Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez cette année revêt une importance particulière, car 2020 est une année charnière pour presque tous les acteurs concernés par la mission Médias, livre et industries culturelles et le compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public.
L'activité législative récente a, en effet, été particulièrement riche pour notre commission comme pour le secteur de la presse. Je pense, bien sûr, à la loi sur les droits voisins dont l'entrée en vigueur intervient précisément aujourd'hui, mais aussi à celle sur la modernisation de la distribution de la presse. C'est un secteur qui subit de plein fouet les effets que peut avoir un monde numérique non régulé, qui l'empêche de tirer tous les fruits qu'il est en mesure d'offrir.
Le budget accompagne cette indispensable mutation autant que l'état de nos finances publiques le permet. Ainsi, l'Agence France-Presse, dont je rappelle qu'elle est un acteur incontournable au plan international, doit être plus présente dans le domaine de la vidéo et de la lutte contre les fausses informations ; des financements supplémentaires ont pu être dégagés depuis l'an dernier pour permettre sa transformation et assurer une meilleure compensation de ses missions d'intérêt général.
Presstalis, autre acteur indispensable à l'écosystème de la presse, notamment quotidienne, fait également l'objet d'une aide particulière encore cette année. Pour autant, la nouvelle présidence, nommée il y a quelques semaines, aura aussi à connaître une situation d'endettement qui pose toujours la question de l'avenir de l'entreprise.
Par ailleurs, même si cela ne concerne pas directement les crédits dont votre ministère a la charge, le Gouvernement a tiré les conséquences de la loi que nous avons votée sur la distribution de la presse en augmentant les crédits de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui en sera désormais le régulateur. Je constate d'ailleurs avec satisfaction que, face à une situation très urgente, l'ARCEP n'a pas attendu d'avoir effectivement des moyens supplémentaires pour endosser son nouveau rôle et convoquer rapidement les acteurs de la distribution de la presse ; ils se réuniront le 21 novembre prochain.
Même si les aides à la presse sont maintenues à un niveau identique à celui de 2019, je souhaiterais tout de même que l'État puisse fournir un effort supplémentaire à destination des marchands de presse, notamment pour accompagner la réforme de la distribution de la presse. En effet, s'ils bénéficient aujourd'hui d'une aide à la modernisation de leurs espaces de vente, son montant paraît trop faible pour susciter des projets de rénovation d'une ampleur suffisante. Aussi, j'aimerais pouvoir recueillir l'avis du ministre sur une proposition tendant à augmenter cette aide pour l'année 2020, voire pour 2021 – étant entendu que cette augmentation serait compensée à due concurrence par une baisse de cette même aide les années suivantes, de sorte à ne pas peser sur le budget de l'État. Je crois que cette mesure permettrait réellement de « booster » les projets de rénovation chez les marchands de presse, d'améliorer l'expérience client, de favoriser les ventes, et donc la presse.
Je souhaite également vous interroger, monsieur le ministre, sur l'aide que devait apporter la puissance publique aux marchands de presse ayant subi des dégradations en marge des manifestations des Gilets jaunes : Leur a-t-elle été versée ?
La musique constitue également une priorité visible du Gouvernement au travers des choix budgétaires qu'il a faits pour 2020. Je pense en particulier au Centre national de la musique, récemment créé – merci en particulier à notre collègue Pascal Bois ! – et qui est doté de 7,5 millions d'euros de mesures nouvelles ; elles lui permettront de mettre l'accent sur la création mais également sur l'internationalisation de nos talents.
À ce sujet, il me semble que le crédit d'impôt en faveur de la production phonographique pourrait être mieux calibré pour soutenir l'exportation de la production française. Le critère de francophonie freine notamment la production de titres susceptibles de s'exporter. Il faudrait, sur ce point, permettre aux plus petits producteurs de bénéficier du crédit d'impôt même lorsque la part francophone de leur production n'atteint pas les 50 % requis. Je proposerai un amendement en ce sens en séance publique, sur les articles non rattachés, mais je souhaiterais d'ores et déjà savoir si cette idée destinée aux très petites entreprises pourrait recueillir de votre part un avis favorable.
S'agissant du livre, je me réjouis tout d'abord que 2020 soit une année dédiée à la bande dessinée, dont l'organisation, sur l'ensemble des territoires, a été confiée au Centre national du livre (CNL). Mais je souhaite profiter de cette intervention pour attirer votre attention sur les enjeux que rencontre notamment la Bibliothèque nationale de France, dont les marges de manoeuvre financières – malgré un effort non négligeable cette année – ne lui permettent pas de réaliser en toute sérénité les travaux qui s'imposent ; je pense notamment au site de Tolbiac mais également, à moyen terme, à la nécessité de trouver un nouveau site de conservation.
Autre point, j'aimerais appeler votre attention sur l'action consacrée à la Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT) dont aucune évaluation n'a été réalisée et qui, à mon sens, relève davantage de la coopération internationale que de la mission Médias, livre et industries culturelles. J'imagine que vous aurez l'occasion, au cours de cette audition, de revenir sur la question de la CIRT et de l'évaluation de ses actions.
En ce qui concerne l'audiovisuel, là aussi, l'activité législative de 2020 s'annonce particulièrement riche. Plusieurs dispositions du projet de loi de finances ont trait à la souveraineté culturelle française. Vous avez insisté sur ce point. Tout cela annonce d'ailleurs la réforme audiovisuelle à venir. Je pense en particulier à la réforme des taxes affectées au CNC, qui est une première pierre à l'édifice de rééquilibrage des contributions des acteurs.
Sur ce sujet, plusieurs remarques. D'abord, a-t-on réellement intégré l'ensemble des acteurs concernés ? Qu'en est-il des réseaux sociaux qui diffusent des vidéos et qui ne sont pas touchés par la taxe dite YouTube ?
Une remarque sur le taux fixé à 5,15 % pour la taxe sur les services de télévision applicable aux éditeurs (TST-E) et la taxe sur les vidéogrammes (TSV) : il est plutôt très bien accueilli par l'ensemble des acteurs, mais j'aimerais avoir votre regard sur l'évolution de ce taux, notamment dans une perspective pluriannuelle.
Je souhaiterais également attirer votre attention sur la définition même de l'assiette taxable. Comment faire pour que sa définition aille dans le sens d'une juste répartition de la contribution des acteurs ? Comment éviter que les grands acteurs du numérique n'exploitent nos failles fiscales pour minorer leur impôt ?
Un autre point porte sur l'abattement fiscal. En effet, au cours des auditions que j'ai menées, j'ai pu constater que les économies annoncées, grâce à la baisse de la TST-E, allaient toucher principalement les grandes chaînes, mais que les petites chaînes allaient souvent, in fine, voir leur taxation augmenter. Ne pensez-vous donc pas que la diminution de l'abattement pourrait avoir des effets négatifs eu égard à l'esprit de la réforme ?
Enfin, quel regard portez-vous sur la proposition des acteurs de vidéo à la demande (VOD) à l'acte, qui souhaiteraient bénéficier du même abattement que les loueurs de supports physiques ? Cette demande mérite, je crois, d'être étudiée, car la VOD à l'acte est loin de connaître les mêmes évolutions économiques que la VOD par abonnement.
Je souhaiterais également attirer votre attention sur un sujet qui m'est cher et qu'il ne faut pas sous-estimer : le soutien au jeu vidéo. Il revêt plusieurs formes : le fonds d'aide au jeu vidéo, les garanties accordées par l'IFCIC ou encore les investissements en fonds propres via Bpifrance.
Il est indispensable de porter l'accent sur ce qui représente la première industrie culturelle française avec près de cinq milliards d'euros de chiffre d'affaires. Je souhaite souligner combien le crédit d'impôt pour le jeu vidéo a un effet positif pour l'ensemble de la filière et, en même temps, marquer la nécessité de le faire évoluer, notamment pour y intégrer des dépenses de marketing et de promotion qui permettent aux oeuvres françaises d'attirer l'attention de l'ensemble du monde.
Le projet de loi de finances tire aussi les conséquences des économies de l'audiovisuel public, grâce à une diminution du montant de la CAP qui est demandée aux Français. Les économies ne retournent pas au budget de l'État mais atterrissent dans les poches des contribuables. Le montant est faible mais inaugure un changement de paradigme. Nous sommes à mi-chemin de l'économie de 190 millions d'euros sur l'audiovisuel public. Pour autant, comment peut-on mesurer la façon dont les économies sont effectivement réalisées ? On voit que, pour certaines sociétés, ces économies ont un impact direct sur leur capacité de diffusion – je pense en particulier à France Médias Monde et TV5 Monde – ou sur leurs programmes – des rediffusions plus nombreuses sont ainsi à craindre – alors que nous voudrions au contraire qu'elles découlent de réformes structurelles et en particulier d'une réduction des dépenses de fonctionnement. Comment, monsieur le ministre, les spectateurs, les usagers de ce service public, sont-ils pris en compte dans le plan de transformation de l'audiovisuel public ?