Intervention de Gisèle Biémouret

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Le groupe Socialistes et apparentés a émis un certain nombre de réserves lors des débats sur le PLF et le PLFSS pour 2020 au sujet des résultats de la politique de lutte contre les inégalités sociales qui est affichée par le Gouvernement dans le cadre de sa politique fiscale et budgétaire. Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances seront facialement en hausse, mais leur analyse conduit à s'interroger sur les finalités du Gouvernement.

L'augmentation des crédits pour 2020 est presque intégralement liée au financement de la prime d'activité, à la suite des mesures d'urgence économiques et sociales qui ont été adoptées en décembre 2018. Pour la deuxième année consécutive, vous allez sous-revaloriser cette prime, de seulement 0,3 %, au lieu de l'indexer sur l'inflation. Par ailleurs, la revalorisation de 90 euros est progressive et non forfaitaire : les ménages travaillant le moins ou ayant les salaires les plus faibles n'en bénéficient pas.

S'agissant de l'AAH, dont nous avons déjà longuement débattu dans le cadre du PLFSS, vous allez priver de toute revalorisation un peu plus de 67 000 allocataires en abaissant le plafond de ressources pour les personnes en couple – le coefficient multiplicateur sera désormais de 1,81. Par ailleurs, les effets de la revalorisation seront presque nuls pour les personnes handicapées qui n'auront plus de complément de ressources.

Comme nous l'avons dit lors du vote de la première partie du PLF, nous nous opposons formellement à la sous-revalorisation de certaines aides et prestations sociales car cela affecte les plus pauvres : ils ne profitent pas des mesures que vous avez décidées, alors que les inégalités continuent d'augmenter. À titre d'exemple, les 21,3 millions de foyers non imposables ne bénéficient pas de la baisse de l'impôt sur le revenu et les 5 millions de foyers non assujettis à la taxe d'habitation ne profitent pas de sa suppression. J'ai utilisé hier, à l'occasion des explications de vote sur le PLFSS, le terme d'« invisibles », et je le reprends aujourd'hui. Il faut enrayer le sentiment d'injustice qui grandit et met à mal notre cohésion sociale dès lors que toute une partie de nos concitoyens – les très pauvres, les invisibles – sont exclus de vos mesures.

S'agissant des autres programmes, les financements prévus sont décevants.

L'action 19, censée être la clef de voûte de la stratégie de lutte contre la pauvreté, sera dotée de 215 millions d'euros. Ces crédits, dont ne voit pas très bien quel est le fléchage, ne représentent que 1,8 % du montant global qui a été annoncé pour cette stratégie, alors qu'elle va entrer dans sa deuxième année. Quelle montée en puissance envisagez-vous ?

Les crédits de l'action 15, relative au travail social, sont sous-dimensionnés par rapport aux déclarations que nous avons entendues, du côté de l'État, sur le caractère central de cette question. Après l'important travail qui a été mené par le précédent Gouvernement en ce qui concerne la rénovation des formations au travail social, il faudrait réaliser un investissement financier bien supérieur à ce que vous prévoyez.

Enfin, je voudrais revenir sur l'annonce de la suppression de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES). Cet observatoire, créé en 1998 par le Gouvernement de Lionel Jospin dans le cadre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, a produit d'excellents rapports qui permettent d'avoir une connaissance fine des mécanismes économiques et sociologiques en cause – les budgets nécessaires pour participer à la vie sociale, par exemple, ou encore l'invisibilité de certains publics. L'annonce de la suppression de l'ONPES a suscité une réaction d'incompréhension chez les acteurs du monde académique et associatif. Une tribune a été publiée par des spécialistes des questions de pauvreté et de précarité. Comme eux, nous aimerions connaître le motif de la suppression de l'ONPES. Est-ce, comme l'affirment les auteurs de la tribune, en raison de la nature de cet observatoire, qui arrête ses thématiques d'étude en toute indépendance et dont les conclusions ne vont pas toujours dans le même sens que les politiques gouvernementales, ce qui est justement précieux ?

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