Intervention de Christelle Dubos

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 17h00
Commission des affaires sociales

Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé :

Madame la rapporteure pour avis, je vous remercie d'avoir souligné les éléments importants de ces missions, qui répondent à un véritable besoin et correspondent aux orientations du Gouvernement pour l'acte II.

Vous m'avez interpellée au sujet des indicateurs de performance dans le cadre de la contractualisation avec les départements. Celle-ci est signée pour une durée de trois ans. Elle s'appuie sur un constat de départ établi en amont et sur des objectifs à atteindre séquencés par année. Les crédits, comme les objectifs, augmentent d'année en année. Il avait été annoncé aux départements que leurs données chiffrées seraient relevées : elles seront en effet communiquées le 31 mars 2020, au titre de l'année 2019. Nous serons alors en mesure de continuer à leur verser les sommes relatives à la contractualisation, en fonction de leurs résultats. Ce suivi de résultats vise à accompagner la montée en compétences des départements en fonction de leurs engagements. Les départements avaient connaissance des indicateurs lors de la signature des conventions et avaient compris que les financements y seraient conditionnés.

Les crédits relatifs aux deux départements qui n'ont pas signé ces conventions ont été redistribués à des acteurs qui nous avaient sollicités et qui contribuent, avec des projets innovants – réseau Cocagne, par exemple – à la lutte contre la pauvreté et à la promotion d'une alimentation durable avec la distribution de paniers solidaires.

Sur les cantines à 1 euro et la DSR cible, je rappelle que cette dotation est précisément octroyée aux communes rurales fragiles, à partir de plusieurs paramètres, dont le revenu médian des familles. Nous avons voulu apporter des moyens financiers supplémentaires aux familles ayant des ressources moindres : le montant s'établit à 1 euro pour les familles et à deux euros par repas, versés directement aux communes par l'État. En effet, 100 communes sur un total de 10 000, c'est encore modeste. Cependant, la montée en charge de ce dispositif n'a débuté que le 1er avril 2019 et il n'est pas obligatoire. Je souligne que les modalités de remboursement sont très simples : une délibération des communes et une déclaration chiffrée par quadrimestre suffisent. Ainsi, en fin d'année 2019 l'Agence de services et de paiement remboursera aux communes les montants correspondants aux déjeuners servis aux mois de septembre, octobre, novembre et décembre. Les montants consolidés seront disponibles en janvier ou en février 2020. Concrètement, les 100 communes sont celles qui ont voté une délibération en ce sens et qui avaient déjà instauré une tarification sociale avant le 1er avril 2019.

S'agissant du « bonus mixité » pour les crèches, je vous rappelle qu'il a été instauré à compter du 1er janvier 2019. J'ai reçu les acteurs que vous évoquez ; ils m'ont exprimé leurs craintes à ce sujet. J'ai demandé à la CNAF de réaliser en 2020 une évaluation de ce bonus au titre de l'année 2019. Des ajustements seront apportés si nécessaire, afin d'éviter une ghettoïsation des crèches et de permettre à ce bonus une pleine efficacité en matière de mixité.

Les maraudes mixtes s'appuient sur les diagnostics des départements, qui signalent les familles à la rue. Des moyens complémentaires sont alors apportés. Des montants importants, s'inscrivant dans le cadre de l'hébergement d'urgence en 2020, ne font pas partie de cette mission ; ils s'élèvent à plus de 100 millions d'euros, dont 55 millions d'euros pour l'hébergement stricto sensu et 45 millions d'euros consacrés aux dispositifs de sortie vers le logement durable. Ces montants complètent donc l'accompagnement effectué dans le cadre du logement.

En matière d'accès à la culture, au sport et aux loisirs, tout n'est pas détaillé dans le texte. Ainsi, nous finançons un projet, dont la contractualisation avec la fédération des acteurs de la solidarité, Cultures du coeur et Petits débrouillards est récente. En trois ans, 350 000 euros seront versés pour favoriser l'accès à la culture des familles et des enfants issus des centres d'hébergement. En outre, dans le cadre de la contractualisation avec les départements, des enveloppes ont été laissées libres ; certains d'entre eux choisissent alors de financer l'accès au sport ou à la culture pour tous les jeunes, comme levier d'insertion sociale et professionnelle, notamment pour les bénéficiaires du RSA. Les premiers éléments chiffrés nous seront communiqués dans le cadre de la contractualisation avec les départements.

Les étudiants pourront bénéficier de la complémentaire santé solidaire à partir du 1er novembre 2019, en fonction de leurs ressources et de leur situation, dès lors qu'ils ne sont pas rattachés au foyer fiscal de leurs parents.

La domiciliation est la première mission historique des centres communaux d'action sociale (CCAS) ; elle s'inscrit dans le cadre des dotations de fonctionnement des collectivités territoriales. Parallèlement, nous travaillons avec les associations et les CCAS pour objectiver le phénomène de la non-domiciliation. En effet, la domiciliation est cruciale pour l'accès aux droits, nous en sommes tout à fait convaincus.

Madame Cloarec-Le Nabour, je vous remercie d'avoir apporté des éléments complémentaires aux propos de Sophie Cluzel et de moi-même.

Monsieur Perrut, nous partageons l'objectif d'égalité des chances ; c'est pourquoi nous avons proposé l'instauration des repas à 1 euro dans les cantines rurales. En effet, les deux tiers des communes rurales n'ont pas instauré de tarifs sociaux. Les petits déjeuners gratuits sont proposés notamment dans les quartiers de la politique de la ville, mais bien évidemment, les communes rurales qui en éprouvent le besoin peuvent demander leur mise en oeuvre. Ces petits déjeuners sont servis non pas seulement à certains enfants mais à l'ensemble d'une classe ou d'un établissement scolaire, de façon à éviter la stigmatisation. Il en va de même pour le bonus territoire et le bonus mixité, qui s'adressent à l'ensemble du territoire.

Les chiffres de l'INSEE que j'ai évoqués sont non consolidés à ce stade, car ils ne tiennent pas compte du dispositif de réduction du loyer de solidarité. Les seuls chiffres consolidés dont nous disposons correspondent à la période 2010-2017. La stratégie de lutte contre la pauvreté a été annoncée en septembre 2018 par le Président de la République ; les premières mesures ont été appliquées en 2019 et les premiers résultats sont encore très récents. Quoi qu'il en soit, j'entends vos inquiétudes. Sachez que les 8,5 milliards d'euros ont concrètement pour objectif la prévention et la lutte contre la pauvreté. Les mesures de bon sens comme les réformes de plus grande ampleur, tels le RUA et le service public de l'insertion, visent bien à lutter contre la pauvreté.

Une disposition importante de la stratégie de lutte contre la pauvreté porte sur la transformation du travail social. Cela passe par une collaboration avec le Haut Conseil du travail social et des mesures prises dans le cadre des contractualisations avec les départements. Nous apportons des moyens financiers supplémentaires pour permettre aux départements de financer la formation de leurs travailleurs sociaux, par exemple à l'accueil social inconditionnel ou aux référents de parcours. Nous avons prévu, sur trois ans, 5 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 8 millions d'euros dédiés à la formation des 600 000 professionnels de la petite enfance. La formation doit suivre l'évolution des pratiques.

À ce jour, 99 contractualisations avec des départements ont été finalisées. Les Hauts-de-Seine et les Yvelines font exception, en raison de leur projet de fusion. Mais nous travaillons avec ces deux départements pour qu'ils soient en mesure de procéder à la contractualisation en 2020. En effet, nous souhaitons une homogénéité sur le territoire pour l'ensemble de nos concitoyens. Par ailleurs, je rappelle que les crédits non alloués à ces deux départements ont été redéployés au bénéfice de mesures qu'il nous semblait important d'essaimer dans l'ensemble du territoire. Deux métropoles, Nantes et Toulouse, ainsi qu'un territoire particulier, le bassin minier, ont également été identifiés. Je tiens à préciser que les fonds apportés par l'État dans le cadre de cette contractualisation sont neutralisés dans le cadre du plan présenté à Cahors en 2017. La méthodologie innovante à l'oeuvre dans ce processus de contractualisation consiste à s'appuyer sur un diagnostic territorial partagé avec les départements. Il s'agit d'identifier les besoins des territoires et les modalités d'accompagnement correspondantes. Ainsi, les sommes allouées pour éviter les sorties sèches de l'ASE dépendent très concrètement du nombre de jeunes qui auront 18 ans au cours de l'année ou des deux années à venir.

Les hauts-commissaires, qui ont pris leurs fonctions le 2 septembre 2019, auront pour mission de coordonner tous les services de l'État pour l'application des mesures de bon sens – petits déjeuners, repas à 1 euro –, mais aussi d'animer la stratégie au niveau régional. En effet, il existe des conférences régionales ainsi que quinze groupes de travail qui se réunissent régulièrement autour de différentes thématiques ; ils peuvent bénéficier de moyens supplémentaires pour porter des projets. Les haut- commissaires ont également pour mission l'accompagnement et l'information des collectivités territoriales et des autres acteurs dans le déploiement des différentes mesures. En d'autres termes, leur rôle consiste à orchestrer, avec les services de l'État et les collectivités territoriales, l'application de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Chaque année, au moment de la collecte des données chiffrées, ils épauleront aussi les départements dans l'élaboration des bilans de la contractualisation.

La feuille de route prévoit 219 millions d'euros pour 2020, contre 150 millions d'euros pour 2019, dont 175 millions d'euros dans le cadre de la contractualisation avec les départements, contre 135 millions d'euros en 2019. Le reste de ce montant se répartit comme suit : 10 millions d'euros pour les petits déjeuners à l'école, 9 millions d'euros pour la tarification sociale des cantines, 6 millions d'euros pour la deuxième phase du déploiement des points conseil budget, avec 250 points supplémentaires, 8 millions d'euros pour la formation des professionnels de la petite enfance, 5 millions d'euros pour celle des travailleurs sociaux et 2 millions d'euros pour accompagner le déploiement de la participation des personnes concernées à l'élaboration des politiques publiques. Nous avons voulu en effet provoquer un choc de participation : il s'agit d'accompagner les personnes « invisibles » et inaudibles, afin que leur prise de parole soit maintenant entendue.

S'agissant des mineurs non accompagnés, je vous renvoie au travail effectué par Adrien Taquet. La refonte de l'arrêté de l'évaluation de minorité, visant à préciser nationalement les attendus de l'évaluation, avec un guide des bonnes pratiques, sera finalisée dans les tout prochains jours.

L'ARFS des anciens migrants a été créée en 2017 ; elle prend la forme d'une aide financière destinée à accompagner le rapprochement familial des travailleurs migrants âgés, dits chibanis, qui partagent leur vie entre leur pays d'origine et les foyers de travailleurs migrants ou les résidences sociales en France. Cette aide n'a pas atteint son objectif, comme cela a été souligné dans le rapport de Mme Stella Dupont, mais aussi dans le rapport d'information du 13 juin 2018. Face à ces constats, et conformément à l'engagement que j'ai pris devant vous l'année dernière, j'ai confié à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) la rédaction d'une note portant sur le bilan de l'application de l'ARFS et sur des propositions de réforme, que j'analyserai avec beaucoup d'attention. Nous reviendrons sur l'assouplissement des conditions d'application de cette aide.

Concernant l'AFIS et la sortie de la prostitution, le budget pour 2020 maintient la dotation de 2,1 millions d'euros pour les actions déconcentrées. Il prévoit, pour les actions menées au niveau national, une enveloppe de 1,7 million d'euros, dont 1,2 million d'euros pour l'AFIS. La mobilisation de cette aide a été ralentie par plusieurs facteurs : la publication de quatre décrets, l'objectivation du phénomène au niveau local, afin d'identifier les acteurs, et l'installation de commissions départementales, placées sous l'autorité du préfet.

S'agissant du chèque énergie, un suivi est réalisé par Mme Élisabeth Borne. Nous procédons à son évaluation et travaillons à une meilleure information des publics. Nous formons les travailleurs sociaux pour qu'ils accompagnent et informent les bénéficiaires. À cet égard, on peut parler de l'information au « dernier bureau », comme on parle du « dernier kilomètre ».

Madame Biémouret, vous m'avez interrogée sur l'effet de la prime d'activité sur les plus pauvres. Le taux de pauvreté a connu – je vous livre des chiffres non consolidés – une baisse de 0,4 % grâce à la prime d'activité – 0,9 % pour les familles monoparentales. Les ménages les plus pauvres perçoivent une prime d'activité supérieure, puisqu'il s'agit d'une prestation différentielle dépendant du revenu. La prime va être revalorisée de 0,3 %, mais cette revalorisation dite « maîtrisée » s'ajoute à toutes celles qui ont eu lieu au cours des derniers mois.

La question relative aux « invisibles » renvoie à tout ce que nous mettons en oeuvre dans le cadre du RUA. La contractualisation conclue avec les départements sur l'accompagnement global a pour objet de permettre à ces personnes d'accéder à l'emploi, de bénéficier d'une aide réelle et de lever l'ensemble des freins liés à leurs difficultés au quotidien.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogée sur l'ONPES. Il n'est pas question de le faire disparaître mais de l'arrimer au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE). Les missions de l'ONPES sont maintenues, et seront exercées avec la même indépendance. Nous sommes en train de travailler avec l'ONPES et le CNLE pour définir la meilleure articulation possible entre eux et assurer au mieux les missions actuelles, essentielles pour lutter contre la pauvreté et l'exclusion.

Monsieur Christophe, monsieur Ramadier, vous avez appelé mon attention sur le programme 135. Le budget de l'État qui finance les subventions reste inchangé. La somme de 25 000 euros a été directement affectée aux frais de gestion de la délégation régionale outre-mer aux droits des femmes et à l'égalité – il ne s'agit en aucun cas d'une diminution des crédits. Néanmoins, pour gagner en lisibilité, un transfert du programme 304 Inclusion sociale et protection des personnes au programme 137 Égalité entre les femmes et les hommes doit intervenir par amendement gouvernemental.

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