Au-delà de cette culture stratégique commune, notre capacité à mobiliser autour de nous se décline au Sahel. La France continue de s'engager pour la mobilisation financière des acteurs européens et internationaux en soutien à la force conjointe G5 Sahel. Elle oeuvre aussi au renforcement des soutiens à l'opération Barkhane, avec la perspective en 2020 d'un engagement des forces spéciales de plusieurs nations européennes à nos côtés.
Il s'agit également de promouvoir le partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel (P3S) lancé par le Président de la République lors du sommet du G7 2019 qui a eu lieu du 24 au 26 août 2019 à Biarritz, afin de renforcer la coordination des appuis au profit des pays du Sahel, mais aussi des pays côtiers. Nous avons là une vision plus englobante, incluant le Bénin, le Ghana, le Togo, la Guinée, le Sénégal, et la Côte d'Ivoire.
Pour répondre aux tensions du Golfe arabo-persique, qui court un risque d'embrasement sérieux, la France a proposé à ses partenaires européens de s'engager dans une mission de surveillance maritime qui vise à affirmer collectivement notre souveraineté et notre liberté à accéder aux espaces communs et qui offre un choix complémentaire aux moyens déployés par les États-Unis. Plus largement, nous restons attentifs au dialogue avec l'Iran, afin de favoriser toutes les mesures permettant de conduire à la désescalade des tensions et au plein respect du Joint Comprehensive Plan of Action (JCPoA), sans omettre le problème sérieux posé par la prolifération des missiles.
Au Levant, nous continuerons à valoriser nos engagements militaires en développant la relation bilatérale de défense avec l'Irak, et à prendre part aux efforts menés dans le cadre de la coalition contre Daesh.
Enfin, nous restons particulièrement attentifs à l'évolution de la situation politique et sécuritaire au Maghreb en entretenant un dialogue suivi avec nos homologues du sud de la Méditerranée.
Ainsi, notre action, par l'appui d'une diplomatie de défense active, nous permet de porter une ambition singulière. Il s'agit, de mon point de vue, de desserrer l'étau des rivalités entre grandes puissances et de créer un espace où puissent se développer la souveraineté et la résilience européennes.
La France offre dans ce contexte de vrais atouts, l'appui unique d'une puissance d'équilibre – ni intimidée ni alignée – capable de dialoguer avec tous. C'est d'ailleurs le sens de la reprise récente du dialogue franc et exigeant avec la Russie autour du Conseil de coopération sur les questions de sécurité (CCQS), telle que souhaitée par le Président de la République.
Explorer les voies de rapprochement permettant de recréer graduellement la confiance avec Moscou, rechercher la coopération autant que possible sur les théâtres de crise – Ukraine, conflits gelés, Syrie, Libye, République centrafricaine – et éviter que l'Europe ne soit le théâtre d'une nouvelle course aux armements à laquelle ni Moscou ni l'Europe n'ont intérêt, en examinant la possibilité de construire à long terme de manière graduelle, collective, une nouvelle architecture de confiance et de sécurité partagée à tout le continent européen – tels sont les objectifs poursuivis.
Je voudrais terminer enfin en soulignant que, si la France a des capacités de défense crédibles et dispose toujours de la dissuasion pour ses intérêts vitaux, elle n'en a pas moins besoin de pouvoir aussi compter sur celles de ses alliés et partenaires, y compris au-delà du premier cercle des partenaires européens et transatlantiques que je mentionnais jusqu'ici.
Ainsi, dans l'espace Indopacifique, l'intensification de nos partenariats stratégiques noués avec l'Inde, le Japon, l'Australie, avec lesquels nous avons des coopérations industrielles et militaires de haut niveau et nous investissons dans le domaine de la sécurité maritime, est souhaitable. Ces partenariats doivent nous aider à assurer la stabilité d'une région dont nous sommes riverains et acteurs, et où les défis sont nombreux. Nous avons l'intention d'accroître nos efforts avec des partenaires clés en Asie du sud-est comme la Malaisie, Singapour ou l'Indonésie.
Nous porterons aussi nos efforts sur le Pacifique sud, où nous sommes très attendus, de la part notamment de la Nouvelle-Zélande en matière d'anticipation sécuritaire environnementale.
J'indique tout cela avec, en toile de fond, le besoin constant de continuer à approfondir le dialogue de défense avec la Chine – un dialogue exigeant, indispensable, afin de limiter les incompréhensions porteuses de risques, tout en conservant la réciprocité au coeur de nos relations bilatérales.
J'ai la conviction, un an après ma prise de fonction à la tête de la DGRIS, qu'il faut saisir la complexité de ce monde multipolaire, l'importance des multiples champs de la conflictualité et l'intrication des enjeux pour mener une action efficace.
La France dispose d'une position tout à fait singulière et d'une grande légitimité en matière de défense, mais elle ne peut pas répondre seule à la multiplicité et au durcissement des crises. Elle doit rester capable de fédérer politiquement et, le cas échéant, militairement et opérationnellement les soutiens indispensables à son action et à la promotion de l'Europe de la défense.
C'est par la transversalité et l'expertise qu'elle apporte que la DGRIS peut, je l'espère, y contribuer.