Monsieur Batut, je me réjouis que la marine ait pu contribuer à préserver la Seine d'une pollution majeure. Il n'est pas question de dégarnir nos moyens de lutte antipollution de Manche-mer du Nord, c'est-à-dire de Normandie, pour les transférer à Brest : cela n'aurait aucun sens. Nous sommes d'ailleurs plutôt en train de réfléchir au mouvement inverse. Nous devons trouver un équilibre entre la dissémination de moyens d'intervention urgente, peu onéreux et légers, et la concentration de moyens beaucoup plus lourds, quitte à les déplacer si nécessaire : réagir à une catastrophe suppose toujours une action immédiate, puis une action de plus long terme, avec des moyens plus lourds.
Aussi bien notre dispositif de gendarmerie maritime que nos remorqueurs d'intervention en haute mer que les pôles que représentent les préfectures maritimes illustrent assez bien notre double volonté de mailler la côte, c'est-à-dire de disposer de moyens d'observation et d'intervention les mieux répartis possible, et de concentrer – vous avez fait allusion au Centre d'expertises pratiques de lutte antipollution (CEPPOL) – les moyens plus lourds. Cela suppose tout à la fois mener des études et des essais, mais également d'acquérir de nouveaux matériels : tout cela est concentré à Brest, et lorsque survient une pollution majeure, est sorti et déployé là où il faut, en Manche, au fond du golfe de Gascogne ou en Méditerranée. Mais je ne veux pas que tous les moyens de lutte antipollution soient concentrés à Brest : cela n'aurait pas de sens, car il faut conserver une capacité d'intervention immédiate.
La disponibilité de nos patrouilleurs de service public (PSP) constitue l'un de mes sujets de préoccupation. Ils font partie de ces « vieilles bailles » que nous allons remplacer : leurs successeurs seront les patrouilleurs océaniques qui seront livrés en fin de LPM. Pour l'heure, je n'ai pas d'autre choix que de les maintenir en service. Le service soutien de la flotte tenait des propos plutôt rassurants sur une solution rapide pour assurer la disponibilité de ces PSP : je vais transférer momentanément un bateau de Brest à Cherbourg pour faire le pont en attendant la reprise des PSP. En tout état de cause, je suis ce dossier avec beaucoup d'attention.
S'agissant de l'implantation des parcs éoliens en mer, le préfet maritime a été sollicité, sachant que sa vision est dominée par la sécurité maritime : n'allons pas implanter des parcs éoliens à proximité des autoroutes maritimes… On y voit suffisamment, et tous les jours, de chauffards – des bateaux qui descendent sans personne à la passerelle, ou qui naviguent à contresens – pour chercher à se ménager un temps de réaction. S'agissant de la pollution pyrotechnique, la mission de la marine se limite, avec ses groupes de plongeurs – démineurs, à la recherche et au traitement de toutes les munitions et de tous les explosifs que l'on trouve à proximité des plages : on en trouve des milliers tous les ans, la plupart d'entre eux datant des deux guerres mondiales.
Monsieur Thiériot, ce n'est pas moi qui trace les frontières, c'est vous… Moi, je les défends ! J'ai cependant bien entendu le Président de la République annoncer l'ouverture d'un dialogue avec Madagascar sur la question de la souveraineté des Îles Éparses ; pour ce qui me concerne, les zones économiques exclusives autour de ces mêmes îles se trouvant sous juridiction française, je les patrouille, je les défends comme je l'ai fait jusqu'à présent. M'arrive-t-il d'y trouver des pêcheurs illégaux ? Oui. Il s'agit le plus souvent de petits pêcheurs malgaches qui ont traversé la moitié du canal du Mozambique. Il nous arrive de contrôler des unités un peu plus importantes de pays parfois assez lointains.
Vais-je créer une école de guerre pour les réservistes de la marine ? Je n'en ai pour l'instant pas ressenti le besoin. Je dispose de 6 000 réservistes, c'est-à-dire que je suis proche de la limite supérieure de mes droits en la matière ; et ils sont absolument indispensables à la marine.
La moitié à peu près est âgée de moins de trente ans, un tiers n'a jamais mis les pieds sur un bateau et ne connaît pas la marine : ils choisissent cette voie pour la découvrir dans le cadre d'un processus et d'un parcours de recrutement. Enfin, 25 % sont des anciens de la marine, dont j'ai besoin parce qu'ils connaissent les bateaux dont ils vont assurer la garde. Ils peuvent en outre être utiles à l'état-major « Opérations » de la marine. La réserve est pour moi indispensable. Nous avons cette semaine rendu hommage au président Jacques Chirac : c'est lui qui avait décidé de la suspension du service national. Sur trois appelés dans la marine nationale, le premier a été remplacé par un engagé, le deuxième par un civil, et le troisième par un réserviste. Je ne sais donc pas faire sans ces réservistes.
La fidélisation, Monsieur Son-Forget, je l'appelle désormais l'attractivité, que ce soit lors du recrutement, pendant la carrière ou lors de la reconversion. Vous avez évoqué l'aspect financier ; la rémunération doit, c'est vrai, être prise en compte. Vous nous avez à cet égard permis de mettre en place la prime de lien au service. Mais ce n'est pas la seule chose : la qualité du commandement compte également beaucoup. Dans les petites unités, on constate très rapidement que si la qualité du commandement est insuffisante, des gens raccrochent la casquette et s'en vont. Le sens de la mission a également son importance. Ce sont là des aspects plus qualitatifs qui relèvent de l'humain, du leadership. Il s'agit d'un point sur lesquels je porte mon effort : c'est notamment le cas dans des unités que vous connaissez bien, celles des fusiliers marins ou de commandos, souvent astreints à des tâches assez répétitives. Il a donc fallu élargir leurs missions et les rendre plus variées, notamment en leur confiant des fonctions dans le cadre de la prévention des actes terroristes en mer : ils y occupent désormais une place qu'ils n'avaient pas il y a quelques années. Je porte par ailleurs une attention redoublée à la préparation des officiers qui les commandent. Ce n'est donc pas qu'une question d'argent.
J'ajoute que la fidélisation des hommes, c'est également la fidélisation des femmes. Je vois bien que leur comportement est différent de celui des hommes : elles partent plus tôt, en moyenne au bout de douze ans de services, contre dix-sept pour les hommes. Je me dois d'en examiner le pourquoi et le comment, même si je vois bien que le moment où elles quittent le service correspond à celui où elles veulent fonder une famille. Il me faut donc probablement adapter les parcours de carrière à cette évolution pour « organiser l'immobilité », comme j'ai l'habitude de le dire. Ce ne peut évidemment être une immobilité totale : ce serait contraire au statut général des militaires, à la dynamique de nos parcours de carrière, qui impose de passer d'un bateau à un autre et de progresser. Mais je dois être capable, à certains moments, même si cela va me coûter, même si cela sera difficile, de m'engager, si un marin, homme ou femme fait l'effort d'une formation de haut niveau, à le faire bénéficier d'une immobilité géographique pour une durée déterminée.