Institutionnellement, je crois qu'il faut garder l'idée que l'on soit en dehors ou dedans. Il peut y avoir une phase où vous prenez les normes et avez accès aux politiques européennes concrètes, comme la cohésion ou l'agriculture. Pour moi, l'avant-dernière étape est le marché intérieur et la dernière étape est de rejoindre la table du Conseil.
C'est là-dessus que nous travaillons. J'ai eu des échanges avec Johannes Hahn qui est l'actuel Commissaire à l'élargissement. Ce n'est pas quelque chose qu'il trouve aberrant. Simplement, pour les États européens, cela implique l'idée d'une vraie réversibilité, c'est-à-dire que des États peuvent aller dans un sens ou dans un autre et qu'au fond, il y a un prix à payer en cas d'inaction. C'est un modèle qui crée une forme de consensus avec nos partenaires parce qu'ils voient bien l'intérêt que cela a pour l'Europe, notamment pour faire face à la question des influences étrangères. Pourquoi y a-t-il de l'influence étrangère ? Parce que nous n'investissons rien que les populations voient comme étant tangible. Nous mettons de l'argent sur la table, mais n'allons pas au bout de nos politiques européennes qui ont été faites pour arriver jusque dans les cours de ferme, chez les élus locaux, les entreprises, les universités, etc. Aujourd'hui, nous avons un engagement budgétaire, mais il ne se traduit pas sur le terrain. C'est là-dessus qu'il faut que nous arrivions à travailler.
Vous voyez à mon ton et mon énergie que pour moi, c'est essentiel pour la crédibilité de ce que nous faisons sur l'élargissement. Le risque est que nous nous communiquions sur l'ouverture des négociations et qu'après, tout le monde rentre chez soi, en disant qu'il a fait son travail. Ce n'est pas en envoyant 6 000 questions aux gouvernements de ces pays que nous aurons arrimé économiquement, socialement et culturellement cette zone géographique qui est au coeur de l'Europe et a beaucoup de défis à relever.
Vous savez que nous avons une stratégie française dans les Balkans, que le Président de la République a détaillée quand il est allé en Serbie. Elle consiste à mobiliser massivement l'Agence française de développement (AFD), afin d'avoir des prêts, des subventions, toute une politique de développement économique tangible. Avec le Premier ministre, nous étions à Poznan pour le sommet des Balkans occidentaux, avec une vraie stratégie de développement économique. La France n'est pas partie des Balkans, n'y est pas absente, mais essaie d'y investir, afin que cela bénéficie aux populations, aux entreprises, et de contribuer au développement de la région.
Monsieur Holroyd, concernant l'objectif neutralité carbone en 2050, c'était une étape intermédiaire de discussion, en vue du Conseil de décembre, où nous aurons notamment un échange sur les cibles 2030 et 2050. Nous y déciderons des efforts que nous consentons, fixerons les objectifs chiffrés que nous nous assignons, afin de savoir si la pente est crédible d'ici 2050. Si nous pensons que nous allons faire tous les efforts entre 2045 et 2050, c'est moins crédible que si nous nous donnons des horizons ambitieux pour 2030. Vous le savez, nous étions neuf pays à être réunis autour des objectifs 2050. Au Conseil européen du mois de juillet, nous avons progressé et étions 24. Aujourd'hui, nous sommes 25, puisque l'Estonie nous a rejoints. La Pologne, la Hongrie et la République tchèque n'ont pas rejoint cet objectif. Je ne crois pas qu'ils y soient opposés de manière brute, entière et non négociable. Ils posent une question tout à fait légitime. Ce sont des pays, notamment la Pologne, qui sont plus loin de la neutralité carbone que nous. Leur mix énergétique est très lié au charbon et il y a un coût social et économique très fort pour eux. Il faut que nous reconnaissions que pour eux, économiquement et socialement, il est beaucoup plus compliqué de faire cette transition vers la neutralité, que pour d'autres pays. C'est pour cela qu'Ursula Von der Leyen a proposé un fonds de transition afin de revoir comment, dans le cadre de la cohésion et du cadre financier pluriannuel, nous pouvons donner les moyens d'y parvenir à ceux qui sont loin de l'objectif.
Dans le cadre du Green New Deal, nous aurons également des objectifs présentés par la Commission, dont la neutralité carbone 2050, des objectifs pour 2030, une méthode basée sur la transversalité, par la mise en cohérence des politiques européennes dans tous les secteurs : bâtiment, transport, agriculture. Il y aura un vice-président de la Commission pour coordonner ces efforts. Ils devront se traduire par la mise en place de la banque du climat, du mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, d'une feuille de route d'une économie circulaire européenne, que vous aurez bientôt à étudier ici, dans cette assemblée. Il faudra également que le marché ETS puisse couvrir de nouveaux secteurs pour améliorer la prise en compte du prix du carbone. Enfin, le budget européen devra tenir compte de ces nouvelles priorités.
Concernant les règles budgétaires et la question de la députée Karamanli, le constat partagé par tous est que c'est très compliqué, mais aujourd'hui, cela permet tout de même une certaine flexibilité. Il y a un avantage et un inconvénient à la complexité, à savoir que lorsque l'on sait la manier, on y trouve un peu d'agilité. Des travaux techniques sont en cours à la Commission, notamment sur une règle de suivi de la dépense et du rythme de croissance de la dépense qui nous semble être un indicateur qui n'est peut-être pas regardé avec autant d'intérêt qu'il devrait l'être. À nos yeux, l'urgence n'est pas d'ouvrir la boîte de Pandore ou de changer le thermomètre, mais d'approfondir d'abord la zone euro, de lui donner un budget, de soutenir l'investissement. Il y a un déficit chronique d'investissement dans les infrastructures, notamment en Allemagne. C'est également dans l'innovation, les fonds propres des entreprises, la formation. Bien sûr, cela concerne d'autres pays que l'Allemagne. Pour le respect des règles budgétaires, c'est au fond ce qu'a proposé Bruno Le Maire en faveur d'un nouveau pacte de la zone euro : un budget, de l'investissement et un respect des règles pouvant trouver leur cohérence et leur équilibre.
Monsieur Bourlanges, sur la date et les perspectives quant à la nomination d'un commissaire français, si nous visons une entrée en fonction de la Commission au 1er décembre, les choses devront s'accélérer. Il y a un portrait-robot de ce commissaire. Il faut que ce soit quelqu'un qui puisse porter le portefeuille, gagner rapidement la confiance du Parlement…