Je voudrais commencer par le sujet de la santé mentale. Je suis une scientifique, je suis aussi médecin, et je suis aussi citoyenne, et, effectivement, vous avez cité un certain nombre d'indicateurs de santé très objectifs sur ce sujet. Nous pouvons aussi considérer et être tout à fait d'accord qu'il s'agit de pathologies extrêmement lourdes à la fois pour les personnes, mais aussi pour leur entourage. Ce sont des sujets importants de santé publique.
Les actions de Santé publique France sont orientées, comme vous le citez au travers du programme 6, sur la prévention. Il y a un certain nombre d'actions qui sont déjà menées, par exemple autour de la réponse téléphonique sur les addictions et autour aussi d'un certain nombre d'actions en cours d'expérimentation, qui sont orientées vers les personnes, mais aussi vers leurs parents, vers les entourages. Il y a aussi une réponse téléphonique pour la prévention du suicide. Il y a déjà un certain nombre d'actions qui sont mises en oeuvre, mais je m'engage et j'y accorde une très grande importance. Je regarderai cette thématique très attentivement dès ma prise de fonctions, parce qu'il faut soutenir les interventions fondées sur les meilleures pratiques et les données probantes pour que l'on progresse sur ce sujet. La prévention d'aujourd'hui est aussi d'éviter la lourdeur des pathologies de demain.
Ensuite, sur la prévention, j'ai entendu globalement une convergence sur le fait que c'est une priorité du Gouvernement. Je ne peux qu'adhérer comme spécialiste de santé publique, à l'importance qui est donnée aux programmes de prévention et de promotion de la santé. Il semble émerger un consensus sur le fait qu'il y a beaucoup d'acteurs et qu'aujourd'hui, le pilotage n'est pas réellement visible.
Santé publique France n'est pas un effecteur. C'est un grand établissement – 650 agents, c'est important – mais il est impossible de tout faire sur l'ensemble du territoire. Cela veut dire qu'il faut avoir des relais et organiser la coordination et l'articulation avec l'ensemble de ces relais. Les agences régionales de santé sont très importantes dans ce tissu : le tissu associatif, l'assurance maladie, les mutuelles, les collectivités territoriales.
Nous pouvons au moins réfléchir ou nous dire que Santé publique France est contributive, ou peut être contributive, sur deux points. Le premier est qu'il y a un besoin de cohérence. Les actions de Santé publique France et son rôle de catalyseur à l'échelon national peuvent apporter à cette cohérence. Le second principe est d'être attentif pour que les financements et les ressources alloués le soient à des projets, soit pour constituer de la preuve et des données probantes, soit pour des projets de déploiement qui ont fait leurs preuves. Dans ce sens, Santé publique France a déployé un portail des données probantes. Je pense que c'est un outil extrêmement important, parce que cela permet justement à l'ensemble des acteurs d'avoir accès à des éléments sur les meilleures pratiques.
Vous avez souligné un certain nombre d'aspects sur la santé liés à des questions d'environnement. L'environnement a un impact sur la santé. C'est un enjeu qui est particulièrement visible aujourd'hui, et qui perdurera dans le temps. Ce sont des questions extrêmement difficiles, comme vous l'avez souligné avec l'exemple de l'exposition aux pesticides et des décisions à prendre à ce sujet-là.
Pour une scientifique, c'est un argument facile à donner, qui n'est pas toujours facile à appliquer : cela nécessite des moyens et du temps, parce qu'il faut disposer de données probantes. Il faut disposer de ressources appropriées. Santé publique France ne peut pas tout faire seule. Nous avons besoin de la recherche et nous avons besoin sûrement aussi de renforcer les coopérations, en particulier à l'échelon européen pour partager les données, les interprétations de ces données et aussi l'analyse des meilleures informations disponibles.
Enfin, Santé publique France n'exerce pas de mesures de police sanitaire. Il y a aussi une attente par rapport aux mesures de gestion qui n'est pas nécessairement dans le périmètre de Santé publique France. Certes, nous pouvons produire des résultats, mais nous avons aussi des attentes par rapport à ces mesures de gestion.
Santé et environnement, c'est donc un sujet que je suivrai d'extrêmement près, parce qu'il est évidemment majeur aujourd'hui, et nous savons qu'il perdurera dans le temps.
Vous avez posé une question sur à l'alcool. Là aussi, quand on s'intéresse à la santé des populations, on voit dans ce que l'on appelle le « fardeau des maladies » (en anglais, le global burden of disease), en particulier en France, que 41 000 décès et 30 000 cancers sont attribuables chaque année à l'alcool. Évidemment, il s'agit d'une priorité pour une agence de santé publique. Vous avez souligné la campagne pour les jeunes « Amis aussi la nuit ». C'est une campagne de prévention qui est particulièrement intéressante en ce qu'elle vise à une prise de conscience dans un esprit de solidarité. Il s'agit aussi d'un très bon moyen pour faire de la prévention, pour souligner à quel point l'ensemble des acteurs en prévention, l'ensemble des individus ont plus de chance de succès dans un contexte ou un principe de solidarité. Cette campagne est un bon début pour s'assurer d'avoir progressivement une stratégie globale et une prévention efficace dans ce champ.
Sur l'EPRUS, n'étant pas encore en fonctions, je ne suis pas en mesure de vous répondre précisément, mais je note évidemment la question et je m'attacherai à regarder ce point-là dès que je serai à mon poste.
Sur la fiscalité comportementale, comme vous le savez, il y avait une taxe affectée à Santé publique France, mais elle a été supprimée dans le projet de loi de finances (PLF). Globalement, les taxes ont plutôt prouvé leur efficacité, si on parle de données probantes, en particulier dans des modèles de pays comparables, sur le tabac par exemple. L'augmentation du prix du tabac est une des mesures importantes pour la prévention du tabagisme, mais évidemment, cela ne suffit pas. La prévention a une efficacité à partir du moment où elle se situe dans un ensemble de mesures qui ont la plus grande cohérence possible et qui sont menées par des acteurs qui agissent de manière complètement cohérente.
Sur la vaccination, en tant que professionnelle de santé, je me fais vacciner contre la grippe chaque année. Si l'on regarde ce que fait Santé publique France, qui vient de produire un certain nombre de données publiques sur les taux de couverture vaccinale, dans les données les plus récentes, on peut voir que la proportion de professionnels de santé vaccinés contre la grippe varie entre 25 et 40 % selon les professions. C'est un taux qui ne permet pas d'assurer ce que l'on appelle « l'immunité de groupe », c'est-à-dire la protection au sein d'une population à partir du moment où un certain nombre d'individus sont vaccinés.
Santé publique France produit aussi l'analyse d'un certain nombre de leviers qui ont un intérêt pour être efficaces contre la diffusion, en particulier, des épidémies de grippe. Nous pouvons évoquer deux aspects à ce sujet. D'abord le fait de faciliter les accès : chaque fois que l'on facilite l'accès, que les parcours pour accéder aux vaccins sont simplifiés, les réticences à se faire vacciner sont levées. La gratuité aussi est un point important. Enfin, au-delà du vaccin, il y a aussi la promotion complémentaire. Là encore, il s'agit d'un ensemble de mesures complémentaires utiles à la prévention. Il y a les mesures barrières, port du masque ou le lavage des mains, qui sont très importantes.
Sur le Fonds mondial, c'est un succès. Si l'on reconstitue le Fonds mondial, la lutte contre l'épidémie de VIH SIDA a été globalement extrêmement complexe, mais plutôt aussi, d'une certaine manière, un succès. La reconstitution du Fonds mondial est extrêmement importante. Le niveau du montant est très significatif et il permettra sûrement de contribuer à des actions et des interventions importantes. Je n'ai pas connaissance que ce Fonds soit destiné précisément à des actions en France, où il y a une agence et un certain nombre d'acteurs qui sont déjà largement impliqués.
Nous sommes dans un monde globalisé. Toutes les actions internationales qui sont menées pour la lutte contre ces maladies ailleurs que dans notre pays, leur promotion et le rôle de la France sur ce sujet sont évidemment très importants et constituent un retour pour la santé dans notre pays.