Il y a deux semaines, je vous présentais le budget de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Aujourd'hui, me voici de nouveau devant vous pour discuter ensemble de celui de la mission « Culture ». L'an prochain, l'État consacrera 15 milliards d'euros aux politiques culturelles. Les crédits budgétaires du ministère de la culture augmenteront par rapport à 2019 de 70 millions d'euros, dont 59 millions pour la mission « Culture ». Je l'ai déjà dit et je le répète : dans le contexte budgétaire actuel, c'est un véritable effort – d'ailleurs, la plupart d'entre vous l'ont reconnu et je vous en remercie. Cet effort nous oblige à la cohérence, à la transformation et aux résultats ; et pour obtenir des résultats, il faut établir des priorités. J'ai déjà énoncé mes priorités pour la mission « Médias, livre et industries culturelles » ; ce sont les mêmes pour la mission « Culture ». C'est un budget au service de l'émancipation de tous, au service de la cohésion et de l'attractivité des territoires, au service des artistes et des créateurs, et au service de notre souveraineté culturelle.
L'émancipation des citoyennes et des citoyens passe, à notre avis, d'abord par la généralisation de l'éducation artistique et culturelle – EAC. Nous en ferons une réalité pour tous les enfants et jeunes de 3 à 18 ans, comme le Président de la République s'y est engagé, grâce au fameux label « Objectif 100 % EAC » ; nous avons sur ce sujet des indicateurs que nous suivrons et que nous mettrons à la disposition du Parlement. Mais l'émancipation artistique et culturelle ne commence pas à 3 ans, et ne s'arrête pas à 18 ans ; elle s'étend tout au long de la vie et concerne l'ensemble des personnes, quels que soient leur situation, leur âge ou leur lieu de vie. Pour y parvenir, nous créerons une nouvelle direction au sein du ministère de la culture, dédiée au pilotage de la politique de transmission et d'émancipation par les arts et la culture. La mission confiée par le Premier ministre à Aurore Bergé auprès de moi nous sera, à ce titre, très utile, et je tiens à remercier Mme Bergé pour son engagement.
Cette émancipation, nous l'encourageons aussi grâce au pass culture, qui représente pour les jeunes une clé de la liberté. À l'origine, le pass culture était une idée : 500 euros à 18 ans pour accéder à des offres culturelles. Nous sommes en train d'en faire une réalité, sous la forme d'une application géolocalisée. En juin, nous avons lancé la deuxième vague d'expérimentation auprès de 150 000 jeunes. L'an prochain, 40 millions d'euros seront dédiés au projet pour multiplier le nombre de jeunes éligibles, ouvrir l'expérimentation à de nouveaux territoires et améliorer sans cesse le dispositif. Nous partageons nos résultats avec vous afin de voir si nous touchons les jeunes que nous souhaitons toucher, si les acteurs culturels sont bien mobilisés au service de cette initiative – bref, si l'objectif que nous avions en tête est bien atteint et si l'expérimentation doit être généralisée. Je constate depuis quelques semaines une véritable montée en puissance du pass culture, en matière d'adhésion des jeunes comme des acteurs culturels.
Deuxième priorité de ce budget : renforcer la cohésion et l'attractivité de nos territoires. Nous les renforcerons d'abord par des services publics culturels de proximité qu'il nous faut renouveler, moderniser, réinventer – et cela en nous appuyant sur leurs forces. Aussi, madame Rabault, alors que je vous sais très attentive aux questions culturelles, suis-je atterré par votre attaque contre les labels culturels qui sont une des grandes forces de notre politique culturelle depuis des années, une politique que la majorité que vous souteniez a elle-même consolidée avec la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine – LCAP – , texte que j'ai d'ailleurs contribué à écrire. Je ne comprends donc pas pourquoi vous critiquez le soutien du Gouvernement aux labels.
Nous n'en devons pas moins adapter certaines politiques aux nouvelles attentes de nos concitoyens, dans un environnement marqué par l'irruption du numérique. Les Micro-folies sont emblématiques de cette ambition. Nous allons accélérer leur déploiement pour atteindre mille Micro-folies d'ici à 2022. Nous concentrerons nos efforts sur les territoires les moins dotés en équipements. Cher Olivier Falorni, une étude réalisée par l'Inspection générale des affaires culturelles montre qu'il n'y a pas de déserts culturels en tant que tels. Ce serait du reste assez méprisant – je ne dis pas que telle était votre pensée, mais cette expression revient régulièrement – vis-à-vis de toutes les associations, de toutes les collectivités locales qui se battent souvent avec peu de moyens pour offrir le maximum, en matière culturelle, à leurs bénévoles, à leurs administrés. Or si nous considérons qu'il n'y a pas de déserts culturels, nous estimons – sur ce point, vous avez raison – que nous devons toujours appuyer les initiatives dans les territoires les moins dotés en équipements culturels, notamment les quartiers de la politique de la ville et les zones rurales, où nous nous fixons l'objectif d'ouvrir 200 Micro-folies.
Le ministère de la culture doit en effet mener son action au plus près de nos concitoyens, ce qui implique de transformer ses modes d'action, notamment en déconcentrant ses dispositifs. Près de soixante seront concernés en 2020, parmi lesquels la labellisation des centres culturels de rencontre, celle des villes et pays d'art et d'histoire, ou encore l'octroi des aides aux compagnies et aux festivals. C'est dans nos territoires que doivent être prises les décisions car c'est dans nos territoires que vit la culture.
J'en viens au patrimoine. En 2020, près de 1 milliard d'euros seront consacrés aux politiques en faveur des patrimoines, dont, M. Garcia l'a souligné, 63 millions d'euros de transfert de masse salariale depuis le programme 224. Ce transfert implique la responsabilisation des opérateurs du patrimoine en matière de gestion, ce qui explique la baisse apparente des crédits du programme 224 – il n'y a donc aucune contradiction. Nous entretiendrons et restaurerons nos monuments historiques grâce à des moyens en hausse de 7 millions d'euros, pour un total de 338 millions d'euros.
Nous soutiendrons les investissements du Centre des monuments nationaux, poursuivrons la montée en puissance du Fonds incitatif en faveur des communes à faibles ressources, et enfin financerons un plan de sécurité incendie pour les cathédrales classées appartenant à l'État. J'ai pris l'initiative de ce plan juste après l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Si les travaux de conservation et de restauration de cette dernière ne figurent pas au budget, c'est parce qu'ils seront intégralement financés par la souscription nationale dédiée, conformément à la loi que vous avez adoptée. À cet égard, j'ai annoncé il y a quelques semaines que plus de 922 millions d'euros de promesses de dons nous sont parvenus. Sur cette somme, 110 millions d'euros ont déjà été effectivement récoltés et 69 millions reversés à l'État. Comme j'ai plusieurs fois eu l'occasion de le souligner ici même, nous ferons preuve vis-à-vis de vous de la plus grande transparence. Je sais d'ailleurs que, conformément à l'engagement que vous aviez pris, monsieur le président Studer, une mission d'information vient d'être confiée à Brigitte Kuster et Raphaël Gérard en ce sens. Je tiens une nouvelle fois à saluer le travail réalisé par votre rapporteure Anne Brugnera pour l'adoption de ce projet de loi en un temps très contraint.
Autre grand projet de restauration patrimoniale : celle du château de Villers-Cotterêts. Comme s'y est engagé le Président de la République, nous lui rendrons sa splendeur et nous en ferons une cité internationale de la langue française.
Troisième priorité de ce budget : placer les artistes et les créateurs au coeur de nos politiques culturelles. Je veux qu'ils soient mieux accompagnés tout au long de leur parcours – objectif qu'illustre parfaitement ce budget. Les dispositifs du FONPEPS ont été simplifiés et rendus plus incitatifs, et ses moyens progresseront. Le dispositif de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée – CSG – pour les artistes-auteurs sera pérennisé. La politique des résidences sera réorientée et amplifiée.
Accompagner les créateurs tout au long de leur parcours implique de lutter contre leur précarisation – c'est le sens de la mission que j'ai confiée à Bruno Racine qui me rendra ses propositions d'ici à la fin de l'année. Cela suppose également de les accompagner dès leur formation – en 2020, nous investirons donc amplement en faveur des établissements d'enseignement supérieur du ministère. Cela suppose aussi de mettre à leur disposition des équipements adaptés – c'est pourquoi nous poursuivrons, madame Kuster, le projet de Cité du théâtre, et vous le savez, …