Quatre et demi pour cent : c'est le taux de gaz à effet de serre que notre pays émet en trop pour tenir les engagements qu'il a pris au titre de l'accord de Paris. Deux virgule sept : c'est le nombre de planètes qui seraient nécessaires si l'ensemble de l'humanité vivait comme nous, Français. Deux degrés : c'est la limite de réchauffement climatique que nous nous sommes fixée pour la fin de ce siècle, et qui impliquerait de diviser par trois les émissions mondiales de CO2 d'ici à 2050 – ce qui nous ferait revenir un siècle en arrière, alors que le PIB a été multiplié par dix et la population mondiale par quatre. Quatre millions : c'est le nombre de ménages français touchés par la précarité énergétique, c'est-à-dire n'arrivant pas à satisfaire leurs besoins élémentaires en énergie à cause de leurs ressources ou de leurs conditions d'habitat. Cinquante milliards d'euros : c'est ce que dépense la France chaque année pour importer du pétrole et du gaz, et c'est autant d'argent que l'on pourrait réallouer à l'intérêt collectif. Ces quelques chiffres représentent le constat implacable de l'efficacité relative de nos politiques publiques en matière environnementale depuis plusieurs décennies.
Il y a pourtant un paradoxe dans notre pays : malgré la prise de conscience collective de la nécessité de préserver notre planète, la transition énergétique menace d'être un facteur de fracture sociale et territoriale, par crainte de la hausse des prix des énergies, mais aussi faute de percevoir un grand projet de société. Dans certains de nos territoires, en effet, la transition énergétique est seulement perceptible par les champs d'éoliennes etou par l'augmentation des taxes environnementales, sans que les bénéfices de cette transition soient directement palpables.
Dans un premier temps, je tiens à saluer le travail effectué, dans le cadre de cette mission, avec de nouveaux dispositifs mis en place au titre du programme « Énergie, climat et après-mines », tels que la transformation du CITE en prime d'aide, le chèque énergie ou l'aide à l'acquisition de véhicules peu polluants : ce sont là des solutions concrètes apportées aux citoyens pour leur permettre d'enclencher leur propre transition énergétique. Plus que jamais, nous devons concilier efforts environnementaux et équilibre social afin de ne plus opposer fin du mois et fin du monde.
À ce titre, si je salue la décision du Gouvernement relative au CITE pour les neuvième et dixième déciles – thème que je ne développerai pas, car il en a déjà été question – , je m'étonne que son montant soit en baisse entre 2019 et 2020. Si le ciblage des aides aux catégories les plus modestes est un choix politique, la transition énergétique ne doit en aucun cas servir de source d'économies. Pourquoi ne pas avoir conservé le budget de 2019, tout en le répartissant entre les ménages aux revenus les plus modestes ?
D'autre part, je souhaite appeler votre attention sur le budget de l'ADEME, en baisse pour la deuxième année consécutive alors que cette agence est chargée de mettre en oeuvre les objectifs ambitieux du Gouvernement en termes de transition énergétique. Au moment où celle-ci devient une priorité pour la lutte contre le réchauffement climatique, je m'étonne de ce choix, notamment pour ce qui concerne le déploiement de l'hydrogène, énergie d'avenir. À titre d'exemple, alors que le Gouvernement s'est engagé à investir 100 millions d'euros par an pour développer cette énergie – qui peut être, en outre, une filière française majeure, et revêt donc un intérêt économique autant qu'écologique – , le plan n'a été exécuté qu'à hauteur de 70 millions d'euros en 2019, soit bien en deçà de l'objectif fixé. Pour l'année 2020, les informations concernant la mise en place de ce plan ne figurent pas dans les documents budgétaires.
J'aborderai donc tout à l'heure, dans le débat, le manque d'information dont souffrent les parlementaires. Nous sommes en effet dans l'incapacité de savoir combien le Gouvernement investira, par exemple, pour la filière de l'hydrogène en 2020. Il paraît indispensable que le budget de l'ADEME, ou à tout le moins une prévision, soit disponible lors de l'examen du PLF à l'Assemblée nationale. Ce point fera l'objet de l'un de mes amendements et je compte sur mes collègues pour m'aider à le faire adopter – avec, j'y compte bien, un avis favorable du Gouvernement.
Je considère que ce budget va globalement dans le bon sens, mais que nous devons encore amplifier nos efforts. Le récent rapport sur l'état de l'environnement en France doit nous interpeller, car les efforts menés ces dernières années restent insuffisants : sur les neuf critères définis – les « limites planétaires » – , nous sommes dans le rouge. Pour citer Georges Pompidou, « l'intérêt général a cette particularité qu'il ne s'impose pas naturellement ». C'est donc ensemble – et le groupe UDI, Agir et indépendants y sera très sensible – que nous pourrons travailler pour une intelligence écologique.