Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; j'y associe les collègues du groupe d'amitié France-Haïti.
Depuis début septembre, des manifestations fortement réprimées par le régime ont fait quarante-deux morts selon l'ONU, soixante-et-onze selon les ONG. Écoles fermées, administrations à l'arrêt, quartiers sous la coupe réglée de gangs armés et tolérés par le pouvoir en place : le pays a renoué avec le chaos. On assiste, dans l'indifférence générale, à la faillite d'un système imposé de l'extérieur, à la suite de l'incapacité récurrente des gouvernements à assurer un minimum de stabilité et de prospérité.
La crise couvait depuis les désastres naturels qui ont dévasté le pays à plusieurs reprises. Elle s'est aggravée avec le scandale Petrocaribe, dans lequel le Président est soupçonné de graves détournements de fonds. Les partis d'opposition et des groupes de la société civile ont annoncé, dans la soirée du samedi 9 novembre, être parvenus à un accord pour organiser la transition politique, mais le président Jovenel Moïse reste sourd aux manifestants qui exigent son départ.
Monsieur le ministre, la semaine dernière, notre collègue George Pau-Langevin sollicitait votre réaction face à cette crise insurrectionnelle qui pousse des milliers d'habitants à l'asile. La Guyane est en première ligne et se trouve dans l'incapacité d'assumer les conséquences d'un afflux massif de population dans un contexte de fortes restrictions budgétaires. Hélas, votre réponse n'a pas été à la hauteur de nos attentes.
Il n'est pas question ici d'ingérence – d'autant plus que les Haïtiens n'en veulent pas. Mais l'on sait déjà que, sans réelle volonté des États partenaires d'accompagner le pays vers la stabilité politique, institutionnelle et sociale, la mission politique de l'ONU en Haïti ne sera qu'un coup d'épée dans l'eau. Nous avons les moyens de cette volonté. De surcroît, l'histoire est têtue et les destins croisés de la France et d'Haïti nous obligent.