Intervention de Michel Larive

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 9h35
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

La faible augmentation du budget de la mission Médias ne doit pas cacher le démantèlement du service public de l'audiovisuel qui est en marche. D'un point de vue purement budgétaire, les crédits alloués à l'audiovisuel public sont en chute libre. Ils ont baissé de 22 millions en 2019, baissent de 71 millions en 2020 et baisseront de 50 millions en 2021, soit un total 190 millions qui seront confisqués à ce service public entre 2018 et 2022, conformément aux injonctions de Bercy et au processus Cap 2022 !

France Télévisions est rudement mise à contribution puisque vous lui demandez d'économiser 60 millions en 2020. La coupe budgétaire sera de 5 millions pour Radio France et de 2,2 millions pour Arte. Ces économies drastiques interviennent en amont du futur projet de loi sur l'audiovisuel public annoncé pour 2020. Il est prévu d'acter définitivement la suppression de France Ô et de France 4 et de regrouper Radio France, France Télévisions et l'Institut national de l'audiovisuel dans une holding qui s'appellerait France Médias. Cette machine à supprimer des emplois et à faire des économies fonctionnera comme une entreprise privée classique. Elle sera dotée d'un conseil d'administration, composé de douze membres, nommés pour cinq ans, même si ces derniers seront choisis par l'État, le Parlement et le personnel. C'est ensuite le conseil lui-même qui désignera son président-directeur général. Enfin, la décision sera actée par décret présidentiel.

La création de France Médias aggravera considérablement le manque de pluralisme des idées politiques exprimées sur le service public de l'audiovisuel.

Monsieur le ministre, vous avez assuré que le président-directeur général de France Médias n'aura aucune responsabilité éditoriale sur les antennes, mais ne soyons pas naïfs, ce PDG aura à sa disposition les moyens financiers et le pouvoir de nomination. Ces éléments pèseront suffisamment dans le rapport de force pour que des contenus éditoriaux puissent être influencés.

Ces décisions concernant l'audiovisuel public ne font pas que des perdants, les groupes privés sont ravis : votre projet de loi consumériste autorise une troisième coupure publicitaire dans un même film, là où il en a déjà deux aujourd'hui. Il autorisera également de la publicité sur une partie de l'écran pendant les rencontres sportives. TF1 et M6 vous remercient. Ils en avaient rêvé, vous l'avez fait !

La suppression de France 4 pourrait également transformer des usagers du service public audiovisuel en consommateurs de produits Disney, qui compte lancer une plateforme à destination des publics jeunes en France en 2021. Aujourd'hui, France 4 propose des programmes à destination des enfants gratuitement, concentrés principalement sur ce canal, ne nécessitant pas un débit internet important ou même tout simplement un abonnement internet. Demain, l'offre Jeunesse du service public de l'audiovisuel sera éparpillée sur trois chaînes et sur la future plateforme Okoo pour laquelle une connexion internet performante sera nécessaire. Quelle sera la prochaine étape ? Jusqu'où ira la libéralisation de notre modèle d'audiovisuel public ? Finirez-vous par supprimer la redevance, par intégrer le budget de l'audiovisuel public au budget de l'État, par réduire ce service à une simple ligne budgétaire facilement modifiable, caractérisant un véritable recul démocratique dans la gestion du service public de l'audiovisuel ? Qu'ambitionnez-vous pour que la télévision publique ne soit pas celle « de la honte », pour reprendre les mots du Président de la République ?

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