Ce budget consacré au travail et à l'emploi, examiné dans un contexte de baisse du chômage et de créations d'emplois, pourrait paraître une promenade de santé. Chacun peut avoir son analyse sur les raisons de cette amélioration générale ou sur l'évolution de tel ou tel indicateur. En tout état de cause, nous devons apprécier cette baisse tout en restant lucides sur sa portée. Elle n'est en effet pas uniforme, et le chômage structurel de longue, voire de très longue durée, reste massif et continue malheureusement de progresser : 48 % des demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi le sont depuis un an ou plus, et ce n'est pas la légère baisse de 0,4 % au troisième trimestre de cette année, par rapport à la même période en 2018, qui permet d'inverser la tendance. Le nombre de demandeurs d'emploi au chômage depuis plus de deux ans a augmenté de 13,6 % au premier trimestre, de 11,6 % au deuxième trimestre et de 6,4 % au troisième trimestre. Quant au nombre de demandeurs d'emploi au chômage depuis plus de trois ans, il a augmenté de 2,8 % au premier trimestre, de 3,1 % au deuxième trimestre et de 3,8 % au troisième trimestre.
Cette persistance d'un chômage structurel prend tout son relief à l'approche de la réforme des retraites. Même si le chômage de longue durée ne se résume pas à celui des seniors, tant s'en faut, ce dernier en fait partie, et la question de l'emploi des seniors reste un défi à relever, auquel le budget de cette mission ne semble répondre que très partiellement. Je remarque d'ailleurs que ceux qui souhaitent retarder l'âge de départ en retraite sont souvent ceux qui se séparent de plus en plus tôt des jeunes seniors qu'ils emploient. On peut d'autant plus le regretter que la Cour des comptes a récemment insisté sur le triplement du nombre de demandeurs d'emploi de plus de 50 ans depuis 2008 et sur le risque de paupérisation de cette population.
De même, on a tout lieu de s'inquiéter du chômage de longue durée, qui se concentre particulièrement dans les QPV, exposés au risque de voir le fossé se creuser chaque jour un peu plus entre ceux qui bénéficient de l'amélioration de l'emploi et ceux qui restent relégués, avec les effets délétères sur la cohésion sociale, voire les dangers d'explosion sociale que cela induit, ainsi que le souligne l'institut Odoxa.
Ce budget doit donc traduire une mobilisation de tous les acteurs de l'emploi contre le chômage de longue durée. Sur ce point, fidèles à notre conception décentralisatrice, nous estimons que le rôle joué par les territoires est essentiel. Les collectivités et les élus locaux peuvent être les courroies d'entraînement et assurer l'animation de cette mobilisation. À ce stade, nous saluons la généralisation des emplois francs à l'ensemble des QPV, en ajoutant que c'est la mobilisation des communes et des intercommunalités, aux côtés du service public de l'emploi, qui doit permettre d'atteindre les objectifs – j'en veux pour preuve la métropole de Lille qui, à elle seule, a créé la moitié des emplois francs qui ont vu le jour dans le cadre national de l'expérimentation. Les initiatives territoriales, parce qu'elles répondent précisément aux besoins détectés sur le territoire, doivent être épaulées, et nous présenterons des amendements en ce sens.
Enfin l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », lancée en 2016, doit pouvoir être étendue dès 2020, au regard de ses résultats d'ores et déjà encourageants sur les dix territoires retenus. Cette extension avait été annoncée dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, et notre groupe attend de cette discussion budgétaire des engagements et un calendrier précis concernant 2020. C'est pourquoi nous réservons notre vote en fonction du sort que connaîtront nos amendements et de la manière dont il sera répondu en séance à ce défi du chômage de longue durée, en pleine expansion dans une période où la croissance crée pourtant de l'emploi.