Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du lundi 4 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Les choses avaient pourtant bien commencé puisque, lors de la présentation du projet de loi de finances, le ministre de l'action et des comptes publics se vantait de la très forte augmentation du budget de l'écologie, avec plus de 800 millions d'euros de crédits supplémentaires en 2020. « C'est l'écologie qui a le plus de priorité budgétaire ! » disait-il. « La transition énergétique est une exigence absolue. Nous ferons mieux et nous ferons plus ! » renchérissait même son collègue du ministère de l'économie. De là à croire que l'exécutif avait intégré l'impératif de protéger le vivant et le climat, il n'y avait qu'un pas, que, cependant, nous n'avons pas franchi pas tant la réalité de ce budget est finalement éloignée des annonces que je viens de rappeler.

Reconnaissez, madame la secrétaire d'État, que les 1 073 suppressions de postes au sein de votre ministère auraient dû alerter la représentation nationale sur la duplicité gouvernementale. On nous avait promis la République en marche, et nous n'avons finalement que la République des slogans. Et ce n'est pas en saupoudrant ce budget de quelques mesures écologiques sans aucune remise en cause des modes de vies, des modes de consommation et des modes de gouvernance que votre ministère réussira à ralentir la course folle dans laquelle nous sommes collectivement engagés. Madame la secrétaire d'État, l'écologie ne peut plus se contenter de déclarations d'intention ! Votre ministère doit être à la hauteur du costume de leader que le Président arbore fièrement, posant en donneur de leçons à la face du monde.

Aussi, l'exercice budgétaire aurait dû être la traduction concrète de la priorité donnée à l'exigence écologique. Hélas, c'est loin d'être le cas. Il semble encore utile de rappeler que, en 2016, l'Agence nationale de santé publique a estimé à 48 000 le nombre de décès prématurés liés à la pollution atmosphérique en France. Partant de ce constat, on ne peut que condamner l'indigence du budget consacré à l'énergie qui nous est proposé cet après-midi. Les quelques hausses de crédits sont seulement faciales en ce qu'elles résultent de transferts de crédits provenant d'autres programmes.

Habitué à ce tour de passe-passe budgétaire, le groupe GD le dénonce sans aucune réserve. Car, si l'on en déduit les nouvelles actions, on se retrouve en réalité avec 825 millions d'euros en autorisations d'engagement et 795 millions en crédits de paiement pour le programme « Énergie, climat et après-mine », soit une baisse de 20 % par rapport au budget de 2019.

On ne remarque rien de saillant non plus concernant la lutte contre la pollution de l'air, en dépit des chiffres catastrophiques de l'Agence nationale de santé publique et alors que nous dépassons allègrement les valeurs limites en particules fines et en dioxyde d'azote. Outre les 48 000 décès prématurés que j'ai rappelés, la condamnation de la France, le 24 octobre dernier, par la Cour de justice de l'Union européenne pour avoir dépassé de « manière systématique et persistante depuis le 1er janvier 2010 la valeur limite annuelle pour le dioxyde d'azote » – communiqué de presse de la Cour – , aurait pourtant dû interpeller lourdement le Gouvernement. Mais là encore, on croit entendre : « Circulez, il n'y a rien à voir. »

Non seulement vos mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre seront inopérantes car dérisoires, mais aucun investissement structurel n'est mené alors que les experts de l'Institut de l'économie pour le climat évaluent entre 45 milliards et 75 milliards d'euros par an les besoins annuels en investissements nécessaires à l'atteinte des objectifs climatiques fixés par notre pays. Déjà, l'année dernière, ce même institut démontrait qu'il manquait en la matière 20 milliards d'euros au budget de l'État. Pendant ce temps, l'Allemagne, qui sert pourtant de modèle à la France, vient d'annoncer qu'elle profiterait, elle, des taux bas pour mener une grande politique d'investissement, à hauteur de 100 milliards d'euros.

En outre, la prime de conversion, qui a pourtant fait ses preuves, subit une baisse sacrificielle supérieure à 30 %, tandis que la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique a tout l'air d'une catastrophe annoncée ! Seuls 800 millions d'euros seront ainsi mobilisés en 2020 pour la rénovation des logements, contre 900 millions d'euros l'an passé et 1,6 milliard d'euros en 2017. Recentrer le dispositif sur les ménages modestes, voire très modestes, afin de leur permettre de réaliser des travaux d'amélioration de leur logement est un non-sens économique, puisque les restes à charge seront bien trop élevés pour que ces ménages y aient recours. Dès lors, il y a de fortes probabilités que vous ne dépensiez même pas les 800 millions d'euros que vous avez budgétés.

Côté fiscalité écologique, cette fois, rien de nouveau sous le soleil. Il aurait pourtant été opportun d'engager une réflexion sur l'affectation des recettes de la mise aux enchères des quotas carbone, car cela aurait l'avantage d'apporter des crédits nouveaux de façon quasiment indolore pour les Français.

Madame la secrétaire d'État, notre groupe regrette que, au-delà des apparences, votre ministère n'ait manifestement pas entendu le nouveau cri d'alarme lancé par le GIEC dans son dernier rapport sur le changement climatique, les océans et la cryosphère. Dans ce contexte, comment justifier que l'État continue de dépenser 25 milliards d'euros par an sur des investissements nocifs pour l'environnement ? Nous attendions de ce budget qu'il établisse une feuille de route ambitieuse, volontaire et claire ; nous espérions qu'il décline également des politiques innovantes au service des territoires et des populations, un budget qui porterait une attention particulière aux outre-mer, premières victimes du changement climatique alors qu'elles abritent 80 % de la biodiversité nationale dont la moitié rien qu'en Guyane où, hélas, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sont en baisse de 4,5 % en crédits de paiement et de 3 % en autorisations d'engagement. En résumé, nous attendions beaucoup, et nous nous retrouvons avec rien ou presque. Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la secrétaire d'État, que les députés du groupe GDR ne pourront pas vous soutenir et voteront contre les crédits de cette mission.

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