Le Premier ministre japonais Shinzō Abe a fait le choix complexe, dans un environnement difficile marqué par la crise de prolifération en Corée du Nord, par des relations de plus en plus tendues avec la Corée du Sud, par la recherche d'un dialogue avec la Russie, et par des liens historiquement difficiles avec la Chine, de tenter de conforter autant que possible le lien avec les États-Unis et le parapluie américain. Mais, conscient que celui-ci ne peut représenter l'alpha et l'oméga de la défense du Japon, il recherche également une capacité à s'investir davantage dans les questions de défense et à jouer un rôle, dans le respect de la constitution japonaise qui demeure pour l'instant telle qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Ce contexte offre de multiples opportunités à la relation de défense franco-japonaise. Le Japon trouve en effet auprès de la France un interlocuteur de qualité pour aborder l'ensemble des enjeux stratégiques qui se posent. La France est aussi un acteur de la résolution de la crise nucléaire nord-coréenne en réaffirmant régulièrement, y compris au Conseil de sécurité des Nations unies, le besoin de parvenir à la dénucléarisation internationalement vérifiable, complète et irréversible du programme nord-coréen – mais aussi des autres éléments de ce programme, qu'ils soient chimiques ou biologiques, pour lesquels les soupçons perdurent.
Par ailleurs, notre capacité à nous affirmer de manière autonome offre aussi la possibilité d'échanger avec le Japon sur de multiples autres sujets comme l'espace, l'intelligence artificielle ou le cyber. De nombreux contacts entre les responsables et experts concernés des deux administrations sont d'ailleurs envisagés.
Un dialogue sur l'Indopacifique prend également forme, ce qui me paraît très prometteur, y compris pour faire converger nos visions sur la stabilité stratégique en Europe et en Asie et en tirer des leçons.
Au-delà de cela, nous avons un dialogue sur la sécurité maritime qui est extrêmement fructueux et ne cesse de gagner en substance.
La coopération opérationnelle et militaire entre nos deux pays est également très dense. De très nombreuses activités ont pris forme et se poursuivront au cours des années à venir.
Le seul bémol de l'équation pour l'instant est que le Japon reste très fermé sur le plan technologique. La coopération d'armement peine donc à se formaliser, même si nous continuons à y accorder une grande importance dans notre dialogue bilatéral.
J'en viens à présent à la question relative à l'opération Sophia. À travers cette opération, s'est illustrée une crise politique entre pays européens, notamment entre la France et l'Italie, qui n'avait eu que des impacts négatifs.
Aujourd'hui, c'est avec grand intérêt que nous voyons la relation bilatérale avec l'Italie se redresser. Les derniers entretiens entre le Président de la République et le Premier ministre Giuseppe Conte sont prometteurs.
Je pense qu'il est nécessaire, pour aborder les sujets de migration, de surveillance des embargos sur les armes en mer Méditerranée et faire face plus largement à tous les enjeux présentés par la densification et le durcissement des interactions militaires dans cette zone, que les Européens soient solidaires.
Cette solidarité a été mise à mal dans le cadre de l'opération Sophia, sur la question des ports de débarquement des migrants. Pour l'instant, l'opération perdure sur un mandat dégradé. Il est indispensable que les échanges se poursuivent, comme cela a été fait au niveau des ministres de l'Intérieur, ainsi qu'un accord récent a pu le refléter, et qu'une solution soit trouvée pour que l'opération Sophia puisse se poursuivre dans son mandat naval. La France continuera à suivre cet effort de très près.
Concernant la coopération avec nos amis allemands autour du MGCS, le remplacement des chars de combat et les futurs systèmes d'artillerie faisant l'objet de ce projet structurant majeur ont été liés pour partie par Berlin à l'autre projet structurant issu de la lettre d'intention de Meseberg qui est le SCAF.
C'est cette copie complète que les Allemands conservent en tête, y compris dans les équilibres industriels, avec des logiques nationales industrielles, économiques et aussi d'arbitrage des rapports entre les composantes politiques au sein du Parlement allemand qui pèsent sur l'avancée de ces projets.
Nous poursuivons les efforts pour obtenir le lancement effectif de la phase de démonstration technologique du MGCS au deuxième semestre 2019. Les discussions sur l'organisation industrielle sont encore en cours entre le Délégué général pour l'armement français, M. Joël Barre, et son homologue allemand.
Nous avons une occasion unique constituée par la tenue prochaine du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité (CFADS) et du Conseil des ministres franco-allemand (CMFA) le 16 octobre, pour porter à haut niveau ces questions et faire en sorte que ces projets soient bien traités.
Il y a un véritable enjeu autour de la capacité du Bundestag à libérer le moment venu les financements nécessaires, sans en faire l'occasion de préconditions additionnelles, pour ces deux projets structurants.
Il est important également que Berlin prenne conscience du fait que, nonobstant l'importance que nous accordons à ces projets pour nos armées, nous ne sommes pas dans une urgence telle qu'ils pourraient se sentir disposer d'un levier spécifique à notre encontre. Nous devons garder un rapport de forces équilibré dans cette négociation, qui est au bénéfice commun de nos industries et reflète, espérons-le, l'état d'esprit de confiance porté par le traité d'Aix-la-Chapelle. Ce n'est donc pas un processus linéaire, mais nous y sommes totalement engagés.
Sur le contrôle des exportations d'armements, il est évident que si nous développons de tels projets, il nous faut pouvoir les exporter dans le respect des règles strictes en vigueur et des exigences qui sont les nôtres.
L'accord Debré-Schmidt que nous avions noué avec l'Allemagne ne donnait pas toutes les garanties nécessaires pour avancer en ce sens. Comme vous le savez, des négociations complémentaires ont été engagées sur une clause de minimis et la possibilité de sécuriser pour l'avenir un chemin satisfaisant d'exportabilité de nos systèmes.
Nous travaillons afin que des progrès tangibles puissent être matérialisés et rendus publics le 16 octobre prochain.
Enfin, je me permets de solliciter des précisions sur la question portant sur la notion de protection de l'exception culturelle française et de la francophonie.