Intervention de Éric Coquerel

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur spécial (Paysages, eau et biodiversité, Prévention des risques, Expertise, information géographique et météorologie et Conduite et pilotage des politiques) :

Je commencerai par dire un mot sur la hausse supposée des crédits de l'écologie en 2020. Si l'on se réfère aux documents de présentation qui nous ont été fournis par Bercy, les crédits budgétaires de la mission Écologie hors contribution au CAS Pensions connaissent une faible progression, passant de 11,52 milliards d'euros en LFI 2019 à 11,64 milliards en PLF 2020 : cela représente 1 %, c'est-à-dire moins que l'inflation.

Les principaux vecteurs de hausse des crédits de la mission dans le PLF 2020 sont l'augmentation des prévisions de taxes affectées : plus 730 millions d'euros, dont 504 millions supplémentaires pour l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF), ainsi que deux changements de périmètre. D'une part, il est créé un nouveau programme Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État, doté de crédits évaluatifs de 409 millions d'euros ; d'autre part, le CAS Aide à l'acquisition de véhicules propres est supprimé, et il est inscrit 395 millions d'euros de crédits budgétaires dans le programme 174 Énergie, climat et après-mines au titre du bonus automobile – ce qui représente un total d'un peu plus de 800 millions d'euros. Me répondant dans le cadre des questions au Gouvernement, madame Borne avait affirmé que le budget de l'écologie augmentait : en réalité, l'augmentation n'est qu'apparente, puisqu'elle correspond essentiellement à des budgets fléchés ne concernant pas la politique globale du ministère de l'environnement.

Pour l'essentiel, les hausses affichées par le Gouvernement tiennent plus du jeu de bonneteau, voire d'un jeu de dupes, que de la volonté d'engager une politique publique de l'écologie digne de ce nom. Je proposerai tout à l'heure des amendements visant à clarifier la maquette budgétaire de la mission et à assurer un minimum de sincérité dans la présentation des crédits.

L'élément le plus marquant de ce PLF en matière d'écologie, c'est la poursuite des coupes claires pratiquées dans les effectifs, à tel point que les quatre syndicats représentatifs du ministère de la transition écologique et solidaire, où le vote est à 80 % au niveau du personnel, ont créé en septembre dernier un « comité de défense du ministère de l'écologie », répondant ainsi à la création d'un conseil de défense écologique sur la proposition du chef de l'État. Ils réclament notamment, à juste titre, un moratoire sur les réductions d'effectifs, sur les suppressions ou transferts de missions ainsi que sur les restructurations des établissements et services.

L'objectif est tout simplement de pouvoir se concentrer sur le seul combat qui vaille : non pas la réduction obsessionnelle des dépenses de l'État, mais la bonne appréhension du changement climatique, la lutte contre ses causes et ses effets, en particulier la chute dramatique de la biodiversité, et la protection des populations contre les risques naturels et technologiques.

Or, pour 2020, le plafond des autorisations d'emploi du ministère de la transition écologique et solidaire, tel qu'il figure à l'article 42 du présent projet de loi de finances, passe de 39 373 ETPT à 37 382, soit une baisse de 5,3 % de l'effectif – cela, je le rappelle, à la suite des 24 000 suppressions d'ETPT qu'a subies ce ministère au cours des dix dernières années.

Pour les opérateurs, la baisse est de 286 ETPT par rapport au plafond 2019 de 19 578 mais, alors qu'elle touche très durement des établissements essentiels comme Météo-France – moins 95 ETPT – ou le CEREMA – moins 101 ETPT –, la Société du Grand Paris, dont le plafond d'emplois était déjà passé de 200 ETPT à 430 ETPT de 2018 à 2019, voit ses effectifs portés à 585 ETPT en 2020. Je vous présenterai des amendements visant à annuler ces suppressions de postes et à établir un véritable moratoire sur les baisses des effectifs.

Pour ce qui est des quatre programmes dont j'assure plus particulièrement le suivi, les crédits, à périmètre constant, sont également en baisse : moins 0,63 % sur le programme 159 Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie, moins 0,93 % sur le programme 181 Prévention des risques, et moins 2,83 % sur le programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de de la mobilité durables, au sein duquel la masse salariale du ministère accuse une baisse sensible.

Quant au programme 113 Paysages, eau et biodiversité, son augmentation de 26 % en CP est la résultante d'une mesure de périmètre, avec l'instauration d'une subvention pour charges de service public (SCSP) de 41,2 millions d'euros au bénéfice de l'Office français de la biodiversité (OFB), nouvel établissement issu de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Cette subvention est censée compenser la baisse de la redevance cynégétique consécutive à la réforme de la chasse décidée par le Président de la République en août 2018, mais elle ne le fait en réalité que très partiellement. L'OFB va donc voir le jour dans un contexte financier défavorable, et l'on sait que les fédérations de chasseurs, auxquelles ont été transférées des compétences qui auraient dû rester dans la sphère régalienne, reconnaissent déjà leur impuissance à réguler les populations de gros gibier et réclament des moyens supplémentaires.

Je veux également dénoncer la baisse des subventions pour charges de service public de l'IGN et du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Quant à la légère hausse dont bénéficie Météo-France, elle tient à des financements exceptionnels destinés au renouvellement du supercalculateur – j'y reviendrai dans le cadre d'un amendement.

En ce qui concerne l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), les baisses d'effectifs cumulées entre 2016 et 2024 représenteront 20 % du personnel. Quand on connaît le rôle central de cet établissement dans la recherche sur les risques industriels et sur leur prévention, dans l'élaboration de la réglementation, mais aussi son action en appui des services d'urgence lors des accidents industriels – il a été l'un des premiers à être saisis lors de l'incendie de Lubrizol –, on prend la mesure de l'irresponsabilité de ces plans d'austérité. La menace, bien identifiée par les dirigeants de tous les opérateurs concernés, est celle d'une perte de compétence à moyen terme.

Je n'hésite pas à dire qu'en matière de prévision des risques industriels et naturels, nous vivons actuellement ce qui ressemble fort à un scandale d'État – qui n'est certes pas à imputer uniquement à la politique mise en oeuvre par ce gouvernement, puisqu'il résulte d'une lente dégradation sur une quinzaine d'années –, le directeur général de la prévision des risques reconnaissant lui-même que le nombre de contrôles a été divisé par deux en quinze ans, qu'un inspecteur couvre en moyenne 420 sites et qu'il manque 200 postes d'inspecteur pour assurer le minimum nécessaire. Dans cette situation, on privilégie le contrôle des sites Seveso, au détriment d'autres sites qui sont tout aussi préoccupants, notamment du fait de l'intervention de sous-traitants.

Non, ce budget n'est vraiment pas au niveau compte tenu de l'urgence écologique à laquelle nous sommes confrontés. Dans l'édition 2019 du « Rapport sur l'environnement en France » que vient de publier le ministère de la transition écologique et solidaire, il apparaît que la France est dans une situation mauvaise ou préoccupante dans plus de la moitié des neuf « limites planétaires » définies au niveau international.

Pour toutes ces raisons, je vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.