens d'action. Elle s'appuiera, en effet, sur d'autres leviers d'expertise et de ressources. Je l'ai souvent dit, il y a ceux que je viens de citer, qui sont le fondement de la création de l'ANCT, mais il y a aussi les opérateurs membres du conseil d'administration que sont l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). L'agence va passer convention avec ces opérateurs afin de déterminer leurs modalités d'actions communes, pour qu'ils participent aux politiques territorialisées.

J'ajoute tout de suite, parce qu'on va me poser la question, que l'ANRU a son propre budget. Nous n'allons pas y puiser de l'argent. Cela étant, s'il se trouve qu'un projet territorial s'insère dans la politique de la ville et qu'il s'agit de la réhabilitation de logements dans un quartier, évidemment cela est financé par les financements de l'ANRU. Le même principe s'appliquera pour les autres politiques. Je le précise, car vous vous rappelez que pendant les débats parlementaires nous avons beaucoup entendu citer L'avare : « On va me prendre ma cassette ! ».

Par ailleurs, dans sa fonction de pilotage des programmes d'appui spécifiques pour le compte du Gouvernement, l'ANCT mobilisera leurs moyens au profit des territoires, par exemple les moyens des programmes lancés par l'État. et réalisés en partenariat avec les collectivités territoriales : Territoires d'industrie, France très haut débit, France mobile, Action Coeur de ville, France Services, etc. Ce seront des leviers d'action de l'agence au service des projets de territoire.

Enfin, les projets à l'échelle d'une commune ou d'une intercommunalité ayant un besoin d'ingénierie de l'État peuvent être accompagnés par les financements de droit commun, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). N'oublions pas non plus la dotation politique de la ville (DPV) et la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID). Tout cela représente un total de l'ordre de deux milliards d'euros.

En somme, l'ANCT sera un acteur majeur du renouvellement des modes de coproduction de l'action publique entre l'État et les collectivités. Nous avons déjà engagé ce processus avec des contractualisations que vous connaissez, mais nous aurons en plus cet outil qui fédérera l'ensemble des politiques publiques de l'État.

Le second volet consiste à déployer plus de moyens pour les territoires les plus fragiles. Les champs d'action ouverts depuis plus d'un an, que ce soit en termes financiers ou d'aménagement du territoire, sont très importants. L'année 2020 verra le déploiement de nouveaux programmes ciblés, notamment sur la ruralité et sur le renforcement des services de proximité dans les territoires.

Je rappelle par exemple qu'Action Coeur de ville, pour les villes moyennes, ce sont 5 milliards d'euros sur cinq ans. Bien sûr, quand je dis 5 milliards, j'associe l'ensemble des financements, c'est-à-dire ceux de la Banque des territoires et d'Action Logement. Je vous signale au passage qu'il y a déjà plus de 4 000 actions en cours dans les 222 communes sélectionnées. Puisque nous sommes dans la préparation du budget, ce sont environ 680 millions d'euros qui ont été engagés.

Territoires d'industrie est doté de 1,3 milliard d'euros avec déjà, fin septembre, près de 500 projets en cours, comme – cela rejoint un peu la question sur l'artificialisation des sols – ce grand projet de reconversion des friches industrielles, qui est très important. 252 millions d'euros ont été engagés par l'État et ses partenaires.

D'autre part, les territoires en difficulté déplorent souvent le manque d'ingénierie. Nous avons donc engagé, pour 25 « territoires d'industrie », une mobilisation de 2 millions d'euros en cofinançant des chefs de projet.

Le réseau France Services est destiné à renforcer les services de proximité dans tous les territoires. En 2020, 18,5 millions d'euros permettront de labelliser 300 maisons France Services. Citons aussi l'Agenda rural, avec 173 mesures sur les 200 proposées par la mission mise en place. Évidemment, l'Agenda rural fera partie, lui aussi, des politiques publiques pilotées par l'ANCT avec les ministères concernés.

Je clos ce panorama avec les « pactes de développement territoriaux », lancés en 2019 et qui vont se poursuivre en 2020. À cet effet, 11 millions d'euros en autorisations d'engagement et 6 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus dans le budget 2020. À ce jour, une dizaine de contrats ont été signés, notamment avec la Nièvre, les Ardennes, la Creuse, le Calaisis, la Bretagne, Châlons-en-Champagne, et la majorité des actions, soit 224 sur 268, a été engagée.

Ces nombreux dispositifs d'accompagnement des territoires, qui sont vecteurs de solidarité, incarnent notre volonté de nous adapter toujours plus aux réalités locales.

Peut-être devrais-je terminer avec les contrats de plan État-région (CPER), puisque nous allons élaborer une nouvelle génération de ces contrats. Cela fait quarante ans qu'existent les CPER. Nous savons combien ils ont constitué un outil essentiel pour l'aménagement du territoire. La génération de CPER 2015-2020 porte 13,6 milliards d'euros de crédits de l'État, dont 87 %, soit 12 milliards, sur les mobilités, la transition écologique, l'enseignement supérieur et la recherche. Le volet territorial représente pour sa part 1,23 milliard d'euros, dont 755 millions d'euros sur le budget du programme 112.

L'année 2020 sera la dernière année d'exécution des contrats de plan État-région. Sont prévus dans le budget du programme que nous examinons, 123,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 111,2 millions d'euros en crédits de paiement, qui doivent permettre d'opérer la transition avec la nouvelle génération de CPER 2021-2027.

J'ouvre une petite parenthèse pour rappeler que c'est aussi la nouvelle génération de crédits européens. Tout cela, évidemment, nécessite un important travail d'articulation entre ces procédures.

Il s'agit également d'une période de dialogue. Là aussi, en accord avec les collectivités territoriales et en particulier avec les régions qui doivent répondre aux défis de l'emploi, de la transition écologique, etc., nous avons décidé, pour préparer la prochaine génération de contrats, d'adapter nos politiques et notre organisation aux enjeux des territoires. Nous allons donc dialoguer avec les élus pour identifier leurs priorités.

Nous allons « encapsuler », si je puis dire, les réseaux, à savoir tout ce qui est relatif aux déplacements, à la mobilité et aux transports. La tendance naturelle est de limiter les CPER à cela. Or il y a beaucoup d'autres politiques publiques. Cela veut dire que le ministre des transports, dans le prolongement de la loi d'orientation des mobilités (la LOM), va travailler au volet transports des contrats de plan État-région, et que je vais travailler sur les autres secteurs en partant des besoins des territoires.

Cela veut dire que ces contrats de nouvelle génération ne seront pas uniformes selon les régions. Si le Grand Est veut donner une priorité – comme il l'a déjà fait d'ailleurs – par exemple au numérique, ce sera sa priorité. Si la Bretagne préfère que l'on soutienne l'agriculture, son CPER aura un volet « agriculture » sûrement plus développé que d'autres.

Cette méthode de travail, nous la transposerons pour les nouveaux contrats de ruralité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.