Le pacte républicain est mis à mal. Les colporteurs de haine salissent les valeurs de la France, opposant telle catégorie de population à telle autre, réduisant la complexité des rapports humains dans des discours stigmatisants, binaires et simplistes. Ils sévissent quotidiennement dans les colonnes de nos journaux, sur les plateaux télé et radio, et jusque dans l'enceinte de notre assemblée. Parallèlement, la défiance à l'égard des élites politiques, intellectuelles et médiatiques de notre pays grandit au sein de la population. Le prêt-à-penser a fait son temps ; nos concitoyens en ont assez d'être infantilisés. Alors que la société se divise sur des questions aussi essentielles que l'urgence climatique, le choix de notre modèle économique ou encore le soin à apporter aux plus démunis, les faux prophètes et les fake news séduisent une partie croissante de la population.
Dans ce contexte, la mission « Culture » dont nous discutons aujourd'hui revêt plus que jamais une importance déterminante pour l'avenir de notre pays, car la culture dans ses multiples dimensions constitue un puissant rempart contre l'obscurantisme et l'ignorance. D'un point de vue politique, la culture est née avec la Révolution française de 1789. Elle est le ciment de notre République et de son contrat social ; à ce titre, elle devrait être au centre de l'action de l'État. La culture crée le commun, contribue à l'émancipation de l'être humain et l'aide à exercer pleinement sa citoyenneté. En donnant à voir la complexité du monde, dans ses aspects les plus sombres comme les plus nobles, elle permet à chacun d'élargir son horizon et de faire ses choix de manière plus éclairée. Sans la culture, la liberté reste un mot creux. Sans l'éducation populaire, il ne saurait y avoir de démocratie. C'est par l'éveil des esprits qu'on forme un peuple ; ainsi, comme le disait Victor Hugo, on peut transformer « la canaille en nation, les nations en humanité ».
Il n'est visiblement pas dans votre intention de mener une politique culturelle digne de ce nom. Cette année encore, votre Gouvernement semble déterminé à ponctionner le budget de la culture, qui, si l'on tient compte de l'inflation, connaît une baisse de 104 millions d'euros par rapport à 2019. Quels artifices vous permettent d'affirmer que le budget de la culture augmente en 2020 ? Pourquoi n'assumez-vous pas votre obsession à mener des politiques d'austérité budgétaire, même lorsque cela implique un désengagement croissant de l'État du fonctionnement de la République ?
Cela fait maintenant des décennies que la culture est livrée en pâture aux marchés financiers. Le secteur privé monopolise l'essentiel de la production et de la diffusion culturelles. Les conditions de vie des créateurs sont de plus en plus précaires. Les partenariats de mécénat ne sont jamais pérennes et ne permettront jamais aux artistes créateurs d'accéder à un véritable statut social et au régime de sécurité sociale qui l'accompagne. Nous assistons depuis trop longtemps à la marchandisation de la culture, devenue un objet de spéculation pour les uns, de pure consommation pour les autres – tout cela au détriment de sa dimension universelle et transcendante. Il est temps de bannir la compétition et de promouvoir le partage !
L'accès à la culture, sous toutes ses formes et dans sa grande diversité, est un droit inaliénable, consacré notamment par la loi de 2008 contre les discriminations. Mais en décidant de réduire de 7,28 % le montant alloué au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », par la suppression de 1 077 équivalents temps plein travaillé, vous bridez indubitablement l'exercice de ce droit.
Il nous semblerait plus pertinent de rattacher l'enseignement supérieur des arts et de la culture au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cela permettrait une meilleure lisibilité et une gestion plus cohérente du personnel enseignant, aujourd'hui tributaire du morcellement géographique structurel des pôles de gestion du ministère de la culture.
Le projet que vous nous présentez dans le cadre de la mission « Culture » est aux antipodes de la vision politique que nous défendons. Nous souhaitons que la culture soit un vecteur d'éducation populaire ; vous préférez la livrer aux marchands, qui en feront un simple objet de consommation. Nous défendons avec passion l'exception culturelle française, dont l'objectif est de soustraire la culture aux logiques économiques et financières afin de la préserver et d'en garantir l'accès le plus large possible ; vous voulez faire de la culture un support publicitaire pour exacerber la consommation. Pour ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Culture » du PLF pour 2020.