La mission Santé comprend les dépenses de santé qui ne sont pas retracées dans le budget de la sécurité sociale mais dans celui de l'État. Elle est composée de deux programmes : le programme 183 Protection maladie, qui concerne la politique de l'aide médicale d'État, c'est-à-dire l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière – soit 82 % des crédits de la mission – et le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, qui rassemble 18 % des crédits. Les crédits inscrits sur cette mission s'établissent à 1,1 milliard d'euros, en diminution de 20 % par rapport à 2019, en raison d'un effet de périmètre majeur. La dotation globale de la mission Santé connaît en effet une très forte baisse. Le financement des deux opérateurs principaux, rattachés au programme 204, est transféré à partir de 2020 à l'assurance maladie, et est donc examiné dans le cadre du PLFSS. La simplification des circuits de financement des agences sanitaires est certes nécessaire, mais de tels transferts successifs ont entraîné une diminution de 70 % des crédits du programme 204 depuis 2012. La disparition, cette année, de 60 % des crédits budgétés sur ce programme soulève la question de la capacité de pilotage par l'État de la politique de santé publique.
Quand la baisse des crédits atteint de telles proportions, on est en droit de se demander, à l'image de la Cour des comptes, si la contrainte budgétaire ne risque pas de faire obstacle à l'accomplissement de leur mission, pourtant essentielle.
Par ailleurs, ce transfert a bien été compensé cette année dans le PLFSS, mais la pratique, depuis quelque temps, qui consiste à ne plus compenser certaines dépenses décidées par l'État est inquiétante pour l'avenir.
Les crédits du programme 183 s'établissent à 942 millions d'euros, au même niveau qu'en 2019. Le regain observé en 2019, de + 3 % et le dynamisme du coût moyen par bénéficiaire doit inciter à la plus grande prudence. L'évolution de la dépense, de + 46 % entre 2011 et 2020, conduit à s'interroger sur la soutenabilité du dispositif sur le long terme.
Le Gouvernement estime que le renforcement de la lutte contre la fraude à l'AME permettra de limiter le caractère inflationniste de cette dépense en 2020. Cette démarche va dans le bon sens, mais cela reste largement insuffisant. L'AME est caractérisée par une prévisibilité complexe de la dépense, qui se traduit par une budgétisation approximative, souvent en deçà des besoins réels. Il est temps de réformer de façon structurelle ce dispositif, afin d'assurer sa soutenabilité financière et son acceptabilité par nos concitoyens.
Il conviendra également de se saisir des conclusions du rapport de l'IGAS et de l'IGF et des propositions de réforme du dispositif. Outre les difficultés de prévision de la dépense, liées à la nature même de cette politique publique, l'information contenue dans les documents budgétaires est partielle et ne livre pas une véritable analyse de cette politique publique. À titre d'exemple, la donnée relative au pays d'origine des bénéficiaires de l'AME n'est pas conservée par l'assurance maladie. Elle permettrait pourtant d'en savoir plus sur le lien entre flux migratoires et évolution du nombre des bénéficiaires.
Ces considérations font apparaître un problème de fond, la difficulté d'établir la réalité des chiffres. La transparence manque sur le coût total des dépenses de santé pour les étrangers en situation irrégulière. Les dépenses d'AME ne couvrent en effet qu'une partie de la prise en charge de ces personnes par le système de santé. La réforme de l'AME doit s'inscrire dans un débat plus global, sur l'efficacité de la politique migratoire de la France d'une part, et sur l'importance des soins non facturables et des créances irrécouvrables par les hôpitaux au titre des soins apportés aux personnes étrangères en situation irrégulière inéligibles à l'AME, d'autre part.
La dotation allouée au financement du dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine, confiée à l'ONIAM, s'établit à 39,4 millions d'euros en 2020 contre 65,7 millions d'euros en 2019, ce qui représente une baisse de 40 % des crédits. Cette diminution reflète la forte sous-consommation des crédits prévus sur le dispositif depuis 2018, du fait d'un retard important dans sa mise en oeuvre et de son utilisation par les victimes bien plus limitée qu'anticipée.