Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du vendredi 27 octobre 2017 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 — Avant l'article 39

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je tiens moi aussi à rassurer M. Dharréville : la pertinence des soins n'a pas pour objectif de faire des économies – cela peut en faire, parfois, mais cela peut aussi entraîner des dépenses. Ce qui compte, c'est que l'on ait prescrit le bon acte à la bonne personne et au bon moment.

Il est vrai que 30 % des prescriptions médicales, qu'il s'agisse des actes ou des médicaments, sont aujourd'hui inutiles. Je parle bien des prescriptions médicales et non des dépenses de santé dans leur globalité – comme j'ai été un peu vite hier et que M. Woerth a plaisanté à ce sujet, je précise bien que ce n'est pas 30 % de l'ONDAM qui pourrait être économisé mais 30 % des prescriptions. Un rapport de l'OCDE évoque ce phénomène pour tous les pays industrialisés. La France n'y échappe pas : selon une enquête menée auprès de la Fédération hospitalière de France, les médecins considèrent eux aussi que 30 % de leurs actes ne sont pas pertinents.

Je peux vous donner des milliers d'exemples issus de la pratique médicale où les médecins prescrivent des actes inutiles voire dangereux pour les malades. Beaucoup d'entre nous ont déjà reçu un patient se plaignant de douleurs nécessitant un scanner. En attendant de passer ce scanner deux ou trois semaines plus tard, le médecin prescrit une radio : il sait qu'elle n'apportera pas de réponse, mais cet acte permet de faire patienter le malade et de le rassurer. Voilà un acte non pertinent ! De même, beaucoup d'entre nous ont déjà vu, lors de visites à l'hôpital, des malades hospitalisés pendant une semaine, attendant un acte de chirurgie, à qui l'on faisait tous les jours des prises de sang pour justifier leur séjour hospitalier. Je pense que tous les médecins présents dans cette assemblée savent de quoi je veux parler.

La pertinence est une notion nouvelle, que personne n'a encore osé poser sur la table. Aucun malade ne se demande jamais si ce qu'on lui prescrit est pertinent ou non. Cependant, en tant que médecins, nous savons tous que de nombreux actes inutiles pourraient être évités, et que beaucoup d'entre eux sont nuisibles pour les malades et ne sont pas des actes de qualité. Nous avons des marges de progrès immenses de ce côté-là. Toute ma politique consiste donc à veiller à la pertinence des soins, pour préserver la qualité de ceux-ci et assurer le bien-être des malades à qui l'on évitera des actes inutiles.

Nous savons combien d'actes de chirurgie sont inutiles. Le jour où nous avons posé la question de la pertinence des appendicectomies, nous avons réduit de 70 % le nombre de ces actes réalisés dans notre pays, ce qui veut bien dire que tous les malades opérés n'avaient pas l'appendicite. Soyons raisonnables ! Nous avons des marges de progrès.

La politique que je mène est une politique de raison, qui ose dire les choses. Ce n'est pas une politique de restriction pour des raisons économiques.

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