Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du mardi 5 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Administration générale et territoriale de l'État ; sécurités ; contrôle de la circulation et du stationnement routier

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Le groupe Socialistes et apparentés tient à faire part de plusieurs interrogations relatives au budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Nous avons bien compris que le plan préfectures nouvelle génération, le PPNG, avait pour objectif de recentrer les préfectures autour de leurs missions essentielles. Mais il est problématique pour les usagers de ne plus pouvoir s'adresser à leurs guichets pour obtenir une carte grise ou une carte d'identité. Une fois de plus, la fracture numérique lésera les particuliers les plus âgés ou les moins aisés.

Notre groupe est également choqué par le fait que des sociétés privées puissent facturer un grand nombre de prestations liées à des démarches administratives. Ce phénomène révèle le retrait regrettable du service public ; nous ne pouvons que le déplorer. Le Défenseur des droits vous a expressément prescrit, en 2018, de proposer aux usagers des solutions de remplacement à la dématérialisation des procédures. Or nous ne voyons aucune trace, dans ce budget, de crédits affectés à leur mise en place. Pour les étrangers, c'est encore pire : l'administration ne parvenant pas à leur fixer de rendez-vous dans les délais nécessaires au renouvellement de leurs titres de séjour, beaucoup d'entre eux se retrouvent en situation irrégulière.

Si la mission « Sécurités » connaîtra une nouvelle augmentation budgétaire en 2020, ce qui est satisfaisant, certaines tendances demeurent critiquables. Par exemple, il y aura plus de policiers mais moins de moyens : on se demande comment les hommes et les femmes qui servent dans la police et dans la gendarmerie pourront travailler dans des conditions correctes ! Nous savons que beaucoup d'entre eux se plaignent déjà d'exercer dans des conditions déplorables. Par ailleurs, si la hausse des recrutements est une bonne chose, l'on est en droit de se demander si elle sera effective : en effet, la Cour des comptes a relevé une différence significative entre le nombre de recrutements autorisé et le nombre de recrutements réels.

Nos interrogations concernent également la police de sécurité du quotidien, qui existe depuis deux ans. Certes, 1020 policiers viendront la renforcer – si les recrutements sont effectifs, bien entendu ! – et trente-deux nouveaux quartiers de reconquête républicaine verront le jour. Mais cela pose la question de la qualité des politiques publiques de sécurité dans les autres zones du territoire non couvertes par ce dispositif. Les violences inacceptables qui viennent d'être commises à Chanteloup-les-Vignes et ailleurs posent, quant à elles, la question de l'efficacité des politiques menées par l'État dans ces quartiers. Je ne dis pas que cela est simple : tous ceux qui ont occupé des responsabilités savent qu'il n'est pas facile de rétablir l'ordre de manière juste dans ces environnements. Il serait tout de même temps que nous parvenions à des avancées significatives.

Par ailleurs, des sommes ont été affectées au paiement des heures supplémentaires, ce qui est une bonne chose. Mais nous constatons avec préoccupation que les mesures ciblant les bas salaires restent modiques. Or nombre de salaires, surtout en début de carrière, sont modestes ; un effort est nécessaire si nous voulons développer l'attractivité de ces fonctions difficiles. Je précise que nous n'avons relevé aucune prévision de versement au titre des bas salaires pour la gendarmerie.

Ce budget tient évidemment compte de la menace terroriste, très présente dans notre pays depuis 2015. De ce point de vue, vous vous situez dans la continuité du précédent quinquennat. Mais nous sommes étonnés de voir que, malgré les missions importantes qui lui sont confiées, les effectifs du service national des enquêtes administratives de sécurité demeurent faibles. Ce qui s'est passé à la préfecture de police de Paris nous laisse assez dubitatifs, je l'avoue, en ce qui concerne votre aptitude à appréhender comme il le faudrait les phénomènes de radicalisation. Encore une fois, je ne dis pas que c'est facile, mais il me semble qu'un effort particulier devrait être fait sur ce point.

Nous avons eu une petite surprise à la lecture du programme « Sécurité civile » : malgré une actualité fournie, les crédits de l'action « Prévention et gestion des crises » sont en diminution de 15,73 %. Nous ne le comprenons pas.

Enfin, nous sommes préoccupés par la situation des gendarmes et pompiers, héros du quotidien – chacun en conviendra – qui commencent à se décourager. Nous constatons qu'ils posent de plus en plus de disponibilités, leur santé et leur sécurité étant affectées par la pénurie de matériel, entre autres.

Pour toutes ces raisons, malgré les efforts constatés, le compte n'y est pas : le groupe Socialistes et apparentés ne votera donc pas ce budget.

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