Intervention de Valérie Gomez-Bassac

Réunion du mardi 12 novembre 2019 à 17h20
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Gomez-Bassac :

Je ne ferai pas de résumé de mon rapport, mais présenterai le cheminement qui m'a conduit à faire certaines propositions.

La genèse du rapport est liée aux consultations citoyennes pour l'Europe, qui ont permis de faire émerger les problèmes de la difficulté de l'accès aux règles de droit et du manque d'harmonisation du droit des affaires, qui conduisent au blocage des projets de développement en Europe de certaines entreprises. Le rapport a été conçu au terme de deux mois et demi d'auditions menées à Paris et dans cinq autres capitales européennes. Je tiens à préciser que je l'ai réalisé seule, avec la précieuse aide de mes collaborateurs.

Le premier constat est celui de l'absence de marché économique européen unifié : il y a autant de marchés que d'États membres. Le manque d'unification et les barrières réglementaires créent de l'insécurité juridique et sont autant de freins pour le développement des entreprises. Pourquoi l'harmonisation n'a-t-elle pas réussi en Europe, alors que certains États africains sont parvenus à établir un code unifié dans le cadre de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires – OHADA ? De même, les États-Unis disposent d'un code de commerce unifié, dans une organisation politique pourtant fédérale.

Il faut tirer les enseignements des échecs de l'Europe, qui a déjà essayé d'avancer en la matière : je pense notamment aux projets de droit européen des contrats et de société privée européenne. Force est de constater que la notion de « code européen des affaires » fait peur : les acteurs ne sont pas prêts à écarter les droits nationaux. Le droit national reste le fondement de tous les droits. Cependant, il y a une prise de conscience qu'il faut avancer étape par étape sur le sujet pour avoir des perspectives de développement sur le marché.

La notion de « code » doit être conservée, car elle est rassurante. En revanche, il convient de supprimer la notion « d'affaires », qui a une connotation négative. Il vaut mieux retenir l'expression « d'activités économiques », qui fait référence à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et permet de s'adresser à l'ensemble des entreprises, y compris les plus petites, dans tous les secteurs.

Le rapport s'articule autour de trois axes. Premièrement, il faut procéder à une « codification-compilation » du droit existant – règlement, directives, et état des transpositions dans chaque État membre –, en s'appuyant notamment sur les travaux de l'association Henri Capitant. Toutes les entreprises auront ainsi accès au droit existant. Pour l'heure, Eur-lex est encore très difficile à exploiter, et il n'y a pas d'outils comme Légifrance. Il faut procéder étape par étape, en identifiant ce qui n'est plus à jour et en commençant par les matières les plus consensuelles, comme le droit de la distribution.

Deuxièmement, il convient de procéder à une « codification-modification » pour harmoniser les règles par secteur d'activité. Ce projet doit fournir le plus rapidement possible des outils au service notamment des petites entreprises, car elles sont bloquées sur le marché européen.

Troisièmement, je propose un package, c'est-à-dire une forme juridique correspondant à une société par action simplifiée européenne, à laquelle seraient rattachés différents types de contrats – contrats de bail, contrats d'assurance, contrats de vente,… – répondant aux mêmes règles partout en Europe. Peu importe son nom : les Allemands préféreraient la notion de « société de personnes », pour souligner le caractère familial et la souplesse du dispositif.

À terme, l'objectif est de parvenir à une harmonisation complète du droit européen des activités économiques, mais il convient de procéder étape par étape, en privilégiant une approche bottom-up : la mise en oeuvre de chaque étape doit être confiée à des comités associant des acteurs économiques, des universitaires, des politiques, et des praticiens.

Je ne suis pas rentrée dans la technique juridique, car ce n'est pas la priorité et je ne voulais pas donner l'impression d'imposer des solutions : il faut une co-construction et une impulsion politique. Le projet sera ouvert à tous les États membres, mais le couple franco-allemand est un moteur. Tous les outils sont disponibles, à commencer par le Traité d'Aix-la-Chapelle et l'Assemblée franco-allemande. Les parlementaires et les ministères de nos deux pays sont prêts. Il faut être ambitieux, mais pas trop : il convient de commencer par un sujet positif, pour aller plus loin et plus vite, en créant des outils pratiques pour toutes les entreprises, y compris les plus petites. Il y a urgence à agir en ce sens. Tous les acteurs sont prêts à reprendre les négociations, après les échecs des projets précédents, qui ne concernaient que les plus grosses entreprises et avaient été lancés dans des moments peu favorables au succès des initiatives.

Le contexte actuel est favorable à un tel projet : la Commission et le Parlement européen débutent un nouveau mandat, et l'Allemagne s'apprête à prendre bientôt la présidence du Conseil. Les enjeux sont de taille : selon une étude de France Stratégie, l'harmonisation du droit des affaires au niveau européen devrait permettre une augmentation de 40 % du volume d'échanges commerciaux entre États membres, et de près de 14 % le revenu moyen par habitant dans l'Union européenne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.