Les crédits de la mission dont je suis le rapporteur spécial témoignent d'une ambition préservée pour les outre-mer. C'est un effort que je salue. Le niveau des autorisations d'engagement – 2,55 milliards d'euros – n'est, pour l'essentiel, affecté que par des mesures de périmètre et de transfert.
Sont ainsi intégrés dans le périmètre de l'action Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane du programme 162 Interventions territoriales de l'État de la mission Cohésion des territoires les crédits dédiés au contrat de convergence et de transformation (CCT) inscrits dans le programme 123 Conditions de vie outre-mer, soit un transfert de 7,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
Par ailleurs, conformément aux engagements pris par le précédent Président de la République lors de sa visite en Polynésie française, le 22 février 2016, la dotation globale d'autonomie, restaurée à compter de 2017 à son niveau d'origine, soit 90,55 millions d'euros en AE et en CP, est financée par prélèvement sur les recettes de l'État à compter de l'exercice 2020. En revanche, le prélèvement sur recettes relatif à la compensation de l'octroi de mer en Guyane, d'un montant de 27 millions d'euros, est re-budgétisé.
Cependant, les autorisations d'engagement baissent en raison de la variation à la baisse de la prévision par l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) du montant des compensations d'exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer, inférieure de 34 millions d'euros pour 2020 à celle inscrite en LFI 2019. Certes, il s'agit d'une dépense de guichet dont le montant exact ne peut être connu qu'a posteriori, mais ce n'en est pas moins une dépense à part entière dont bénéficient les outre-mer. J'aurais aimé, si l'on prévoit de dépenser 34 millions d'euros de moins au titre de ces compensations, que l'on envisage d'abonder d'autres lignes de la mission d'un même montant global ou que l'on réévalue les paramètres du dispositif d'exonération de charges pour que le montant compensé ne diminue pas.
Dans cet esprit, et pour donner tout son sens à la clause de revoyure évoquée par le Gouvernement, j'ai déposé des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces propositions, que je défendais au nom du monde économique, ont été partiellement adoptées. Je souhaite que ce débat soit poursuivi et approfondi au Sénat. Soit dit en passant, je ne dispose malheureusement pas des chiffres que j'ai demandés à l'ACOSS ; la tutelle semble opposer une certaine inertie à leur transmission.
Je regrette, par ailleurs, la baisse de 100 millions d'euros des crédits de paiement. Ne réduisant en rien la portée de l'engagement du Gouvernement en faveur des outre-mer, elle procède du constat de la réalité du rythme des décaissements et des sous-exécutions. En ce sens, elle témoigne d'un souci de sincérité de la programmation budgétaire dont on peut se féliciter. J'aurais cependant préféré que l'on trouve une autre manière de régler la question des sous-consommations que celle consistant à l'entériner, d'autant qu'en cette période de taux bancaires négatifs, l'argument du coût de l'emprunt convainc peu. Une solution, afin de mieux consommer les fonds, aurait été le renforcement de l'ingénierie à tous les niveaux. Je me félicite des efforts faits en faveur de la Guyane et de Mayotte, mais ils devraient être généralisés.
Je me félicite du rétablissement de l'allocation logement accession, et j'approuve le choix, dans le cadre du plan logement 2019-2022, de consacrer 7 millions d'euros à l'ingénierie au sein de l'action 1 Ligne budgétaire unique du programme 123. Pour ma part, je proposerai d'abonder de 2 millions d'euros les crédits dédiés à cette même ingénierie dans le cadre de l'action 2, consacrée à l'aménagement du territoire, du même programme.
Je me réjouis également du maintien de l'action Financement de l'économie du programme 138 Emploi outre-mer à son niveau de 2019, soit 23 millions d'euros, et du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), dont les autorisations d'engagement restent inchangées, à 110 millions d'euros, même si je constate à regret la diminution de 5 millions d'euros de ses crédits de paiement. Je déplore néanmoins vivement une apparente volonté de maintenir une certaine opacité sur la ventilation par territoire des financements accordés dans le cadre du FEI. Malgré des demandes répétées, je n'ai pu l'obtenir.
Au-delà des crédits budgétaires des deux programmes, l'importance des dépenses fiscales pour les outre-mer ne doit pas être négligée. Je citerai les taux spécifiques de TVA applicable dans les départements d'outre-mer (DOM) et l'exclusion des mêmes DOM du champ d'application de la taxe intérieure de consommation applicable aux carburants. Cette année, le projet de loi de finances ne comporte pas de disposition fiscale majeure relative aux outre-mer.
Cela dit, au cours de l'examen en séance publique de la première partie du projet de loi de finances, certains se sont émus de l'amendement gouvernemental visant à instaurer, en Guadeloupe et en Martinique, à titre d'expérimentation, un régime de duty free pour les touristes de croisière. Je regrette, moi aussi, que les conditions de son examen aient conduit au rejet d'une mesure de nature à stimuler l'économie locale, qui répond à une demande forte de la Guadeloupe et de la Martinique. La tâche des parlementaires guadeloupéens et martiniquais, rassemblés, est désormais de faire en sorte que cet amendement soit redéposé tel quel au Sénat et que des conditions d'examen plus sereines permettent son adoption, par-delà les clivages politiques. Les objections formelles et procédurales, pour ne pas dire procédurières, ne doivent pas faire obstacle à ce qui n'est que la mise en oeuvre d'une proposition formulée dans le cadre du conseil interministériel de la mer du 17 novembre 2017.
Les règles fiscales générales peuvent affecter les outre-mer. De ce point de vue, je souhaiterais que l'on corrige certains effets pervers de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, qui menace l'équilibre économique et la réalisation même de certaines opérations menées dans les collectivités d'outre-mer.
Je redoute également que la réduction de la niche en faveur du mécénat, prévue à l'article 50 du projet de loi de finances, ne dissuade des mécènes de financer certaines opérations, notamment de conservation ou de restauration du patrimoine, qui ne sauraient être menées sans leur concours compte tenu de la situation financière dégradée des collectivités ultra-marines.