J'associe Pascal Brindeau à mon intervention.
Nous abordons un texte qui intéresse les élus locaux mais aussi l'ensemble de nos concitoyens. Ce projet de loi nous est proposé après la crise des gilets jaunes et le grand débat qui a eu lieu. Les attentes sont fortes après les lois MAPTAM et NOTRe qui ont bouleversé notre organisation institutionnelle et créé un vrai désordre en instaurant des collectivités XXL, c'est-à-dire de grands cantons, de grandes intercommunalités et de grandes régions – le ministre l'a souligné lui-même.
Votre objectif est double : gommer les aspérités des lois précédentes, pour ne pas dire leurs erreurs, et favoriser une réponse de proximité, qui est demandée par de nombreux élus et citoyens. Ce n'est pas une tâche facile : toutes les associations d'élus ont des revendications légitimes mais elles restent corporatistes, ce qui complique la situation. Les réformes sont difficiles dans ce pays, tout particulièrement en matière institutionnelle.
On sait également que vous préparez un nouvel acte de décentralisation, sans chercher à provoquer, néanmoins, un « grand soir » dans ce domaine.
C'est dans ce contexte que nos débats s'inscrivent. Je dois saluer, par ailleurs, votre volonté de dialogue – nous avons pu la constater ces dernières semaines. Vous nous avez consacré du temps.
Je ne sais pas si ce projet de loi, avec les apports du Sénat et de l'Assemblée nationale, permettra de satisfaire les attentes des élus locaux et la revendication permanente, du côté des citoyens, d'une proximité plus grande.
Nous assistons depuis plusieurs décennies à la création de grandes intercommunalités, au sein desquelles les élus locaux ont senti peu à peu que leurs propres fonctions leur échappaient. La commune s'est retrouvée diluée au sein de grands ensembles et d'une organisation territoriale de plus en plus complexe. Les maires se sentent dépossédés de leurs compétences et ils rencontrent des difficultés pratiques. Dans certains cas, ils doivent parcourir plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre à une réunion : dans mon département, la Lozère, on peut mettre deux heures pour se rendre au chef-lieu d'une intercommunalité.
Il y a une contradiction : on se défie des intercommunalités, mais on comprend aussi la nécessité de se regrouper, parfois. Il est temps de redonner du sens à ce qui devait, à l'origine, assurer une meilleure coopération. On doit faciliter les échanges, encourager les accords et renforcer le dialogue afin que chaque décision soit prise dans l'intérêt de tous. Le projet de loi s'efforce de répondre à ce besoin, et nous essaierons de l'enrichir.
Je tiens également à revenir sur la notion d'engagement. Nos collectivités vivent grâce à des élus locaux dévoués qui ne réclament rien d'autre que les moyens de remplir leurs missions au service de l'intérêt général. Il ne faut pas perdre le sens de cet engagement. C'est pourquoi des mesures de soutien sont indispensables. Les aides prévues dans le cadre de ce texte, notamment en matière de garde d'enfants, sont bienvenues, et les actions de formation seront également très utiles. Par ailleurs, les maires doivent sentir que leur action n'est pas vaine. Ils doivent avoir les moyens nécessaires pour faire respecter leurs décisions. Nous souscrivons donc aux modifications concernant le pouvoir de police des maires. L'idée générale est de redonner des bases solides et un cadre pragmatique aux fonctions des élus locaux.
Je souhaite cependant émettre quelques petits bémols.
Nous saluons, bien sûr, la volonté d'augmenter les indemnités des élus locaux, mais nous restons perplexes compte tenu des moyens financiers de certaines communes.
Tel qu'il nous a été transmis par le Sénat, ce texte semble avoir pour effet de déstabiliser, une fois de plus, la répartition des compétences, ce qui ne nous paraît pas opportun.
Autre point essentiel, il faut aider les élus dans leurs fonctions. Le rescrit administratif constituera une avancée, mais je relève que la demande devra être précise et complète et qu'elle devra indiquer la ou les questions de droit évoquées. Or beaucoup de petites communes ne disposent pas d'un service juridique approprié. Je crois, par conséquent, qu'il faudrait réfléchir à d'autres possibilités afin de soutenir les élus face à l'inflation des normes, dans le cadre d'un meilleur dialogue avec l'administration. Je propose que l'on sorte du tout-contrôle administratif pour aller vers une administration d'accompagnement. C'est une révolution intellectuelle qui est loin d'être gagnée dans notre État de droit.
Je regrette, enfin, que certains de nos amendements aient été déclarés irrecevables alors qu'ils relevaient d'une vision pragmatique et pratique de la décentralisation. Nous demandions qu'il y ait une information préalable, et obligatoire, avant toute création d'une commune nouvelle, que d'anciens élus puissent servir en tant que personnalités qualifiées dans les syndicats de communes, que l'on puisse accéder à l'honorariat après seulement douze ans de mandat et que l'on améliore la procédure de communication des documents administratifs, qui est un parcours du combattant. On nous répond qu'il s'agit de cavaliers législatifs, mais où est alors la coproduction ?
Il y a aussi la question du cumul entre un mandat parlementaire et un mandat exécutif local, qui n'est pas non plus traitée dans ce texte.
Tout cela pourrait sembler assez désespérant, mais je souhaite rester positif : je salue votre volonté de corriger certaines erreurs du passé, de redonner un sens aux mandats locaux et de rendre de la liberté aux communes. Ce texte permettra de réaliser des avancées. Nous l'aborderons donc avec bienveillance tout en faisant des propositions pour l'enrichir.