Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 17h00
Commission des affaires sociales

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Vous étudiez aujourd'hui le budget de la mission Santé du projet de finances pour 2020. Ce budget est marqué par une évolution importante de son périmètre, du fait du transfert à l'assurance maladie du financement de deux agences, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l'Agence nationale de santé publique (ANSP), ce qui se traduit par une baisse de 20 % des crédits de la mission. Ces crédits ne représentent toutefois qu'une petite partie des financements que les pouvoirs publics consacrent à la politique de santé, lesquels sont pour l'essentiel discutés dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Je commencerai par évoquer le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui sera doté, en 2020, d'un peu plus de 200 millions d'euros, dont un tiers sera consacré au financement de l'Institut national du cancer (INCa) et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). Cette dernière verra par ailleurs sa subvention augmenter de 8 millions d'euros, en compensation de la suppression de la taxe sur le vapotage. Comme je vous l'annonçais l'année dernière, nous avons poursuivi notre réflexion sur un financement intégral par l'assurance maladie de l'ANSM et l'ANSP, ce qui nous conduit à transférer le financement de ces deux opérateurs dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2020. L'activité de ces agences a en effet trait à des produits – des médicaments – ainsi qu'à une activité – la prévention –, dont l'essentiel du financement dépend déjà de l'assurance maladie. Ce transfert renforce donc la cohérence des leviers d'action du ministère dont j'ai la charge. Les crédits de prévention au sein du programme 204 s'élèvent à 53 millions d'euros, après transfert de Santé publique France – autre dénomination de l'ANSP. Ce montant ne représente toutefois, je le rappelle, qu'une part très modeste du financement de la prévention. La création cette année d'un document de politique transversale permet de préciser que ces crédits représentent à peine plus de 1 % des quelque 3 milliards d'euros qui seront consacrés en 2020 à la prévention en santé par le budget de l'État.

Toutefois, la prévention dépasse très largement le champ du budget de l'État. Il faut en effet considérer l'ensemble des financements disponibles, quel qu'en soit le support, pour apprécier l'évolution des moyens qui y sont consacrés. La prévention institutionnelle, pour n'évoquer que celle-ci, est passée de 5,79 milliards d'euros en 2008 à 6,24 milliards d'euros en 2018, soit une augmentation de 7,8 % – ces montants sont retracés dans l'annexe 7 au PLFSS. Pour autant, cette évolution n'est pas homogène : sur les dix dernières années, elle s'est accrue, en moyenne, de 0,3 % par an entre 2008 et 2016, et de 2,7 % entre 2016 et 2018. Cette tendance s'est accélérée en 2019, notamment avec l'élargissement des missions du fonds national de lutte contre le tabac au champ des addictions ; celui-ci voit ses dépenses prévisionnelles augmenter à hauteur de 119,7 millions d'euros en 2019, contre 100 millions en 2018 et 30 millions en 2017.

Toutes les décisions que j'ai prises vont ainsi dans le sens d'une augmentation des crédits consacrés à la prévention, et les résultats sont là. Grâce aux mesures phares relatives à la lutte contre le tabagisme du plan priorité prévention, le nombre de fumeurs quotidiens a diminué de 1,6 million entre 2016 et 2018. Nous allons faire plus encore. Ainsi, pour 2020, le plan national santé environnement 4, qui s'intitulera « Mon environnement, ma santé », accordera la priorité à des actions simples et concrètes, permettant à chacun d'évoluer dans un environnement favorable à sa santé. Il s'agira de faciliter l'accès aux informations sur la qualité de l'environnement et de diffuser des messages de bonnes pratiques afin que chacun soit responsable de son environnement et de sa santé.

Le programme 204 regroupe également les dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine. La gestion de ce dispositif d'indemnisation est, comme vous le savez, assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). Ce mécanisme, qui a connu une montée en charge progressive du fait de la complexité des questions juridiques et médicales soulevées lors de l'examen des dossiers, va faire l'objet d'ajustements structurants visant à accélérer le traitement des demandes. À la suite du vote à l'unanimité de la résolution présentée par Véronique Louwagie, le Gouvernement proposera en séance publique un amendement visant à simplifier le dispositif. À cet effet, les deux instances qui le composent, le collège d'experts et le comité d'indemnisation, seront fusionnées. Par ailleurs, afin de faciliter l'indemnisation des victimes, il est proposé de fixer dans la loi des dates à partir desquelles le lien entre le préjudice et le défaut d'information sera présumé : il s'agira de 1982 pour les malformations congénitales et de 1984 pour les troubles du développement comportemental et cognitif. Les victimes pourront ainsi être indemnisées plus aisément, sans risque que leur dossier soit déclaré irrecevable.

Pour achever l'évocation des crédits du programme 204, je veux signaler la progression des moyens de l'agence de santé des îles Wallis et Futuna, sur laquelle repose exclusivement le système de santé pour l'ensemble de la population de ce territoire et sa gratuité au titre de la solidarité nationale. Sa dotation sera majorée en 2020 de 7 millions d'euros, pour la porter à 42,5 millions d'euros, afin de développer prioritairement la santé publique et la prévention, et de renforcer l'offre de soins, notamment grâce au déploiement de la télémédecine, conformément aux recommandations du rapport de la mission conjointe de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du contrôle général économique et financier, rendu en mai 2019.

Le second programme de la mission, le programme 183, est consacré pour l'essentiel à l'aide médicale de l'État (AME). J'ai déjà eu l'occasion de le rappeler dans l'hémicycle lors du débat du 30 septembre : le Gouvernement et la majorité sont attachés aux grands principes qui guident aujourd'hui notre politique d'accès aux soins et aux droits des personnes migrantes ; il n'est pas envisageable de les remettre en cause. Je pense en particulier au droit à la protection de la santé, qui est non seulement un principe constitutionnel mais qui s'inscrit également dans le cadre des engagements internationaux que nous avons souscrits. Nous n'allons donc pas remettre en cause les objectifs visés par les dispositifs de prise en charge de soins existants : les « soins urgents », assurés dès l'arrivée sur le territoire en l'absence de couverture santé ; l'aide médicale de l'État, qui permet de dispenser des soins essentiels, en ville comme à l'hôpital, pour des ressortissants étrangers en situation irrégulière résidant sur le territoire depuis plus de trois mois et ayant un niveau de ressources inférieur à un certain seuil ; la protection universelle maladie (PUMA), enfin, accessible aux demandeurs d'asile dès le dépôt de leur demande.

Ces dispositifs sont indispensables, pour des raisons humanitaires et de santé publique, bien sûr, mais aussi pour des objectifs de maîtrise budgétaire : nous savons que la prise en charge tardive d'une maladie est systématiquement plus coûteuse que la réalisation de soins, à temps, par la médecine de ville. Nous savons aussi que la dépense d'AME est dynamique et qu'elle représente un montant non négligeable (848 millions d'euros en 2018), même si elle ne constitue que 0,5 % des dépenses d'assurance maladie. Toutefois, cette dépense alimente parfois une défiance à l'égard du système, voire des fantasmes, qu'il est difficile de déconstruire.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité nous interroger sur l'efficience de nos dispositifs et documenter le sujet de manière rationnelle. En lien avec Gérald Darmanin, une mission sur l'AME et les soins urgents a été confiée à l'IGAS et à l'Inspection générale des finances (IGF). Notre objectif est que le rapport vous soit remis en amont de l'examen de la mission Santé du PLF en séance publique, soit début novembre. Dans cette attente, je souhaite tout de même vous indiquer que la mission écarte résolument toute mesure qui restreindrait le panier de soins ; elle a indiqué, par ailleurs, qu'il ne serait ni opportun ni efficace de réinstituer un droit de timbre et ne retient pas davantage l'idée de créer un ticket modérateur. Sur ce dernier point, la mission confirme les propos que j'ai tenus devant votre assemblée lors du débat sur l'immigration. La mission devrait faire des propositions concernant l'amélioration de la lutte contre la fraude et contre les pratiques abusives. Elle a enfin constaté le risque d'abus, que j'ai évoqués, concernant les demandeurs d'asile, qui ont accès à la PUMA dès le dépôt de leur requête. Je rappelle que cette règle est dérogatoire au droit commun, lequel prévoit qu'une personne n'exerçant pas d'activité professionnelle a accès à la protection maladie à l'issue d'un délai de carence de trois mois. Les recommandations de cette mission pourront mener à la présentation d'amendements par le Gouvernement en séance publique, même si je tiens à rappeler que le rapport des inspections générales n'engage pas le Gouvernement.

Nous devons être responsables dans la lutte contre les fraudes et les abus, mais aussi nous adapter aux problématiques de la prise en charge des soins aux migrants, qui sont des personnes particulièrement vulnérables. Pour cela, nous devons mener des démarches pour aller vers ces populations et les faire accéder aux soins et aux droits. C'est la raison pour laquelle nous avons sollicité les agences régionales de santé afin qu'elles structurent un parcours de santé destiné aux primo-arrivants, pour adapter les soins délivrés aux problématiques spécifiques vécues par les personnes immigrées et aux vulnérabilités liées au parcours de migration.

Tels sont, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les principaux axes de la mission Santé. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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