Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mardi 12 novembre 2019 à 17h20
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli, référente de la commission des Lois :

Comme Coralie Dubost l'a indiqué, cela fait bientôt cinq ans que la stratégie de l'Union visant à lutter contre le terrorisme a été révisée, et je me rappelle les différents rapports que nous avons eu à examiner, par exemple sur le parquet européen ou Europol. Nous sommes toutes deux très déçues de constater que le contrôle parlementaire d'Europol ne progresse pas.

Au-delà du travail de la Commission européenne, du Parlement européen et de notre commission, je souhaite évoquer celui du Conseil de l'Europe.

Dans le cadre de mon mandat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai souhaité travailler sur le sujet des victimes du terrorisme. L'Assemblée parlementaire a adopté à l'unanimité de ses quarante-sept membres une résolution sur la prise en charge des victimes de ces attaques. Il y a une continuité avec la question de la radicalisation et des conditions de sa diffusion. Ce sujet dépasse les frontières des 28. La résolution de l'APCE met notamment l'accent sur le rôle des « contre-discours » face au terrorisme : il faut sensibiliser le public aux risques des discours de haine, en particulier sur les réseaux sociaux.

La prévention est un des quatre piliers de la stratégie de 2014 contre le terrorisme. La même année, la stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes a également été révisée. Cette stratégie affirme la nécessité de lutter contre les contenus terroristes sur internet, afin de prévenir l'utilisation des réseaux sociaux comme « camps d'entraînement virtuels ».

Plusieurs actions ont été entreprises :

– un code de conduite a été signé le 31 mai 2016 entre la Commission et les cinq opérateurs techniques majeurs (notamment Twitter et Facebook) ;

– la Commission a émis une recommandation en mars 2018 demandant aux opérateurs de retirer les contenus illicites en ligne dans un délai maximum d'une heure après notification.

L'étude d'impact menée par la Commission a conclu qu'il était opportun de légiférer ; une proposition de règlement est donc en cours d'adoption. Nous pensons qu'il est de bonne méthode de renforcer l'arsenal juridique européen contre les contenus terroristes, tout en maintenant des garanties élevées de protection des droits fondamentaux.

Le deuxième axe est la lutte contre le blanchiment d'argent. Il s'agit d'un enjeu central au niveau européen, puisque les avoirs financiers des groupes criminels ont aussi une dimension transfrontalière.

La cinquième directive « anti-blanchiment » révisée a été adoptée le 14 mai 2018, ce qui montre l'importance et l'actualité du sujet. Ce fondement juridique permet à la Commission de recenser les pays tiers à haut risque en matière de blanchiment et de financement du terrorisme. Nous souhaitons attirer l'attention sur un point précis. Depuis 2010, un accord entre l'Union européenne et les États-Unis sur le traitement et le transfert de données de messagerie financière (TFTP) aux fins du programme de surveillance du terrorisme permet aux pays européens d'accéder à des informations sur les virements interbancaires. Ce programme de surveillance américain a été mis en place après les attentats de 2001. Le réexamen de cet accord, conduit en 2017 par la Commission, a conclu à son utilité. Le TFTP est considéré comme efficace dans la mesure où il aide à identifier et à surveiller les terroristes et leurs réseaux de soutien dans le monde entier. Toutefois, les États membres s'interrogent actuellement sur l'opportunité de doter l'Union européenne de son propre outil. La création d'un Terrorist financing tracking system serait, pour l'Union européenne, une solution pérenne d'exploitation des données interbancaires sans avoir à passer par le système américain.

Enfin, pour prolonger le sujet par la question des échanges de données, nous souhaitons dire quelques mots de la directive « PNR » de 2016. Ce texte, qui a beaucoup fait parler de lui, réglemente l'utilisation des données des dossiers de passagers aériens dans l'Union européenne. Les données PNR recueillies ne peuvent être traitées qu'aux fins de la prévention et de la détection des infractions terroristes et des formes graves de criminalité. D'abord, il faut rappeler que l'utilité de ce texte se fonde, encore une fois, sur le fait que le terrorisme s'accompagne souvent de déplacements internationaux. C'est le partage d'informations qui fait la force d'un tel fichier. Ensuite, il faut dire que le PNR est perçu comme utile pour détecter les personnes recherchées. Toutefois, il manque au niveau européen une réelle évaluation de ce dispositif.

En conclusion, il faut rappeler que les parlements nationaux, qui décident des moyens budgétaires utiles, ont une vision concrète. Leurs membres doivent répondre devant leurs concitoyens des mesures prises à un autre niveau ; pour cela, ils doivent être mieux informés du suivi des dispositifs engagés.

Je suggère que notre commission puisse rappeler, lors de prochains travaux, la nécessité d'une information régulière des parlements nationaux, sous la forme d'un suivi spécifique des travaux menés et des moyens affectés dans le domaine de la sécurité au plan européen, domaine de compétences partagées entre les États et l'Union.

L'évaluation politique et systématique des dispositifs implique peu les parlementaires nationaux, ce qui pourrait donner du grain à moudre à la commission des Affaires européennes dans le futur pour assurer la fonction de contrôle que nous chérissons. Nous aurons donc grand intérêt à évoquer à nouveau ces sujets avec vous.

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