C'est une réforme importante que celle dont nous discutons là, puisque c'est, d'une part, le basculement dans une nouvelle ère – celle du numérique, avec ce qu'elle signifie en termes de progrès formidable d'accès à la jurisprudence – et, d'autre part, un moyen de rétablir ou de renforcer la confiance que les citoyens peuvent porter à la justice, en assurant un accès partagé et élargi aux décisions de justice.
Évidemment, des interrogations demeurent. Vous les avez dites l'une et l'autre avec des termes différents. Nous voyons bien les avantages de l'open data des décisions de justice, qui sont de la confiance et de la transparence, mais les risques qui peuvent en découler sont également très clairs. Ils résultent notamment des analyses qui seraient faites de ces jurisprudences, d'une forme de justice prédictive, de ce dont parlait Mme Paula Forteza : le forum shopping, ou encore le classement des magistrats, si je puis m'exprimer ainsi – classement qui pourrait emporter des enjeux économiques importants.
De très nombreux travaux ont été effectués sur ce sujet. Le professeur Loïc Cadiet m'a remis un rapport il y a quelques mois. Le Gouvernement a cherché, également grâce à vos apports, un équilibre entre la transparence et la publicité, d'une part, pour les raisons que je disais précédemment, mais aussi la protection des personnes physiques, qu'il s'agisse des parties, des tiers ou des magistrats et des personnels de la justice. L'équilibre a été, je crois, trouvé sur la base de deux principes, qui concerneront des acteurs différents. Pour les acteurs du droit, c'est le principe de la publicité, avec toutefois des exceptions, circonscrites aux risques d'atteintes à la vie privée ou à la sécurité de ces personnes. Dans ce cas, l'anonymisation sera possible. Cela vaut pour les magistrats, pour les greffiers, etc. Pour les parties et pour les tiers, le principe en vigueur sera, au contraire, celui de l'anonymisation. En effet, le souci de protection de la vie privée doit être systématique. Elle cédera lorsque des copies papier seront remises aux personnes concernées, où leur nom pourra apparaître.
Telle est, globalement, l'économie des amendements que vous avez proposés. L'enjeu est pour nous extrêmement important, à la fois en termes de souveraineté – on ne peut pas laisser partir dans l'open data l'ensemble de nos décisions de justice sans réfléchir aux conséquences – et d'attractivité du droit français. C'est parce que nos politiques jurisprudentielles seront connues que l'attractivité du droit français – qui n'est pas un élément mineur – sera renforcée.
J'émets donc un avis favorable à l'amendement CL914.