Commençons par nous réjouir de la baisse du chômage, continue depuis 2015, même si, on ne peut que regretter que le rythme de cette baisse soit deux fois moindre qu'en 2017, tout comme nous nous désolons que le chômage des jeunes continue d'augmenter, ce qui montre que deux des dispositifs au moins, susceptibles de leur être dédiés, les PEC et les emplois francs, sont des échecs patents.
J'entends certains orateurs se répandre en dithyrambes sur les réformes engagées depuis le début du quinquennat. Je me souviens, quant à moi, de la première, et des ordonnances prétendument destinées à renforcer le dialogue social. Vous nous aviez demandé, madame la ministre, de parier sur les droits des salariés – n'est-il pas un peu facile de parier ainsi sur les droits des autres ? Il se trouve qu'avec Laurent Pietraszewski, je suis co-rapporteur sur l'application de ces ordonnances et que je peux rendre compte ici de ce que nous avons entendu aux cours de nos auditions.
Il en ressort le constat d'une déstabilisation grave et profonde du dialogue social, d'une réduction des moyens des partenaires sociaux, d'accords qui, lorsqu'ils sont conclus, sont de mauvaise qualité et se limitent au supplétif. À cela s'ajoutent encore un retard considérable dans la mise en place des comités sociaux et économiques, une moins bonne prise en compte de la sécurité et de la santé au travail du fait de la disparition des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un dialogue de proximité affaibli et défaillant, des conseils d'entreprise qui n'ont pas suscité le moindre intérêt, des observatoires d'analyse et d'appui au dialogue social réduits à être des coquilles vides, bref un dialogue social qui ne décolle pas dans les petites entreprises et un risque avéré de détournement des accords de performance collective comme des ruptures conventionnelles collectives, qui se substituent ici ou là aux plans de sauvegarde de l'emploi...
Il me semble donc qu'on ne peut prétendre aujourd'hui que la loi a renforcé le dialogue social, pas davantage d'ailleurs qu'il n'aura été conforté par la manière dont vous avez conduit la réforme de l'assurance chômage, munie d'une lettre de cadrage qui portait en elle-même l'échec de la négociation tant ce qui était demandé était inacceptable de la part des partenaires sociaux.
Je ne peux que déplorer et m'inquiéter de l'entrée en vigueur des mesures que vous avez décidées au coeur de l'été. Ce sont 4,5 milliards d'euros d'économies en trois ans, qui seront réalisées au détriment de la moitié des demandeurs d'emploi indemnisés, soit près de 1,3 million de personnes qui vont être touchées, parfois durement. À partir du 1er novembre, celles et ceux qui ont le plus de mal à retrouver un emploi seront soit exclus du dispositif, soit empêchés d'y entrer, à moins que leurs droits s'ouvrent mais avec retard. Les effets les plus dévastateurs de cette réforme se feront sentir en avril 2020, soit juste après les élections municipales... Seront affectés 850 000 demandeurs d'emploi indemnisés qui travaillent en cumulant des contrats courts, et au moins 37 % des nouveaux allocataires verront leur allocation mensuelle baisser, pour certains de 50 %. C'est un carnage que paieront cher les jeunes et les précaires et que condamnent les représentants des salariés – Laurent Berger l'a dit avec force, parlant d'une punition et d'une trappe à pauvreté. Tel est le dernier acte de votre plan pauvreté.
À vous entendre, ces mesures immédiates de baisse de droits auront pour vertu d'inciter les chômeurs à changer de comportement : cela traduit bien le fait que vous prétendez vouloir offrir du travail aux chômeurs, mais qu'en réalité vous leur retirez des droits.
Ce qui, en revanche, ne risque pas de susciter un changement de comportement, c'est l'indigence de votre dispositif de bonus-malus, si dérisoire qu'en réalité il ne changera rien au fait que la France détient de manière consternante un tiers des CDD de moins d'un mois de l'Europe à vingt-huit.
Vous parlez de renforcer l'accompagnement des chômeurs ; force est de constater que ce sont les chômeurs eux-mêmes, à travers une nouvelle ponction de l'UNEDIC, qui se paieront leur accompagnement et que les emplois créés ne viendront pas compenser les suppressions de postes de ces deux dernières années. Depuis 2018, le désengagement de l'État est patent, avec un recul de 18 % des financements du service public de Pôle emploi. Voilà, madame la ministre, des motifs d'inquiétude et de préoccupation qui nous poussent à ne pas soutenir ce budget.