Ma prise de parole aujourd'hui est empreinte d'une forte émotion, car mes pensées vont en ce moment à l'ensemble de nos soldats morts en opérations ces dernières années, et notamment au dernier d'entre eux, l'adjudant-chef Stéphane Grenier, du 13e régiment de dragons parachutistes, qui a trouvé la mort au Levant, le 23 septembre dernier. Qu'il me soit permis d'adresser en notre nom à tous nos plus chaleureuses pensées de solidarité à sa famille. À travers lui, c'est à l'ensemble du monde combattant que nous souhaitons rendre hommage, anciens combattants d'hier et d'aujourd'hui, conjoints survivants, victimes d'actes de terrorisme, pupilles de la Nation.
Sans revenir en détail sur les dispositions du projet de loi de finances relatives à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », il convient de rappeler que si le projet de budget pour 2018 est en diminution par rapport à l'an passé, en raison de l'attrition naturelle du nombre de bénéficiaires des dispositifs de reconnaissance et de réparation, il consolide leurs droits en maintenant l'ensemble de ces derniers.
Notons que ce budget est organisé autour du triptyque suivant : conforter les dispositifs de reconnaissance et de réparation ; corriger certaines inégalités issues du passé ; concevoir l'avenir des politiques publiques concernées par les crédits de la mission.
L'intégralité des dispositifs de reconnaissance et de réparation est maintenue. À ce titre, qu'il me soit permis de saluer la décision du Gouvernement et de la majorité présidentielle d'avoir confirmé l'augmentation de deux points de la retraite du combattant au 1er septembre 2017, décidée sous la précédente législature. Aujourd'hui, le montant annuel de cette retraite s'établit à 748,80, ce qui constitue une sensible augmentation.
Deux mesures nouvelles viennent ensuite corriger certaines inégalités issues du passé.
Enfin, tourné vers l'avenir, le budget intègre la modernisation des opérateurs du monde combattant, notamment l'Institution nationale des Invalides, engagée dans une profonde transformation au service de nos blessés. Grâce à une substantielle augmentation des crédits consacrés à la politique de mémoire, il prépare également la dernière année du cycle du Centenaire.
Néanmoins, madame la ministre, permettez-moi de vous adresser quelques questions.
La première concerne les dispositifs de reconnaissance et de réparation. Il est bien entendu essentiel de conserver l'équilibre général du droit à réparation, issu de la Première Guerre mondiale et maintes fois complété depuis lors. Toutefois certains points continuent de faire débat. Il en est ainsi de la question de l'extension du bénéfice de la carte du combattant aux militaires déployés en Afrique du Nord après le 2 juillet 1962, des conjoints survivants des invalides de guerre, ou encore de la question de la demi-part fiscale. Mon propos aurait aussi pu porter sur le fameux « rapport constant » ou la campagne double.
La complexité de ces dossiers ne m'échappe point, mais il me semble toutefois que l'année 2018, dernière année du cycle du Centenaire, pourrait être l'occasion de prendre le temps d'analyser l'efficience des dispositifs existants, d'identifier les lacunes du droit et de proposer une rénovation d'un certain nombre de ces dispositifs, au bénéfice des ressortissants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Pensez-vous qu'une telle étude pourrait être conduite, et qu'il soit pertinent de remettre les choses à plat, en lien évidemment avec les associations représentatives du monde combattant ?
Ma deuxième question porte sur la politique de mémoire. L'année 2018 sera marquée par la commémoration du centenaire du 11 novembre 1918. Cet événement marquant, essentiel pour notre pays, devra faire l'objet de cérémonies dont les modalités restent à déterminer. Toutefois, j'attire votre attention sur un autre enjeu mémoriel, qui ne doit pas être négligé durant cette année très orientée sur la mémoire de la Grande Guerre. : les OPEX.
Nous savons que sera notamment commémoré le quarantième anniversaire de l'engagement de la France au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL). Mais, au-delà, l'année 2018 sera aussi celle de la commémoration des dix ans de l'embuscade d'Uzbin, en Afghanistan, en août 2008, embuscade qui provoqua la mort de dix soldats français ainsi que celle d'un interprète afghan, tandis que vingt et un soldats français et deux soldats de l'armée afghane étaient blessés. Quel sera le dispositif retenu pour la commémoration d'un événement dont les répercussions dans notre pays furent fortes, l'ensemble de nos concitoyens prenant soudainement conscience que l'on mourrait encore à la guerre ?
Enfin, comment ne pas dire un mot du monument OPEX ? S'il est pour l'heure simplement préoccupant de voir la réalisation de ce monument à l'arrêt, un tel dédain sera bientôt indigne.
Qu'il me soit permis enfin de vous interroger sur un sujet qui m'est cher, et auquel j'ai consacré la partie thématique de mon rapport : je parle du Bleuet de France. Fleur du souvenir portée en l'honneur de tous les morts pour la France, d'hier et d'aujourd'hui, des militaires blessés, des victimes d'actes de terrorisme et des pupilles de la Nation, le Bleuet de France demeure encore trop confidentiel, alors que le niveau d'engagement des forces armées comme la recrudescence des actes de terrorisme sur le territoire national ou à l'étranger rendent l'hommage de la nation aux victimes militaires ou civiles pleinement actuel. J'ai avancé quelques pistes dans mon rapport, mais que comptez-vous faire, pour mieux diffuser le Bleuet de France afin que la population française s'approprie pleinement ce symbole, dont je constate avec plaisir que nombre de mes collègues l'arborent aujourd'hui ?