Intervention de Yves le Breton

Réunion du mercredi 6 novembre 2019 à 15h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Yves le Breton :

Je comprends mieux pourquoi lorsque ma nomination a été annoncée, tout le monde m'a dit : « Félicitations, et bon courage ! » On voit bien qu'il y a des préoccupations ou en tout cas des sujets d'intérêts convergents parmi les représentants de la Nation.

Sur les questions relatives au mode d'action de l'agence, je crois beaucoup au changement de méthode qui a été demandé par la représentation nationale, et sur lequel les plus hautes autorités de l'État ont pris des engagements. Ce changement de méthode est non seulement dans le discours, mais il doit être aussi dans les actes. Notamment – et cela me permet de répondre aux questions sur les moyens qui seront ceux de l'agence –, je suis évidemment soucieux de bien dépenser l'argent public. Je l'ai été en tant que représentant de l'État, je le resterai, le cas échéant, en tant que directeur général de ce nouvel établissement public. L'idée, c'est de faire mieux avec les moyens que la loi de finances nous accorde. D'où l'importance de cette nouvelle culture d'entreprise à créer et de l'intégration de l'Agence du numérique et de l'EPARECA qui ont une culture de la démarche projet et la volonté de faire aboutir les projets. Il ne s'agit pas seulement de les lancer, il faut aussi vérifier leur bon aboutissement et l'impact qu'ils ont réellement sur le territoire.

Cela me permet aussi de répondre à la question du retour sur investissement. Dans l'agence, se pose, dès le démarrage, la question de la mesure d'impact : en quoi les projets qui sont lancés vont-ils améliorer la vie des gens ? Vous me permettrez d'utiliser le terme qui court désormais dans les bureaux parisiens, celui d'une « delivery unit », c'est-à-dire d'une unité de mesure de l'impact. L'idée est de pouvoir en permanence mesurer la réalité de l'intérêt des projets que l'agence va soutenir. Cela compte beaucoup dans la méthode de travail de l'agence.

Autre aspect très important, la question du guichet unique et de la simplicité. C'est vraiment une nécessité. Quand on a été préfet pendant quelque temps, c'est une obsession : pouvoir créer de la simplicité dans un environnement qui peut parfois paraître complexe. Pour cela, il faut s'appuyer sur l'ensemble des ressources disponibles. Au niveau national, cette simplicité pourrait se concrétiser au travers des orientations qui seront données en concertation avec le conseil d'administration. Au niveau local, la concertation doit s'organiser autour du préfet du département, dans le cadre des comités de cohésion territoriale prévus par la loi, qui sont des enceintes importantes. J'insiste sur le mot « souplesse » qui a été utilisé par plusieurs d'entre vous : il faut faire en sorte que le préfet puisse adjoindre qui est nécessaire et qui sera utile à ces comités locaux. Ce peut être le représentant local de l'agence de l'eau ou de l'agence régionale de santé en fonction des projets. Je crois qu'il faut là aussi faire confiance aux territoires. C'est l'expérience que je peux tirer de ma vie professionnelle antérieure : lorsqu'on fait confiance aux territoires, on aboutit en général à des projets solides et bien aboutis.

J'en viens à la question de la méthode de travail soulevée par M. Guy Bricout, concernant l'équilibre entre les territoires. La ministre de la cohésion des territoires l'a dit à plusieurs reprises au cours des travaux parlementaires : l'un des problèmes des appels à projets ou des appels à manifestation d'intérêt, c'est qu'il y a des déçus, et de l'autre côté, des collectivités qui s'en tirent très bien – parce qu'elles ont des services, parce qu'elles sont peut-être en amont de l'information et peuvent formaliser leur projet plus vite que d'autres n'ayant pas forcément les mêmes ressources. Là aussi, l'ANCT doit apporter une valeur ajoutée. Quand on parle des territoires les plus fragiles, ce sont aussi souvent ceux qui ont un déficit en ingénierie et qu'il faut aider. Le souci de l'équilibre est donc évidemment au coeur de l'action de l'agence. Je ne doute pas, au regard de la composition de son conseil d'administration, que la question de l'équilibre entre les différentes catégories de territoires soit posée.

Un autre aspect très important est la logique de complémentarité dans laquelle s'inscrit l'agence. Des territoires se sont organisés ; certains, plus riches, ont leurs propres ressources d'ingénierie. Il faut aider les territoires qui en ont vraiment besoin. En revanche, il est important que l'offre d'ingénierie territoriale soit bien connue, et la question de son recensement est très importante. Il n'y aura pas de compétition ni de concurrence stérile entre l'ANCT et les institutions qui d'ores et déjà offrent une ingénierie aux territoires. Bien au contraire, il faut mettre en réseau l'ensemble de l'offre pour développer les projets. On est bien dans une logique de complémentarité, donc de connaissance de l'offre. Je pense que l'ANCT pourra apporter quelque chose de très concret au profit des territoires.

Concernant les moyens, la question est très simple : comment, avec 50 millions d'euros de budget et environ 330 agents, répondre à l'ensemble des défis ? La réponse est évidemment liée au changement de méthode que j'évoquais. Les ressources dont disposera l'agence ne sont pas dans le seul document budgétaire qui la concerne. Elles sont aussi dans les autres agences de l'État qui entrent dans le champ de coordination ; elles sont aussi dans un ensemble de fonds qui existent déjà au profit des territoires. L'idée, c'est de pouvoir, ensemble, mieux utiliser ces fonds – je pense notamment à l'utilisation des fonds européens qui a fait l'objet d'un travail ces dernières semaines de la part des deux chambres. Comment aider les porteurs de projets à mieux mobiliser ces fonds ? Car c'est aussi un paradoxe de voir que des projets n'arrivent pas à émerger alors même que les crédits sont disponibles. Je rappelle qu'une des institutions qui entrent dans le champ de coordination de l'agence est la Banque des territoires. Cela représente une capacité de financement au profit des projets territoriaux.

Je voudrais rassurer M. Paul-André Colombani sur la question de l'ANCT qui serait perçue comme un outil de recentralisation. Il me semble que l'ANCT est plutôt le contraire : elle concrétise l'idée d'un État qui soit au service des territoires. Cela me semble être aussi l'aboutissement de quasiment quatre décennies de décentralisation. Le préfet que j'ai été ne peut que constater que, partout aujourd'hui, l'État travaille avec les collectivités au profit des populations, chacun dans son rôle, chacun dans ses compétences, en essayant de sortir le maximum de projets.

L'association des citoyens au travers de la réserve citoyenne a été prévue expressément par le législateur : c'est un sujet auquel on va s'atteler au début de l'année 2020 pour pouvoir développer des ressources utiles.

Enfin, pour répondre à Mme Yolaine de Courson sur la première mesure à prendre – c'est toujours un geste fort quand on prend des fonctions –, j'oserais dire qu'il faut tout faire en même temps. Pour affiner, je crois qu'il y a un élément de crédibilité important pour l'agence, au-delà du fait de la faire connaître : ce sont les moyens au profit des territoires. L'engagement que je prends et auquel je suis en train de travailler, c'est de développer l'offre de l'ANCT au travers de ce qui existe déjà dans l'agence avec des emplois qui soient rapidement délocalisables. Il faut donc une offre qui puisse être rapidement connue des territoires. C'est le sujet stratégique sur lequel nous travaillons actuellement et que nous proposerons au conseil d'administration dès qu'il aura l'occasion de se réunir.

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