Intervention de Aude Bono-Vandorme

Séance en hémicycle du mardi 5 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Administration générale et territoriale de l'État ; sécurités ; contrôle de la circulation et du stationnement routier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAude Bono-Vandorme, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Pour la troisième année consécutive, j'ai l'honneur de vous présenter l'avis de la commission de la défense sur les crédits de la gendarmerie nationale. Le PLF pour 2020 propose de lui accorder 9,77 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 8,96 milliards d'euros en crédits de paiement. C'est un effort budgétaire important, nouvelle étape d'une hausse continue des crédits de la gendarmerie depuis le début de la législature. Il financera la création de 490 emplois, conformément au plan de recrutement voulu par le Président de la République, et soutiendra la modernisation des équipements de la gendarmerie, notamment le déploiement du système NéOGEND, outil de travail quotidien de ce que l'on appelle la « brigade numérique ».

Ne faisons pas durer le suspense : c'est pour ces raisons que la commission de la défense a émis avis favorable sur ces crédits. Est-ce à dire pour autant que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Certes, non. Je souhaiterais appeler votre attention sur trois points.

Premier point : les crédits de la réserve opérationnelle. Depuis 2015, le contexte sécuritaire a incité l'État à fixer d'ambitieux objectifs de renforcement des réserves. La gendarmerie en a pris sa part. Toutefois, si elle réussit à recruter des réservistes, elle a parfois du mal à les payer ; les crédits de la réserve servent trop souvent de variable d'ajustement des dépenses de personnel, tant pour le bouclage du PLF que pour son exécution. Cette année encore, ils diminuent. Certes, les réservistes font preuve d'un sens de l'engagement exceptionnel, mais il ne faudrait pas multiplier à leur adresse les signaux négatifs.

Deuxième point : après un effort bienvenu en début de législature, le renouvellement des véhicules marque de nouveau le pas. Pour maintenir l'état moyen de la flotte, il faudrait, on le sait, 2 800 véhicules neufs par an ; or la dotation inscrite dans le PLF ne permettra d'en acquérir que 1 600, au mieux 2 000, si les annonces faites entre-temps trouvent une traduction budgétaire. C'est insuffisant. Il conviendra donc d'être vigilant en ce qui concerne l'état de la flotte. À quoi sert une politique de recrutement, si les moyens de fonctionnement – véhicules, carburants, bureaux et logements – ne sont pas au rendez-vous ?

Troisième point : l'immobilier de la gendarmerie, auquel j'ai consacré la partie thématique de mon rapport. Soyons simples et francs : trop de casernes ne réunissent pas les conditions minimales d'habitabilité. Nous ne souhaiterions pas y vivre. Tel est le cas, principalement, pour les logements domaniaux.

Nul besoin d'en chercher très loin les causes : elles résident dans l'impécuniosité de l'État. En effet, ne serait-ce que pour stabiliser l'état du parc et remédier aux vétustés les plus graves, il faudrait chaque année 300 millions d'euros d'investissements, plus 100 millions d'euros pour l'entretien courant. Or, depuis plus de dix ans, les dotations sont très inférieures à ces montants : en 2020, la gendarmerie ne pourra engager que pour 98,1 millions d'euros d'investissements.

Pourtant, l'enjeu est sérieux. La gendarmerie est soumise à l'obligation de disponibilité en tout temps et en tout lieu, qui rend les gendarmes mobilisables à tout moment, sans limite à leur temps de travail. La concession de logements familiaux par nécessité absolue de service n'est ni plus ni moins que la contrepartie de cette obligation, comme les heures supplémentaires le sont pour la police.

À défaut de pouvoir porter les crédits immobiliers au niveau nécessaire, et maintenir cet effort d'année en année, il faut changer de modèle. Soyons inventifs ! Pourquoi ne pas créer au sein d'une institution financière publique, comme la Caisse des dépôts et consignations, une « foncière de Beauvau », à laquelle la gendarmerie apporterait ses casernes domaniales et qui investirait une part de l'épargne réglementée dans leur modernisation ? Monsieur le ministre, mes collègues Jacques Savatier, François Jolivet, Jean-Paul Mattei et moi-même sommes tout disposés à y travailler avec vous.

Voilà, en tout cas, l'un des enjeux du futur livre blanc de la sécurité intérieure et du futur projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure – LOPPSI. Une telle loi ne saurait être équilibrée que si elle répartit l'effort non seulement entre la police et la gendarmerie, mais aussi entre l'opérationnel et le soutien, notamment le logement. Mes collègues commissaires de la défense et moi-même ne manquerons pas d'y veiller.

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