Sur le Brexit, certains me demandaient une appréciation sur le délai présenté par le Président du Conseil, d'autres s'interrogeaient sur les délais courts ou longs.
Notre position est qu'il faut que nous voyions ce qui se passe d'ici la fin de la semaine au Parlement britannique. Nous pourrons prendre une décision, si le processus de ratification s'enclenche. Si le processus de ratification s'enclenche, cela nous amènera à prendre une forme de décision qui serait plutôt une extension de quelques jours. S'il ne s'enclenche pas, il faudra qu'il y ait une discussion politique plus serrée, plus musclée. Si le processus de ratification s'enclenche dans les prochaines heures et avance, vous voyez bien que nous n'aurons pas la même position, que si ce processus ne s'enclenche pas. C'est vraiment la base de la position.
M. Bourlanges a pleinement raison lorsqu'il rappelle que le 31 janvier correspond au Benn Act. Ce n'est pas une date sortie de la tête de n'importe quel dirigeant européen. Elle est là parce qu'elle a été approuvée par le Parlement britannique. Il faut que nous soyons clairs sur la justification que nous aurions d'une telle date. Une date intermédiaire importante est celle de l'entrée en fonction de la nouvelle Commission. La date du 31 octobre proposée par le Président de la République en avril dernier n'est pas une date sortie de nulle part. C'était la date qui permettait que la Commission puisse entrer en fonction sans être impactée par le Brexit.
Je crois que face au Brexit, le pire est de faire de la politique-fiction. Il faut prendre les choses de manière extrêmement calme, mais prendre les décisions qui s'imposent. Aujourd'hui, 23 octobre, y a-t-il une décision à prendre ? Non. Aujourd'hui, le Parlement a voté l'accord en deuxième lecture. Nous devons attendre de voir ce qui se passe.
Vous m'avez interrogée sur les amendements sur l'union douanière britannique. Là aussi, il faut que nous prenions un peu de recul. Il y a plein de façons d'imaginer la relation future. Ce que nous avons mis dans la déclaration politique est que nous voulions au minimum un accord de libre-échange, une forme de convergence des normes sur un certain nombre de points, ce qui veut dire un contrôle des divergences éventuelles entre nos deux blocs économiques, afin que le cas échéant, nous restreignions le libre-échange. C'est comme cela que sont signés tous les accords de libre-échange de nouvelle génération par l'Union européenne. Tant que cette négociation n'a pas commencé, beaucoup d'acteurs diront qu'ils veulent négocier plein de choses, mais il vaut mieux savoir ce que nous négocierons, au moment où nous le négocierons. L'amendement Corbin sur l'union douanière est peut-être le premier élément de la négociation future, mais il faut faire les choses par étapes. Avant de négocier le futur, il faut déjà que nous arrivions à avoir un Brexit, c'est-à-dire une sortie politique du Royaume-Uni des instances européennes. Voilà ce que je peux vous dire. Les consultations sont en cours mais la France aimerait pouvoir réfléchir à la réponse à donner à cette demande d'extension, en fonction de ce qui se passe au Parlement britannique et pas selon un scénario fiction.
Vous m'avez également interrogée sur l'élargissement et je vais essayer de faire une réponse collective. Oui, monsieur Holroyd, le sujet clé est qu'aujourd'hui, ce processus est binaire. Un jour, on dit oui et comme le dit M. Bourlanges, c'est le toboggan. À la fin, soit cela se passe bien ou cela ne se passe pas bien et cela s'appelle un enlisement permanent. Je ne crois pas qu'il faille réfléchir en termes de statut et d'institution. Aujourd'hui, nous avons un instrument qui s'appelle instrument de pré-adhésion. Il permet d'investir de l'argent européen dans ces pays, avant qu'ils ne soient membres de l'Union européenne. Cet argent est géré avec des programmes spécifiques, une espèce de comptabilité spécifique faisant que les citoyens ne voient pas bien le lien entre ce programme de pré-adhésion et leur vie quotidienne. Ce à quoi nous pensons, monsieur Bourlanges, c'est de prendre les chapitres et de les regrouper par thématiques. J'en ai six ou sept en tête. Quand vous avez achevé la négociation d'une thématique, en tant que pays, vous avez accès à une politique européenne.
Je vais vous donner un exemple, mais c'est vraiment putatif. Nous y avons réfléchi, cela a été partagé avec des pays membres. Cela intéresse et ensuite, il faut que nous voyions les détails avec la Commission européenne. Par exemple, vous avez accès à la politique agricole, puis dans une deuxième étape, vous avez par exemple accès à la politique de cohésion. Vous avez une troisième étape et vous avez accès à la politique d'innovation. Pourquoi est-ce intéressant pour la réversibilité ? Un pays candidat qui fait des réformes, connaît un changement de majorité : le nouveau gouvernement peut décider de ralentir ou d'arrêter le processus. Dans ce cas, nous avons un levier et pouvons décider de retirer le bénéfice d'une politique. L'avantage est que par ce modèle, nous pouvons avoir une entrée graduelle dans les politiques européennes, avant de rejoindre le Conseil, le Parlement européen, les institutions. Au départ, comme on dit en bon anglais, vous êtes role taker. Le pays peut participer à des réunions, des colloques, mais ne participe pas à l'édiction de la norme. C'est un fonctionnement, un processus qui change significativement la façon dont les populations vivraient les années de négociation. Pour la Serbie, le processus a débuté en 2012 et nous sommes encore très loin du but.