Intervention de Émilie Bonnivard

Réunion du vendredi 25 octobre 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, rapporteure spéciale (Tourisme) :

Le dynamisme des flux touristiques mondiaux ne fléchit pas. Dans ce contexte particulièrement stimulant, la France, avec 89,3 millions de touristes internationaux accueillis en 2018, peut une nouvelle fois revendiquer son titre de première destination au monde.

Toutefois, paradoxalement, notre pays n'occupe en termes de recettes touristiques que la troisième position, le panier moyen s'y élevant à 260 euros, soit un montant plus faible qu'en Espagne et aux États-Unis. Le fait que nous soyons un pays de transit ainsi qu'une destination de séjours de plus courte durée explique en partie cet état de fait, sur lequel nous devons travailler.

Le Gouvernement a choisi de ne pas disposer d'un ministre ou d'un secrétaire d'État de plein exercice, préférant une organisation interministérielle.

Je reconnais que le comité interministériel du tourisme (CIT) a l'air de travailler – à défaut de disposer d'informations précises sur ses axes concrets de travail, ses moyens et ses objectifs. Aussi me paraîtrait-il opportun de disposer, en tant que rapporteure spéciale, de moyens permettant d'évaluer l'action réelle du CIT, puisqu'il constitue le principal levier de l'action du Gouvernement en matière touristique.

S'agissant des crédits du principal opérateur, Atout France, je regrette que le budget pour 2020 prévoie une baisse de 4,4 millions d'euros de la subvention pour charge de service public, soit près de 14 %. Cette subvention, pourtant assez stable ces dernières années, s'élevait à 32 millions d'euros en 2019 ; elle passera à 30,9 millions d'euros en 2020, montant dont il faut néanmoins défalquer la somme de 2,6 millions d'euros provisionnée en vue de faire face à la suppression de certaines mises à disposition.

Un effort considérable est donc demandé à cet opérateur, alors même que le budget de l'État dédié à la promotion touristique, soit 30 millions d'euros, est déjà relativement modeste par rapport au poids – 8 % du PIB – du secteur dans notre économie.

Une baisse aussi importante de ses crédits le contraindra à rogner sur ses missions à l'étranger et me paraît contraire aux objectifs poursuivis par le Gouvernement, tant en termes de fréquentation que de maintien voire d'augmentation des recettes tirées du tourisme, dans un environnement très concurrentiel. Le Gouvernement s'est fixé en la matière un objectif de 66 milliards d'euros en 2020, après 55 milliards d'euros en 2018 ; il serait plus prudent, me semble-t-il, d'appliquer en 2020 une moindre réduction au budget d'Atout France afin d'étaler cette baisse dans le temps : je proposerai d'ailleurs un amendement en ce sens.

J'en viens aux crédits du programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie. Cette mission a, depuis deux ans, vu la suppression ou la diminution drastique des crédits alloués tant à la Direction générale des entreprises (DGE) qu'à Bpifrance. Je me réjouis que la ligne budgétaire de la DGE n'ait pas été totalement supprimée cette année, bien qu'elle soit passée de un million d'euros il y a deux ans à 140 000 euros cette année, ces crédits étant affectés à des associations de tourisme social ; je regrette en revanche vivement la suppression de l'action 20 Financement des entreprises, que nous avions sauvée in extremis l'année dernière et qui permet de financer l'activité de garantie des prêts aux entreprises de Bpifrance.

Permettez-moi de rappeler que sans cette activité de garantie, nombre de projets, émanant de tous les territoires n'auraient, notamment dans le domaine du tourisme, pas pu voir le jour, car ils auraient été considérés comme trop risqués par les financeurs privés. L'activité de garantie de Bpifrance a prouvé toute son efficience, avec un effet de levier considérable : pour les seules entreprises du secteur du tourisme, plus de 1,3 milliard d'euros ont été mobilisés grâce à elle en 2018. Attention donc à ne pas supprimer ou affaiblir les mécanismes de soutien au tourisme qui fonctionnent dans nos territoires.

J'en viens aux deux points que je développerai dans mon rapport. Quelles sont réellement les dépenses fiscales dédiées au tourisme ? Il me semble qu'aucune d'entre elles ne concourt véritablement à l'amélioration de notre offre touristique, sur laquelle nous devons travailler.

Elles sont essentiellement tournées vers la demande : je pense notamment au taux de TVA à 10 % applicable à la restauration, dont nous conviendrons qu'il dépasse largement le secteur touristique. Or nous avons besoin de leviers fiscaux en vue d'améliorer notre offre et de moderniser nos hébergements ainsi que nos équipements.

Autre sujet important, lié au précédent : l'engagement, historique, de la Caisse des dépôts et consignations dans le tourisme, qui a fait l'objet d'un très récent et assez critique rapport de la Cour des comptes. En 2015, le plan Fabius avait confié à la CDC la mission d'investir dans trois secteurs majeurs et de lever un milliard d'euros en vue de moderniser notre offre touristique : l'hébergement, les équipements et infrastructures, et les entreprises. L'action du Gouvernement actuel s'inscrit dans le prolongement de celle du précédent sur ce point, car lui aussi a confié à la CDC – hors de son budget – un certain nombre de programmes en matière de tourisme.

Que dit le rapport de la Cour ? Que faute de pilotage stratégique clair et en raison du modèle même de la CDC, qui a un certain nombre d'exigences en tant qu'investisseur, à cheval entre privé et public, les objectifs sont assez loin d'être atteints. L'échec de la Foncière Développement Tourisme en est un exemple : alors que l'objectif était de mobiliser 500 millions d'euros de fonds propres, elle n'en a finalement mobilisé que 67 et n'a financé qu'une seule opération depuis sa création en 2015.

Cela ne veut pas dire que la CDC n'a pas son rôle à jouer dans l'investissement touristique : elle peut faire de l'ingénierie et accompagner un type donné d'opération avec un taux élevé de taux de rendement interne. Mais la réalité est qu'elle ne peut à mon sens couvrir, du fait de ses propres contraintes, l'ensemble de la mission que l'État semble lui confier notamment sur les opérations moins rentables. Elle doit également améliorer le pilotage de ses opérations.

Il est en ce sens essentiel de revoir l'arsenal des outils déployés par l'État en matière touristique et de ne pas se cacher derrière l'opérateur qu'est la CDC, dont les résultats sont insatisfaisants, car la dépense fiscale ou les programmes d'investissement directs doivent rester les outils adaptés en matière de modernisation de nos équipements.

Compte tenu essentiellement de la baisse du budget d'Atout France et de la suppression de l'action 20 touchant l'activité de garantie de Bpifrance, je ne donnerai pas un avis favorable à l'adoption des crédits du tourisme.

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