Avec 2,87 milliards d'euros, le budget 2020 de la mission Action extérieure de l'État est largement un budget de reconduction, en hausse de seulement 0,1 %, ce qui n'interdit pas d'opérer des choix et de mettre en oeuvre plusieurs mesures de modernisation.
Des marges de manoeuvre proviennent tout d'abord des effets de la démarche Action publique 2022 – dite AP2022 – de réforme des différents réseaux de l'État à l'étranger qui a fixé un objectif de diminution de la masse salariale pour l'ensemble des ministères concernés tout en renforçant la responsabilité des chefs de postes diplomatiques afin de mieux piloter les moyens des ambassades.
Cette démarche doit aboutir à une baisse des dépenses de titre 2 de 66 millions d'euros sur l'ensemble du périmètre, dont les deux tiers pour le Quai d'Orsay, soit 45 millions d'euros et une baisse de 5,7 %.
Le ministère a fait le choix de faire porter cet effort dès le début de la séquence en supprimant, dans ses effectifs à l'étranger, 90 équivalents temps plein (ETP) en 2018, puis 160 en 2019, et enfin 80 en 2020. L'effort supplémentaire d'ici la fin de législature sera d'environ 20 millions d'euros.
Concomitamment, depuis cette année, le programme 105 Action de la France en Europe et dans le monde de la mission regroupe l'ensemble des effectifs et des budgets de fonctionnement des services support de ces réseaux qui relevaient initialement de huit ministères distincts.
J'ai pu m'assurer de la mise en oeuvre effective de cette mutualisation sous la férule des nouveaux secrétaires généraux d'ambassades qui ont pu harmoniser les règles d'emploi des différentes catégories d'effectifs et qui optimisent les budgets de fonctionnement.
En 2020, il va résulter de ces deux séries de mesures une économie supplémentaire de 3 millions d'euros de dépenses de fonctionnement et de 15 millions d'euros de dépenses de titre 2.
Cependant, les crédits de titre II demandés pour 2020 augmentent de 9 millions d'euros, soit une hausse de 1 % : c'est l'effet d'une présentation plus sincère de ce poste de dépense qui ne dépend pas seulement du niveau de l'inflation en France mais également du niveau des prix hors de France.
Or au cours des dix dernières années, l'inflation mondiale a augmenté de plus de 48 %, contre plus de 15 % en France, et la valeur de l'euro est passée de 1,6 dollar à l'été 2008 à 1,1 dollar.
Cette évolution exerce une pression à la hausse sur les indemnités de résidence à l'étranger des agents expatriés ainsi que sur les rémunérations des agents de droit local, mal retracée jusqu'à présent dans la prévision budgétaire. En 2020, une provision de 15 millions d'euros est donc ouverte pour couvrir les effets de ces différentiels d'inflation.
Contrairement aux années précédentes, on ne constate pas de marges de manoeuvre importantes sur l'enveloppe de 780 millions d'euros de crédits alloués aux contributions aux quatre-vingt-trois organisations internationales dont la France est membre : elle ne baisse que de 5 millions d'euros, après une baisse de 73 millions d'euros en 2019.
La réduction de format de certaines opérations de maintien de la paix est contrebalancée, après une décennie de rigueur, par des hausses de budget des organisations onusiennes et des taux de change légèrement défavorable. Le risque de dégradation supplémentaire du change est cependant, pour 80 % des engagements en devises, couvert par des opérations d'achat à terme : c'est le fruit d'un travail de fond mené depuis plusieurs années avec les services de Bercy dont il convient de se féliciter.
Je souhaite relever l'effort d'augmentation du poste de l'immobilier à l'étranger, porté à 54,5 millions d'euros, avec en particulier une hausse de 5 millions d'euros pour les investissements d'entretien lourd. Cela revient à rebudgétiser une dépense essentielle menacée par la forte baisse des droits de tirage du ministère sur le compte d'affectation spéciale Immobilier de l'État, alimenté par le produit des cessions immobilières.
Après plusieurs années de belles ventes, les perspectives de cessions significatives se raréfient : sur un patrimoine immobilier à l'étranger évalué aujourd'hui à 4 milliards d'euros, ce qui était facile à vendre vite et bien l'a été entre 2010 et 2018, avec plus de 500 millions d'euros de cessions.
Or cette année le produit effectif des ventes ne dépassera pas 4 millions d'euros et atteindra à peine 30 millions d'euros en 2020. Dans l'ensemble, ce qui reste est soit de peu de valeur, soit difficile à vendre, soit durablement invendable en raison d'incertitudes tenant au statut juridique des propriétés.
L'ensemble de ces contraintes n'interdit pas de faire preuve d'ambition. Je salue en particulier le rebasage de la dotation de l'Agence de l'enseignement français à l'étranger (AEFE), que j'avais appelé de mes voeux lors du Printemps de l'évaluation.
La hausse nette de 25 millions d'euros financera des mesures d'expansion du réseau, à la fois en soutien aux établissements actuels et en appui à l'arrivée de nouveaux établissements partenaires, ou encore pour former, à l'étranger, des enseignants qualifiés recrutés sur place.
Je relève qu'il est demandé au réseau culturel d'absorber des baisses de dotations de fonctionnement modérées, d'environ un million d'euros, pour les établissements à autonomie financière des ambassades ou pour les alliances françaises.
Une telle évolution me paraît parfaitement soutenable, car ces services disposent de leviers afin d'accroître leurs ressources propres et surtout de nouer des partenariats. Un diplomate est d'abord un ensemblier, il ne doit pas envisager de tout faire lui-même dans des services sous contrôle direct du Quai d'Orsay : les ressources françaises et francophiles abondent de par le monde, comme le souligne notre collègue Frédéric Petit. Il faut d'abord renouveler les approches pour se donner les moyens d'aller chercher ces ressources.
Je terminerai en soulignant l'effort particulier visant à moderniser l'administration consulaire, avec des investissements en forte hausse. La dématérialisation de l'état-civil bénéficiera ainsi d'une dotation de 1,4 million d'euros provenant du fonds de transformation de l'action publique (FTAP). Le vote par internet, qui avait été suspendu lors des élections législatives de 2017, devrait par ailleurs être effectif en 2020. Enfin, pour décharger les consulats des demandes les plus simples, un centre d'appel à numéro unique sera mis en place, conformément à une recommandation figurant dans le rapport présenté l'année dernière par notre collègue Anne Genetet.
Je donne donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Action extérieure de l'État.