Le mouvement des gilets jaunes a souligné une chose pour qui ne souhaitait le voir auparavant, en France : il y a bien des gens qui souffrent des inégalités sociales et territoriales. Vous êtes ministre de la cohésion des territoires. Le problème soulevé par les gilets jaunes, comme par les mouvements issus des quartiers populaires, nous concerne toutes et tous, et votre ministère au premier chef.
Commençons par partir de votre comptabilité. Le budget global de votre ministère est passé de 18,3 milliards d'euros à 15,1 milliards entre 2017 et 2020. Plus de 15 % de réduction du budget ministériel, c'est mal commencer pour prétendre résoudre les problèmes massifs qui se posent en matière d'inégalités territoriales.
Pour les habitants de bien des zones rurales, le rapport à la République est marqué par une double exclusion. D'abord, les guichets de proximité sont supprimés. La Poste, les maternités, les gares, les écoles, la caisse d'allocations familiales (CAF), Pôle emploi ou la Sécurité sociale sont toujours plus loin et moins accessibles.
Ensuite, la couverture numérique n'est toujours pas assurée. Le problème ne se limite pas aux zones rurales. Ce sont 13 millions de nos concitoyens qui sont frappés d' « illectronisme » et ne peuvent donc accéder aux services publics, toujours moins assurés par la présence physique d'agents, dont les politiques de votre Gouvernement ne cessent de supprimer les postes.
Ce qui est vrai pour les zones rurales en termes de présence des services publics et de possibilités d'accès aux services numériques, l'est aussi des quartiers populaires de nos métropoles. Le problème de la numérisation générale des services est souligné par le rapport de nos collègues, MM. Jean-Paul Dufrègne et Jean-Paul Mattei, en des termes que je partage absolument. Je cite : « Dès le départ, la dématérialisation vise à faire des économies et c'est sous couvert d'efficience, qu'elle est présentée aux usagers contribuables. » Ils écrivent aussi : « Cette faute originelle explique les nombreux dysfonctionnements qui l'ont accompagnée et qui se sont accentués ». Qu'avez-vous à dire, Madame la ministre, de ce problème essentiel et massif qui, j'en suis certaine, est rapporté à beaucoup d'entre nous des quatre coins de la France ?
Il y a d'autres France que celle que représente, à l'exclusion de toutes les autres, le macronisme. Prenez la prise en charge des enfants. En Guyane, il y a six places en structure d'accueil collectif pour cent enfants. À Paris, 48 %. Rien n'est prévu dans le budget pour remédier à ces problèmes fondamentaux.
La densité départementale des médecins généralistes varie de un à huit entre les départements ruraux et les métropoles. C'est la même chose dans les quartiers populaires où la densité de médecins est inférieure au centre métropolitain. J'ai travaillé à Grigny, je vois exactement de quoi l'on parle.
Vous diminuez les crédits dédiés aux personnels du ministère. Ce sont 3 millions d'euros de dotations en moins pour les personnels des programmes 109 et 135, soit 3 millions de moins pour ceux qui sont en charge des aides personnalisées au logement (APL) et ceux qui, dans le cadre du programme 135, luttent contre l'habitat indigne. Cela est inacceptable.
Enfin, le projet d'Agence nationale de la cohésion des territoires, que vous mettez en oeuvre, présente les caractéristiques générales de ce type de fusions, qui sont pensées pour faire des économies et qui, en bien des exemples, finissent par coûter plus cher. Vos objectifs sont comptables et vous ne répondez pas, vous « encapsulez » les aspirations pour l'égalité sociale et territoriale qui viennent de tout le pays.