Intervention de Valérie Bazin-Malgras

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Bazin-Malgras, rapporteure pour avis :

La mission Culture apparaît relativement préservée dans le projet de loi de finances pour 2020 puisque les montants des crédits augmentent de 1 % pour atteindre près de 3 milliards d'euros. Cependant, il faut garder à l'esprit le fait que les crédits de cette mission avaient beaucoup diminué de 2011 à 2014, passant de 3 milliards d'euros de crédits de paiement exécutés en 2010 à 2,5 milliards en 2014.

Le programme Patrimoines avait été le plus touché par les coupes budgétaires, en particulier les crédits des monuments historiques et des musées. Si les montants du début des années 2010 ont été rattrapés, les subventions de fonctionnement attribuées aux différents organismes du secteur subventionné de la culture n'ont quasiment pas évolué depuis dix ans, ce qui équivaut à une baisse de plus de 10 % en valeur réelle. C'est le cas des structures labellisées du programme Création, tels que les centres dramatiques nationaux, les scènes nationales, les orchestres en région, les scènes de musiques actuelles ou encore les centres d'art contemporain. C'est aussi le cas des écoles supérieures d'art financées par le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Il est certes normal que les structures publiques et les organismes subventionnés participent à l'effort budgétaire demandé à toutes les administrations. Cependant, on ne peut pas réduire les moyens à l'infini sans s'interroger sur les missions que l'on assigne à ces structures.

Par ailleurs, de grands chantiers ont été lancés par le ministère de la culture : la rénovation du Grand Palais, du château de Villers-Cotterêts, le schéma directeur d'investissement de Versailles et de Fontainebleau, la création de la Cité du théâtre, la salle modulable de l'Opéra Bastille. Or, certains de ces programmes d'investissement sont insuffisamment dotés en crédits de paiement pour 2020 par rapport aux échéanciers de travaux, ce qui risque de pénaliser d'autres projets lorsqu'il faudra trouver des crédits en cours de gestion et qui soulève la question de la sincérité du budget.

Nous pouvons aussi nous inquiéter des risques de dépassement des budgets alors que les crédits budgétaires sont serrés. Pouvez-vous nous donner des assurances en termes de disponibilité des crédits pour faire face à d'éventuels dépassements ?

Par ailleurs, ne pourrions-nous pas envisager, monsieur le ministre, de donner un cadre pluriannuel au budget de la culture pour avoir davantage de lisibilité sur la répartition et l'échelonnement des crédits dans le cadre des grands chantiers ?

Enfin, il n'est pas possible d'analyser le budget de la culture sans évoquer la question du mécénat. Dans un contexte de restriction budgétaire, l'État s'est reposé de façon croissante au cours des dix dernières années sur les dons des entreprises et des particuliers pour financer les institutions culturelles, les festivals, la rénovation des monuments historiques, à tel point que les crédits d'acquisition destinés à l'enrichissement des collections publiques ont quasiment disparu.

L'État a même encouragé ses grands opérateurs à renforcer leur stratégie pour attirer des mécènes, ce qu'ils ont fait avec succès. Je pense en particulier à Versailles, au Louvre, au château de Fontainebleau, à l'Opéra de Paris, mais aussi à de petits festivals qui n'équilibreraient pas leurs comptes sans le soutien d'entreprises locales.

En 2020, l'État compte plus que jamais sur le mécénat. Le grand chantier présidentiel de Villers-Cotterêts mise sur un apport de 25 millions d'euros au titre du mécénat, soit plus d'un quart de son budget total. Quant à la rénovation de Notre-Dame, on sait qu'elle repose entièrement sur les dons des entreprises et des particuliers, même si elle coûtera à l'État en réduction d'impôts. J'en profite, monsieur le ministre, pour vous demander si les avances consenties par l'État pour la mise en sécurité de la cathédrale feront bien l'objet d'un remboursement par le fonds de souscription nationale.

La réforme du dispositif fiscal en faveur du mécénat des entreprises proposée par le Gouvernement semble donc particulièrement anachronique et malvenue. Je rappelle que l'article 50 du projet de loi de finances, que nous examinerons dans deux semaines avec les articles non rattachés, limite le taux de la réduction d'impôts de 60 % à 40 % pour les entreprises qui dépasseraient deux millions d'euros de dons.

En ce qui concerne le programme Patrimoines, l'État finance de grands chantiers d'investissement et de rénovation qui sont nécessaires. J'ai eu la chance de visiter le Grand Palais, dont le projet de rénovation est à la hauteur de l'enjeu patrimonial et touristique. Toutefois, le petit patrimoine ne doit pas être oublié, il est l'âme des territoires et contribue à l'attachement des Français à leur commune. Les besoins sont immenses, comme l'a montré la mission de Stéphane Bern sur les patrimoines en péril, qui a estimé à 2 milliards d'euros les besoins pour la rénovation de l'ensemble du patrimoine français. Je salue à ce propos l'augmentation de cinq millions d'euros en crédits de paiement du fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans les communes à faibles ressources.

Les crédits du programme Création sont en augmentation apparente, mais stables en réalité car ils bénéficient du transfert du Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle vivant (FONPEPS). Ce programme couvre à la fois le spectacle vivant et les arts visuels : la peinture, la sculpture, la photographie, etc.

Les subventions aux structures publiques et labellisées sont, comme je le disais en introduction, stables depuis plusieurs années. Si la politique du ministère de la culture passe par le financement de grandes institutions publiques et de structures labellisées, le coeur de la création est bien l'artiste. Plutôt que le développement de subventions directes aux artistes, je pense qu'il faut accompagner la structuration de la profession et soutenir tout ce qui peut contribuer à ce que les créateurs vivent de leur travail artistique, par exemple en veillant à ce que les institutions et structures subventionnées rémunèrent les artistes lorsqu'elles exposent leurs oeuvres.

En matière de spectacles musicaux, le crédit d'impôt spectacles vivants est un formidable outil pour développer la création et encourager la diffusion des productions sur tout le territoire.

Enfin, le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture contient les crédits des établissements d'enseignement supérieur de la culture et les crédits de l'éducation artistique et culturelle (EAC) et de la démocratisation de la culture. L'émiettement des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle des jeunes reflète d'ailleurs les contours flous de l'objectif fixé par le Gouvernement dit « 100 % EAC ».

Quant au Pass culture, sa mise en oeuvre se fait par étapes. J'attends avec impatience les conclusions du bilan de la première phase d'expérimentation.

En conclusion, ce budget n'est pas un mauvais budget ; il comporte des avancées, mais aussi certaines faiblesses. C'est pourquoi je m'abstiendrai sur le vote des crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.