Intervention de Sacha Houlié

Réunion du mardi 5 novembre 2019 à 21h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSacha Houlié :

Le Gouvernement n'a pas fait mystère du fait que le point de départ de ce projet de loi est la loi NOTRe du 7 août 2015, qui a eu pour conséquence de redessiner la carte de France et de faire évoluer durablement et significativement le fonctionnement de l'intercommunalité. Ce texte a conduit à des crispations indépassables ou, en tout cas, à des difficultés majeures que les élus ont fait remonter. On a choisi d'axer l'organisation territoriale de notre pays sur l'intercommunalité et les régions mais en oubliant de convaincre les élus des bienfaits de cette évolution, de leur donner le mode d'emploi et même de les consulter. Vous semblez vouloir y remédier, puisque vous avez fait allusion aux 96 heures du grand débat qui ont eu lieu en présence du Président de la République.

Il y a le projet de loi et ce qui n'y figure pas. On l'a dit avant moi : ce texte ne concerne pas les structures les plus intégrées – les métropoles, les communautés urbaines, mais aussi les départements et les régions. Ce sera probablement l'objet du projet de loi annoncé pour septembre 2020.

Nous voulons traiter du quotidien, celui des communes et des intercommunalités, notamment la façon dont on doit faire fonctionner ces dernières. Il faut simplifier les règles pour libérer les élus, leur donner du temps pour penser et pour faire.

La première ambition du projet de loi est de faire fonctionner convenablement les EPCI. Ils consistent, comme le soulignent les maires, à faire à plusieurs ce que l'on ne peut pas faire seul. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, un compromis un peu impossible entre la liberté et l'égalité : nous pourrons vous proposer une voie à suivre en la matière.

Il y aura de la liberté dans le cadre du pacte de gouvernance et, peut-être, de l'obligation dans celui de la conférence des maires, qui vise à donner une place à chaque maire au sein des intercommunalités. En revanche, il ne doit pas être question, à notre sens, de faire un « grand soir » de la compétence. Certains s'y sont essayés, mais ce n'est pas ce que demandent les maires, à notre avis. Pourriez-vous confirmer l'intention du Gouvernement de ne pas remettre en cause des compétences qui ont vocation à s'exercer en commun, comme l'eau et l'assainissement ? Je rappelle que c'est un sujet dont nous avons déjà eu l'occasion de délibérer.

La seconde ambition du texte est de redonner du pouvoir aux maires et de rendre efficientes les décisions qu'ils prennent. De nouveaux pouvoirs de police administrative seront confiés aux maires, les préfets pourront leur donner une délégation en ce qui concerne la fermeture des débits de boisson, et il pourra y avoir des astreintes journalières dans le cadre des autorisations d'urbanisme, en cas de défaut d'entretien des végétaux ou d'occupation illégale de la voie publique.

On doit définir les limites dès qu'il est question de police administrative. Celle-ci doit être nécessaire et proportionnée compte tenu des faits, et c'est au législateur d'y veiller. Je défendrai un amendement visant à assurer le non-cumul des sanctions administratives et judiciaires pour des faits réprimés successivement par deux autorités différentes.

La troisième ambition du texte est de simplifier l'existant. La volonté du groupe La République en Marche est de revenir à l'esprit initial du texte, qui a parfois été remis en cause par nos collègues du Sénat, notamment en ce qui concerne la démocratie locale. Nous avons ainsi déposé un amendement relatif aux conseils de développement.

Le quatrième domaine dans lequel ce texte va permettre de réaliser des avancées est le statut des élus.

Le statut de salarié protégé va trop loin, de notre point de vue : il serait préférable d'inscrire dans le code du travail un principe de non-discrimination en raison de l'exercice d'un mandat électoral.

Nous saluons, en revanche, les dispositions relatives à la prise en charge des frais de garde – il faut relever qu'un effort financier sera réalisé par l'État dans ce domaine –, à la protection fonctionnelle, dont vous avez rappelé l'absolue nécessité, monsieur le ministre, et à la rénovation profonde du droit à la formation, qui nécessitera une consultation des associations d'élus et des partis politiques.

Par ailleurs, nous souhaitons confirmer ce qu'a prévu le Sénat en ce qui concerne le droit des élus à bénéficier de l'allocation aux adultes handicapés.

S'agissant de l'épineuse question des indemnités, le projet de loi donnait initialement beaucoup de liberté aux élus, en leur permettant de décider seuls. Le Sénat, les écoutant, a préféré graver des règles dans le marbre. Mon groupe voudrait émettre une réserve en la matière : si un effort doit être réalisé pour financer les indemnités, cela ne doit pas se faire au détriment des dotations prévues pour les investissements. Par ailleurs, nous souhaitons que les modalités adoptées au Parlement soient dupliquées dans les collectivités, sous la forme d'une modulation des indemnités en fonction de la participation effective des élus aux réunions.

Nous pensons, de même, que les droits de l'opposition – qui ont été reconnus à l'Assemblée nationale – peuvent être étendus aux collectivités territoriales : on pourrait reconnaître le droit de poser des questions au début du conseil municipal au moins tous les six mois.

S'agissant du droit de vote des détenus, nous souhaitons introduire, là encore et dans le droit fil des engagements pris par le Président de la République, une simplification.

Je ne peux terminer mon intervention sans aborder la parité : le Sénat a fait évoluer le projet de loi pour garantir qu'elle existe au niveau des adjoints au maire dans les communes d'au moins 1 000 habitants. Nous nous sommes posé la question du seuil. La difficulté de constituer des listes mais aussi les avis du Conseil d'État et la jurisprudence du Conseil constitutionnel doivent conduire à faire preuve de la plus grande prudence en matière. Nous défendrons un amendement visant seulement à ramener le seuil à 500 habitants.

Nous nous réjouissons, vous l'aurez compris, de l'examen de ce texte. Nous souhaitons envoyer un message sans équivoque aux élus locaux : après la loi NOTRe, le temps est venu de construire une loi « vôtre ».

Le sérieux avec lequel nous avons travaillé sur ce sujet est le reflet de notre ancrage territorial. Nous souhaitons que ce projet de loi apporte des solutions faisant l'objet d'un consensus entre les deux chambres du Parlement.

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