Comme l'ont rappelé les précédents orateurs, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est essentielle pour le ministère de l'intérieur, car elle lui permet de poursuivre trois principaux objectifs : garantir l'exercice des droits des citoyens ; assurer la présence et la continuité de l'État ; déployer les politiques publiques dans l'ensemble du territoire. Elle permet également d'assurer le bon fonctionnement des administrations déconcentrées, de financer les fonctions de support et de verser certaines aides financières, notamment aux partis politiques.
La mission « Administration générale et territoriale de l'État » porte sur 4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement pour 2020. Ce budget est stable, malgré une hausse apparente résultant de transferts de crédits liés, d'une part, à la création d'une direction du numérique au ministère de l'intérieur et à la poursuite d'investissements informatiques, et, d'autre part à la création en 2020 de secrétariats généraux communs aux préfectures et aux directions déconcentrées interministérielles, entraînant le transfert vers le ministère de l'intérieur de 1 803 ETP – équivalents temps plein – relevant actuellement d'autres ministères.
Ces deux réformes sont emblématiques des évolutions que connaissent le ministère de l'intérieur et ses administrations déconcentrées. La mutualisation et la dématérialisation se renforcent, face à des citoyens qui demandent à l'administration des réponses claires et adaptées à leur situation personnelle.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, je souhaite vous alerter une nouvelle fois, comme je l'ai fait en commission et comme nous avons été nombreux à le faire dans cet hémicycle et dans les territoires, sur le sens des réformes menées actuellement ; nous devons indéniablement faire des économies et moderniser la fonction publique – nous avons d'ailleurs soutenu les initiatives récentes du Gouvernement en ce sens – , mais peut-être devons-nous, plus urgemment encore, redonner toute sa place à l'État pour assurer le respect des principes républicains dans l'ensemble des territoires.
Or les suppressions successives de services publics physiques, année après année, au profit de services en ligne ou éloignés des bassins de vie des citoyens, donnent le sentiment, à tort ou à raison, d'un abandon de l'État. Je sais, monsieur le ministre, que plusieurs réformes sont en cours, notamment pour créer des maisons de service public devant répondre aux attentes des citoyens. Vous les avez évoquées en commission, et nous les jugerons sur pièces, le moment venu. Toutefois, il faut dès maintenant renforcer la présence de l'État, notamment dans les territoires qui souffrent d'importantes difficultés sociales et économiques : je pense aux territoires ruraux et périphériques, dont les habitants doivent parcourir de longues distances pour accéder à des soins, faire valoir leurs droits ou accomplir des démarches administratives.
J'espère, monsieur le ministre, que vous apporterez des précisions sur votre feuille de route, notamment sur les mesures les plus urgentes susceptibles de maintenir l'accès de tous les Français aux services de l'État.
Dans la partie thématique de mon rapport, j'ai choisi, cette année, de m'intéresser aux difficultés de financement que rencontrent les candidats et les partis politiques. La vitalité de notre démocratie et de l'engagement politique doit être soutenue. Je salue à ce titre l'important travail réalisé par le Sénat sur le projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, que la commission des lois examine cette semaine : il va beaucoup plus loin que les propositions du Gouvernement, notamment en matière de soutien aux élus de proximité que sont les maires. Si le cadre juridique actuel offre des garanties importantes au travers des financements publics existants, des difficultés persistent pour nombre de candidats, même lorsqu'ils appartiennent à un parti bien établi. Tel est le constat du premier rapport remis au Parlement par le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, M. Jean-Raphaël Alventosa.
Deux exemples illustrent ces difficultés. D'abord, le droit au compte, bien qu'il soit garanti par la loi, ne semble pas respecté dans 10 % des cas en moyenne – voire dans 23 % des cas s'agissant des élections européennes. L'ouverture d'un compte de campagne est pourtant une obligation substantielle. À l'approche des élections municipales, de telles difficultés sont inadmissibles, et sans doute une sensibilisation des grands réseaux bancaires est-elle nécessaire pour y mettre un terme.
Ensuite, l'accès au crédit bancaire n'est pas satisfaisant. Les banques ne manifestent pas une défaillance généralisée en la matière, mais, pour diverses raisons, certaines refusent par principe d'accorder des prêts à des candidats, quels que soient leur parti et leur dossier. Malgré les nombreuses avancées législatives et réglementaires intervenues depuis la loi fondatrice de 1988 pour donner un cadre juridique clair aux candidats et aux partis politiques, il reste beaucoup à faire. On ne pourra répondre à cet enjeu démocratique non par la création d'une banque de la démocratie – à laquelle vous avez d'ailleurs renoncé – , mais par la promotion de bonnes pratiques et par la possibilité de saisir le médiateur du crédit plus tôt et plus facilement.
En conclusion, et malgré les efforts que vous avez consentis, monsieur le ministre, pour répondre à nos interrogations en commission, j'émets un avis défavorable sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».