Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du lundi 18 novembre 2019 à 16h00
Engagement dans la vie locale et proximité de l'action publique — Présentation

Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales :

Le Gouvernement a donc travaillé avec les députés, dans un esprit de responsabilité, pour trouver une meilleure rédaction, sans balayer d'un revers de main les propositions sénatoriales, comme certains peuvent le prétendre. Nous aurons ce débat.

S'agissant de l'eau et de l'assainissement, les Français, et pas seulement nos collègues élus locaux, nous regardent. Ils veulent être certains qu'ils auront de l'eau au robinet demain et après-demain, dans un contexte de changement climatique difficile. Bon nombre de communes ont besoin de la solidarité des autres pour faire face au mur d'investissement qui les attendent, car certaines n'ont pas ou n'auront plus, demain, de source d'eau potable. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la commission du développement durable s'est saisie de cet article : l'enjeu est immense !

Pensons aux agriculteurs des régions sèches de notre pays, les derniers servis, après l'eau potable, mais les premiers à être punis dans un système où les fuites d'eau se généraliseraient. Le retour aux compétences optionnelles pour l'eau et l'assainissement, que le Sénat a voté et sur lequel vous êtes revenus en commission, n'est donc pas une bonne nouvelle écologique. Elle représente surtout une souplesse en trompe-l'oeil pour les élus. Quatre ans après l'adoption de la loi NOTRe, des schémas d'interconnexions ont été réalisés et les prix ont été alignés.

La délégation offre une vraie souplesse. Elle est une grande innovation, tant sur le plan juridique que pratique, notamment pour les EPCI les plus étendus ou les zones de montagne. Elle permet à un maire de retrouver la maîtrise du prix de l'eau, de ses équipes et même du choix de ses référents. C'est une mesure de responsabilité, puisque rien de plus que le nécessaire n'est exigé : apporter la preuve que la commune qui gère elle-même saura faire face à ses investissements et surtout qu'elle ne manquera pas à son devoir de solidarité envers les autres communes.

Je soutiens donc la rédaction adoptée en commission des lois, qui va même jusqu'à étendre la délégation – dont je me réjouis – aux petits syndicats de communes, qui ont fait leurs preuves et sont populaires en milieu rural, et à la compétence gestion des eaux pluviales.

Par ailleurs, je réitère mon engagement à neutraliser le CIF des intercommunalités qui délégueraient l'eau et l'assainissement aux communes, dans la mesure où l'EPCI reste propriétaire de ces compétences. Vous comprenez que cet avantage financier est impossible dans une situation de compétence facultative ou optionnelle, où l'intercommunalité ne joue plus aucun rôle. C'est précisément l'intérêt de notre innovation.

Concernant la suppression des compétences optionnelles, franchement, les critiques concernant la complexité et le manque de lisibilité de l'architecture actuelle sont fondées : compétences facultatives, compétences optionnelles, compétences obligatoires… Pour autant, faut-il tout supprimer ? En tant qu'ancien maire de Vernon, j'ai connu un mandat marqué par les changements de périmètres, les remontées de compétences et des dizaines d'heures en CLECT – commission locale d'évaluation des charges transférées. J'ai bien compris également que les élus, qui se préparent à repartir pour un mandat, avaient besoin de stabilité.

D'ailleurs, la suppression des compétences optionnelles n'a pas été évoquée en tant que telle lors du grand débat national et ne figure que dans très peu de courriers. Les élus locaux veulent du concret et de l'opérationnel ; nous y répondons avec notre mesure relative à l'eau et à l'assainissement. Du reste, en commission des lois, tous les groupes ont voté la suppression de cet article. Je proposerai, là encore, une mesure de compromis et surtout de bon sens, en abaissant de trois à un le nombre de compétences optionnelles devant être exercées par les communautés de communes et les communautés d'agglomération. Cette mesure garantit une véritable stabilité en stoppant l'intégration forcée telle qu'imaginée par la loi NOTRe : une page se tourne.

Concernant la possibilité d'un transfert à la carte des compétences facultatives à l'EPCI, je comprends votre proposition, pleine de bon sens : laissons les communes s'organiser comme elles le veulent. Toutefois, nous ne pouvons éluder certaines difficultés pratiques. Le Gouvernement n'est pas le seul à les avoir remarquées puisqu'une grande majorité des groupes, à l'Assemblée nationale, a pointé, en commission, que la rédaction sénatoriale n'aurait pas du tout fonctionné dans les faits.

Premièrement, s'agissant de la lisibilité, dans un EPCI, certaines communes auront la compétence en propre tandis que d'autres la perdront au profit de l'EPCI. Cet aspect peut être admis, mais ne perdons pas nos concitoyens dans la bataille.

Deuxièmement – et c'est sans doute le plus important – , s'agissant de la gouvernance, si l'EPCI exerce une compétence pour 20 % des communes membres, les 80 % restantes auront-elles le droit de se prononcer au conseil communautaire pour influer sur une décision qui ne les concerne pas ou plus ? Le sujet n'est pas anodin ; je sais déjà qu'il sera source de trouble et de peurs.

Là encore, dans un esprit de coconstruction, le rapporteur et le groupe La République en marche proposent un amendement de compromis qui tend à définir plus précisément le niveau auquel un équipement ou une compétence facultative peut être géré : la commune ou l'intercommunalité. L'idée d'une intercommunalité à la carte est conservée – contrairement à ce que j'ai pu lire ce matin dans une gazette – mais ses conditions sont correctement rédigées, ce qui est la moindre des choses.

Quant à la procédure de restitution des compétences, cette disposition, que l'on peut saluer au nom de la clarté du droit, permettra de codifier les procédures lorsque des communes veulent récupérer une compétence transférée.

Je conclurai en soulignant les apports importants de la commission des lois, si sa présidente et le rapporteur me le permettent.

Concernant la parité, d'abord, l'abaissement du seuil du scrutin de liste à 500 habitants est une étape importante. Cette mesure entrera en vigueur en 2026, ce qui laisse le temps aux élus de se préparer. Il était important qu'un texte relatif à l'engagement aborde la question de la parité, et je remercie tous les parlementaires qui se sont impliqués à ce sujet. Nous examinerons, tout à l'heure, d'autres amendements qui permettent d'avancer à ce sujet dans le pacte de gouvernance.

À propos des élus au sein de l'entreprise, ensuite, un amendement de Sacha Houlié a permis d'étendre le principe de non-discrimination accordé par le code du travail aux salariés en matière d'embauche, de formation ou encore de licenciement aux titulaires d'un mandat électif local, afin d'améliorer la protection des élus salariés. Le droit réel ainsi créé servira de base juridique applicable devant le conseil des prud'hommes.

Et puis, en matière de liberté, je relève la possibilité d'organiser des visioconférences dans les EPCI, ce qui était attendu.

Enfin, la commission des lois est revenue sur une mesure sénatoriale étonnante car néfaste, me semble-t-il, pour les communes rurales : le scrutin de liste bloqué dans les EPCI. Certains défendent la ruralité dans le journal mais votent des amendements curieux. La commission des lois a accepté de revenir sur cette mauvaise innovation qui aurait progressivement transformé les intercommunalités en grosses collectivités territoriales et aurait écarté les élus ruraux au profit des élus urbains. Je me suis étonné que la majorité sénatoriale s'arc-boute sur cette disposition, et je me réjouis que tous les groupes de l'Assemblée nationale, à l'unanimité, aient décidé de mettre fin à cette disposition « ruralicide » du Sénat – une fois n'est pas coutume.

Le texte continuera d'être enrichi tout au long de nos débats de la semaine pour envoyer un signal fort aux élus locaux, je m'en réjouis. Nous devons aboutir au texte le plus équilibré et consensuel possible. Merci à tous pour vos contributions. Les élus locaux le méritent !

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