Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 9h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Permis de conduire, immatriculation des véhicules, Pôle emploi, caisse d'allocations familiales, assurance maladie, caisses de retraite, EDF, etc. La dématérialisation de toutes les démarches administratives et de la vie courante annonce le passage à une société sans contact.

Loin de faciliter l'accès des citoyens aux réseaux, développer ce type de société achève de couper tout contact social et empêche l'accès aux services vitaux pour certains de nos concitoyens. Treize millions de personnes sont touchées par « l'illectronisme », c'est-à-dire qu'elles ne sont pas à l'aise avec internet, soit 23 % de la population âgée de plus de 18 ans.

La dématérialisation ne facilite pas mais complique, au contraire, le quotidien de nombreuses personnes, dont les plus âgées. Identifiants, mots de passe, courriel, « captcha », un renouvellement mal effectué, un mail pas reçu, la moindre petite erreur peut enliser des personnes dans des situations difficiles pendant des mois. Il est simplement inadmissible que des personnes n'aient pas accès à leurs droits à cause de la dématérialisation. Cela est d'autant plus vrai que 15 % du territoire aujourd'hui ne bénéficient pas de la 4G et 30 % des habitants des communes de moins de 1 000 habitants ne disposent pas d'un débit de 3Mbitss.

La même question se pose quant à la couverture réseau du territoire. Les zones blanches sont aujourd'hui en cours de résorption par la puissance publique : 3,3 milliards d'euros ont été promis sur les dix prochaines années pour y remédier, dont 420 millions en crédits de paiement en 2020. L'État vient donc faire le « boulot » que la main invisible du marché, si sacrée pour la majorité macroniste, n'a pas fait. Forcément, aller équiper des territoires peu denses signifie peu d'abonnements et donc peu d'argent à gagner pour les entreprises.

Et pendant ce temps-là, l'État facilite l'arrivée de la 5G. Qui a demandé cette 5G et pour quoi faire ? Pour que notre frigo nous envoie des SMS quand il n'y a plus de lait ou pour que les panneaux publicitaires ciblent leur affichage quand nous passons devant ? Est-ce bien là la société que nous souhaitons ? Je ne le crois pas.

La 5G pose également des problèmes d'un point de vue sanitaire. Les ondes sont classées cancérogènes possibles par l'OMS, et l'ANSES a alerté sur leurs effets possibles sur les fonctions cognitives de nos plus jeunes concitoyens. Aucune étude n'a prouvé aujourd'hui l'innocuité de ces ondes. Le déploiement de la 5G est donc une expérimentation grandeur nature dont nous sommes toutes et tous les cobayes. J'en veux pour preuve le déploiement dans ma circonscription autour de Bordeaux Métropole et des villes environnantes, et les inquiétudes montantes des habitants qui voient fleurir des antennes sur les abribus ou leurs immeubles.

Du point de vue de l'environnement, ce n'est pas mieux : tous nos appareils vont devenir obsolètes d'ici 2025 si cette 5G devient le nouveau standard. Il faudra donc tout jeter et tout remplacer. Ce que l'État doit assurer pour la cohésion des territoires, puisque c'est de cela dont nous parlons aujourd'hui, c'est un accès normal aux services publics et non pas servir de marchepied aux géants du numérique qui ne cherchent que le profit au détriment de l'intérêt général. L'État avait prévu 100 millions d'euros sur plusieurs années pour former les citoyens au numérique, au rythme d'un million et demi de personnes par an. Face aux 13 millions de personnes complètement perdues face à internet, l'effort me semble bien insuffisant.

Le passage au tout numérique représenterait pour les caisses de l'État une économie globale de 450 millions d'euros par an, mais un investissement de 9 milliards d'euros serait nécessaire pour passer au tout numérique. On accélère finalement vers l'inconnu alors qu'on a déjà laissé presque un quart des gens sur le bord du chemin !

Voilà le résultat de cette politique de cohésion du territoire en matière de numérique : la « start-up nation » finalement équipée d'un logiciel « exclusion ». Moins de wifi et plus de gens en face-à-face : voilà ce que réclament aujourd'hui les gens sur les territoires pour que leur vie quotidienne soit réellement améliorée.

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