La mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2020 recouvre en particulier la question de la qualité de l'emploi et celle des personnels de Pôle emploi.
Au grand dam de ses agents extrêmement dévoués et souvent débordés, Pôle emploi est désormais davantage le lieu où l'on contrôle que la recherche des demandeurs d'emploi est vraiment frénétique que l'endroit où l'on peut véritablement vous fournir un emploi.
Madame la ministre, j'ai eu l'occasion de vous interpeller, lors de questions au Gouvernement, en vous rappelant que, loin du mythe du chômage volontaire, le chômage est d'abord une souffrance, et qu'il tue jusqu'à 14 000 personnes tous les ans. Vous nous trouverez toujours du bon côté lorsqu'il est possible de se satisfaire d'une baisse du chômage. Néanmoins, nous devons systématiquement interroger la réalité de cette baisse : la situation sociale est-elle modifiée, ou avons-nous simplement affaire à des effets statistiques ? En effet, il suffit de signer un contrat court pour quelques semaines ou quelques mois, de faire un stage ou de suivre une formation pour sortir des statistiques du chômage.
On n'a jamais autant embauché que ces dernières années, c'est vrai, mais il faut traduire le terme « embauche ». En fait, on n'a jamais signé autant de contrats que ces dernières années, pour la simple et bonne raison que le travail s'est précarisé à l'extrême. Comme vous l'avez dit vous-mêmes, 87 % des embauches sont des contrats courts – 70 % de moins d'un mois, et 30 % de moins d'un jour !
Les chiffres en attestent donc : le CDI, qui devait être la règle de droit commun, est devenu l'exception.
Vous instaurez un système de bonus-malus en espérant que cela aura un effet s'agissant du recours des entreprises aux contrats courts. Puisque la majorité semble aimer les quotas, nous vous proposons d'instaurer des quotas modulables selon la taille de l'entreprise afin de nous doter d'un instrument législatif qui nous permettrait de reconnaître la nécessité, pour les entreprises, de recourir à des contrats courts en période de surcroît d'activité, tout en réduisant ceux-ci à la portion congrue.
La financiarisation de l'économie a provoqué la montée du chômage et des inégalités. La réforme de l'assurance chômage est d'une extrême dureté car elle va rendre très difficile l'accès à l'indemnité pour un grand nombre de chômeurs et diminuer le montant des indemnisations auxquelles beaucoup auraient pu prétendre.
Le Gouvernement justifie cette réforme par le contexte actuel. Vous affirmez, madame la ministre, que « l'emploi repart ». Vous parlez beaucoup des emplois non pourvus. Si l'on y regarde de plus près, on constate en effet que de nombreux secteurs ont des difficultés pour embaucher. Toutefois, si tous les emplois non pourvus étaient confiés à des chômeurs, aurions-nous pour autant réglé le problème du chômage dans notre pays ? Assurément non – plusieurs enquêtes le confirment.
En 2017, l'enquête « Besoins en main-d'oeuvre » de Pôle emploi établissait que seulement 8 % des établissements ayant tenté de recruter n'y étaient pas parvenus – peut-être est-ce déjà trop, mais c'est en tout cas loin d'être la majorité – , soit que les candidats n'aient pas été retenus, soit que les besoins aient disparu, soit, il convient de le signaler aussi, que les conditions de travail proposées étaient particulièrement difficiles. Seulement 16 % des offres retirées l'ont été faute de candidats. Rapporté aux 300 000 offres d'emploi non pourvues – c'est le chiffre que vous avancez – , cela correspond à 48 000 échecs réellement imputables à l'absence de candidats. La même année, 25 millions d'offres d'emploi ont été pourvues, dont 17 millions concernant des CDD de moins d'un mois. En réalité, compte tenu du stock d'emplois non pourvus et du nombre de chômeurs disponibles, il y a 1 offre d'emploi pour 100 personnes disponibles.
Il reste donc encore beaucoup de travail à accomplir. Et si l'on veut vraiment faire reculer le chômage, la clé, ce n'est pas uniquement le développement de la formation dans les secteurs en tension, c'est aussi et surtout la création d'activités pérennes. Le manque d'activités pérennes, c'est ce dont souffre notre pays aujourd'hui.
Pour y remédier, il faut prendre des mesures. Il faut aller vers le partage du temps de travail. Si l'on produit davantage aujourd'hui qu'auparavant, la question de la durée du travail doit de nouveau se poser. La dernière fois qu'il y a eu création nette d'emplois en France, c'est lorsque le temps de travail a été diminué.