Intervention de Julien Aubert

Réunion du jeudi 24 octobre 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur spécial (Énergie, climat et après-mines, Service public de l'énergie et comptes d'affectation spéciale Transition énergétique et Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale) :

Avant de vous faire part de mon appréciation sur les crédits dont j'ai la charge, j'énoncerai trois éléments factuels.

Le premier élément factuel, c'est que le budget s'établit à 11,7 milliards en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, ce qui représente un léger recul de 1,75 % par rapport à la loi de finances pour 2019. Cela peut s'expliquer par le fait que c'était une mission très dynamique, et qu'après une augmentation des crédits, pour la première fois, ceux-ci se stabilisent.

Le deuxième élément factuel, c'est que la maquette budgétaire présentant ces crédits évolue – je suis tenté de m'exclamer « Alléluia ! » pour faire plaisir au rapporteur général. En effet, la relative stabilité des crédits masque plusieurs mouvements. Ainsi, le programme 174 accueille trois nouvelles dépenses, à savoir le chèque énergie – transféré du programme 345 –, le bonus écologique et la prime à la transition énergétique, qui constitue l'un des aspects de la réforme du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE).

Cette évolution de la maquette était attendue. J'avais d'ailleurs émis le voeu, l'an dernier, tout comme la Cour des comptes, que ce soit le cas, et notre collègue Laurent Saint-Martin en a fait de même récemment dans son rapport sur l'application de la LOLF. Si les propositions formulées diffèrent, notre constat est partagé : la maquette qui nous est présentée manque de pertinence. Au final, et en dépit de quelques aspects positifs, les évolutions apportées sont décevantes et me paraissent devoir être complétées. J'ai déposé un amendement en ce sens.

Troisième élément factuel : la mission comporte une vingtaine de dépenses fiscales, notamment le CITE qui, l'an prochain, pèsera pour plus d'un milliard d'euros au titre des travaux réalisés en 2019.

J'en viens à mon analyse critique des crédits proposés. La première chose qui me frappe, c'est la complexité de certains dispositifs d'accompagnement de la rénovation énergétique. La semaine dernière, nous avons discuté dans l'hémicycle de la réforme du CITE, consistant entre autres à créer une prime au bénéfice des ménages modestes et très modestes, afin de les encourager à effectuer des travaux de rénovation énergétique de leur logement. La grille de présentation des travaux éligibles à cette prime et au CITE est excessivement complexe, pour ne pas dire byzantine. La Fédération française du bâtiment a ainsi relevé que le CITE « nouvelle version » comportait – accrochez-vous bien – 192 cas de figure différents, dépendants des types de ménages concernés et des paramètres énergétiques ! Ce n'est plus une grille c'est un Rubik's Cube ! Quand on a des dispositifs d'une telle complexité, il ne faut plus se demander pourquoi les Français n'y font pas plus souvent appel…

Je regrette notamment la volonté du Gouvernement de combiner l'aspect social et l'aspect énergétique, car cela n'est pas forcément pertinent, notamment en matière d'émissions de CO2. À vouloir courir plusieurs lièvres à la fois, on risque de n'en attraper aucun. Il aurait mieux valu prévoir un dispositif plus simple, dont l'entrée en vigueur aurait été décalée de quelques mois afin de pouvoir informer nos concitoyens des changements intervenus. Pour être efficace, une politique publique doit être simple, mais c'est là une qualité que je ne retrouve pas dans ce budget.

La seconde chose qui me frappe dans les crédits de la mission écologie, c'est le manque de cohérence. Le Gouvernement nous dit sans cesse qu'il veut soutenir le verdissement du parc automobile et le remplacement des véhicules les plus anciens par des véhicules plus récents et moins polluants. Soit, mais les chiffres disent tout et son contraire : d'un côté, le montant du bonus écologique va augmenter de 50 %, ce qui fait passer les crédits pour acquérir un véhicule électrique neuf de 264 millions d'euros à 395 millions – ce qui est très bien ; de l'autre côté, les crédits soutenant la prime à la conversion diminuent d'un tiers, passant de 596 millions d'euros à 405 millions d'euros. Autrement dit, dans le même budget, on augmente le bonus écologique de moitié et on diminue la prime à la conversion d'un tiers.

On a l'impression de se trouver aux côtés d'un conducteur qui fait n'importe quoi : un coup de volant à gauche, un coup de volant à droite, marche avant, marche arrière… Le message en matière de verdissement du parc automobile manque de cohérence, et ce qui manque de cohérence manque généralement d'efficacité. Pour ces motifs, je vous propose donc de ne pas adopter les crédits qui vous sont soumis.

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