Merci, monsieur le président, d'avoir ainsi dressé mon portrait, mais aussi d'avoir rappelé les priorités et les objectifs du Gouvernement.
Je voudrais, en introduction, vous présenter quatre grandes thématiques, en commençant par la thématique économique.
Tout d'abord, l'économie traditionnelle se transforme. MM. Bruno Le Maire, Benjamin Griveaux et moi-même avons fait des annonces hier sur la transformation numérique de nos TPE et PME. C'est un sujet sur lequel j'ai beaucoup insisté lorsque j'étais président du Conseil national du numérique : il concerne près de 3 millions d'entreprises, la moitié des emplois en France et en particulier 80 % des emplois qui ne sont pas situés dans une grande ville. Si ces TPE et PME ne réussissent pas leur transformation numérique, ce sont tous ces emplois que nous mettons en danger ; cela ne fait pas partie du schéma citoyen, territorial et national auquel nous appelons. C'est pourquoi il est essentiel de les accompagner.
Nous avons notamment annoncé hier la nomination de M. Philippe Arraou, ancien président de l'ordre des experts-comptables et premier partenaire du plan Croissance connectée, élaboré par le Conseil national du numérique. Il était à l'époque particulièrement investi dans la transformation numérique de ses clients, et il a accepté de conduire une mission sur ce sujet.
Depuis la nomination du Gouvernement, j'ai travaillé avec la direction générale des entreprises pour mettre en place un dispositif qui permettra de présenter à des entreprises que nous aurons identifiées des « premiers pas numériques » et les solutions de financement correspondantes. Notre ambition, c'est de simplifier ces débuts numériques ; je serai fier de revenir devant vous dans un an ou deux pour vous annoncer qu'un million ou deux millions de TPE et PME ont fait ces premiers pas. L'idée n'est pas que toutes les PME se mettent au blockchain et se lancent dans la vente d'objets connectés en Chine, mais de les aider à être simplement présentes en ligne et à mettre leurs catalogues à disposition des clients de leur territoire. De nombreux exemples montrent que ces premiers pas peuvent permettre d'augmenter le chiffre d'affaires de 20 %, 30 %, voire 40 %, sans investissements massifs, mais en bénéficiant de l'accélération numérique.
Ensuite, nous nous intéressons à l'innovation et aux start-ups. Comment faire pour que celles-ci soient toujours plus nombreuses, aillent toujours plus loin et exportent toujours plus, créent des emplois et payent des impôts en France ?
Le dispositif French Tech existe maintenant depuis plusieurs années, et il a montré son efficacité pour favoriser la création de métropoles identifiables et compétitives à l'échelle internationale ; il a aussi permis de créer des hubs internationaux : aujourd'hui, une entreprise de la French Tech qui se rend à New York ou à Tel Aviv est accueillie par une fraternité d'entrepreneurs qui l'accompagnent et l'aident à ouvrir les portes des marchés américain ou israélien.
L'une des tâches que nous nous sommes données pour cette année est d'accroître la part des femmes et de la diversité chez les créateurs d'entreprise. Si nous voulons des entreprises différentes, des entreprises championnes, des licornes, alors nous devons avoir des entrepreneurs qui ne soient pas tous des ingénieurs hommes issus de familles « CSP + ». Sinon, nos entreprises seront bien sûr variées, mais limitées, parce qu'il aura manqué dans le vivier d'origine de gens avec des expériences différentes, des parcours de vie différents.
J'ai accueilli au ministère la semaine dernière la finale internationale de StartHer, compétition internationale très exigeante destinée aux start-ups innovantes fondées par des femmes. L'entreprise qui a gagné a développé un procédé qui permet de personnaliser les traitements contre le cancer ; elle a réussi à lever des fonds importants et se lance dans l'export. Dans cette salle, nous n'avons pas parlé de présence féminine, nous n'avons parlé que de leurs boîtes ! Ce qui est anormal, c'est que cette situation ne soit pas ordinaire : « Oh, il n'y a que des femmes, il faudra penser à inviter des hommes la prochaine fois… » Ce n'est pas du tout ce qui se passe aujourd'hui. Il faut donc aller chercher les femmes, développer la capacité et l'envie chez les jeunes filles, dès le collège, d'entreprendre et d'aller vers des études scientifiques. Elles doivent se projeter dans ces rôles de leaders dans le monde de la technologie, aujourd'hui monopolisé par les garçons dans l'imaginaire de tous.
Il faut également accroître la diversité sociale. Notre vivier d'entrepreneurs comprend trop peu de personnes issues des quartiers populaires et de la ruralité. Il faut vouloir fort, il faut créer des incitations. À ces fins, le programme French Tech « Diversité » s'adresse aux quartiers populaires, et propose des solutions spécifiques à ces entrepreneurs. Dans l'entrepreneuriat technologique et d'innovation, un dogme veut que l'argent levé auprès des business angels ne serve jamais à rémunérer l'entrepreneur ; il faut qu'il ait des économies, ou de la love money de sa famille. Mais, dans les quartiers populaires, il n'y a rien de tout cela. L'un des finalistes du concours Start-up Banlieue l'avait résumé par une formule que j'avais trouvée aussi juste qu'émouvante : « Dans nos familles, il y a beaucoup de love, mais il n'y a pas de money. » Le dispositif French Tech « Diversité » fait tomber ce dogme et donne aux entrepreneurs – pour les neuf à douze mois de démarrage de leurs entreprises, sélectionnées parce qu'elles sont innovantes, à très fort potentiel, et qu'elles inventent des technologies dont la France a besoin – de l'argent pour rémunérer les créateurs, pour payer le local qui accueillera la boîte, pour démarrer. Jusqu'ici, personne n'avait autorisé Bpifrance à financer cette partie de l'innovation ; personne n'avait dit aux incubateurs qu'ils pouvaient financer ce premier moment de vie.
Lorsque nous avons réuni les trente-cinq premières start-ups de French Tech « Diversité », tout le monde a encore une fois « pitché » sa boîte, présenté des modèles innovants, performants. À la fin, nous nous sommes d'ailleurs aperçus qu'il y avait une moitié de femmes, ce qui est formidable, et surtout qu'il y avait autour de nous des visages que nous n'avions pas l'habitude de voir dans ce type d'événements. J'ai eu les larmes aux yeux en parlant : face à moi, je voyais des jeunes femmes et des jeunes gens qui ressemblaient à ceux que je vois dans ma circonscription – vous savez que j'ai été élu dans le XIXe arrondissement de Paris. D'habitude, les gens que je vois en bas de chez moi, autour de chez mes parents, dans ma vie, je ne les vois absolument jamais dans les événements « tech » où je me rends ; je ne les ai strictement jamais vus depuis quinze ans dans la scène des start-ups. J'aimerais que ce moment qui m'a tant ému – la vidéo a circulé – devienne la normalité. J'aimerais entendre un « Oh mince, la prochaine fois il faudra inviter des bourgeois »… (Sourires.) Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le cas.
Après la thématique économique, j'en viens au second pilier de notre action : la transformation numérique de l'État.
S'agissant des infrastructures, nous devons tous avoir conscience que jamais nos responsables numériques n'avaient reçu mission d'élaborer une plateforme unique, compatible. Dès lors, chaque administration, chaque territoire, chaque service a travaillé à mettre au point ses propres solutions ; le résultat, c'est qu'aujourd'hui le parc technologique de l'État n'a aucune cohérence. Il n'y a pas de règles communes de compatibilité, pas de règles communes d'urbanisation, comme on dit chez les directeurs de systèmes d'information (DSI). Nous disposons de plusieurs dizaines d'applications différentes, parfois concurrentes, parfois similaires, utilisant des technologies différentes et qui ne sont pas partagées.
Notre but premier doit donc être de rationaliser ce qui existe. Nous devons aussi nous projeter dans l'avenir, avec la plateforme numérique de l'État (PNE).
Avec cette plateforme numérique, chacun disposera tout d'abord d'une identité numérique : tous les citoyens pourront s'identifier facilement auprès des services publics en ligne. Nous cesserons ainsi, aussi vite que possible, d'avoir besoin d'une quinzaine d'identifiants et de mots de passe pour accéder au service. Cela vaut d'ailleurs pour les citoyens, pour les entreprises, mais aussi pour les agents publics eux-mêmes.
Cette plateforme établira ensuite un langage commun à toutes les futures applications de l'État, un langage commun d'échange des données. Nous appliquerons ainsi pour de vrai la règle « Dites-le nous une fois ». Certaines données, qui ne sont pourtant pas particulièrement sensibles, sont demandées très régulièrement aux citoyens par différents services publics qui auraient pu se les communiquer entre eux : l'adresse exacte, le justificatif de domicile à jour, le revenu… Sur ce dernier point, ceux qui sont en contact avec la Caisse d'allocations familiales (CAF), avec Pôle Emploi et qui payent des impôts savent qu'il faut, au cours d'une même année, déclarer ses revenus cinq à six fois – sauf que ce ne sont pas toujours les mêmes : c'est parfois le revenu net, le revenu brut, le revenu actuel, le revenu du mois précédent ou d'il y a deux ans… La réorganisation de l'architecture technologique de l'État doit donc s'accompagner d'une simplification de la loi, des règlements et des parcours administratifs : sinon, on aura juste numérisé la complexité, sans rien changer pour les gens.
Troisièmement, la plateforme numérique de l'État servira à protéger. Tous ces échanges de données, ces identifications de personnes ne peuvent se faire qu'au sein d'un système qui, by design, c'est-à-dire par son architecture même, protège toujours les données. Tout échange est surveillé ; le citoyen peut toujours savoir ce qui s'est passé et il continue de maîtriser ses données. Ces systèmes doivent accroître les performances, c'est entendu, mais aussi renforcer les protections.
J'ai confié la conception de la plateforme numérique de l'État à la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC), que je dirige : ce sont les architectes numériques de l'État.
Voilà notre vision pour les cinq années à venir ; tous les projets que nous défendrons devront être compatibles avec cette plateforme numérique de l'État. Pendant quelques années, nous devrons certes continuer d'utiliser le parc d'applications qui existent déjà. Mais si nous réussissons à mettre en place un système d'identification nationale fort, où l'on reconnaît que la personne qui s'est connectée est bien, vraiment, celle qu'elle prétend être, alors l'État pourra délivrer beaucoup plus facilement des passeports, monsieur le président, voire accepter un vote électronique. Pour cela, les trois briques – identification, langage commun, et surtout protection – doivent être présentes. C'est de là que naîtra la confiance des citoyens, qui accepteront de voter par ce biais.
Les collectivités territoriales pourront aussi utiliser cette plateforme de différentes façons : on pourra par exemple payer la cantine par carte bleue sur l'espace des écoles, avec son identifiant unique. L'État permettra ainsi aux collectivités une façon d'aller plus vite et d'offrir de nouveaux services aux citoyens, tout en payant moins cher leur mise en place. Cela peut être une véritable révolution dans les usages administratifs.
Enfin, la transformation numérique de l'État va de pair avec la transformation des modes de vie. Dans le cadre du comité « Action publique 2022 », M. Gérald Darmanin et moi-même nous interrogerons sur les nouveaux usages et les nouvelles pratiques des citoyens. Pour une grande partie des Français, aujourd'hui, la normalité, c'est d'aller très vite, de chercher l'information par soi-même, de se connecter pour se renseigner sur un sujet. Tous nos services publics n'en sont pas encore là.
Notre objectif, c'est que, d'ici à 2022, 100 % des démarches, pour les citoyens comme pour les entreprises, soient numérisées. Trop ne le sont pas encore, et cela concerne souvent celles qui s'adressent à des publics affaiblis. Or, remplir un dossier papier, cela implique que quelqu'un le saisisse informatiquement par la suite : cela allonge encore les délais. Je pense par exemple à la demande d'allocation adulte handicapé (AAH), qui est encore dans la très grande majorité des départements faite sur papier. Deux seulement expérimentent, avec une équipe de la DINSIC, une pré-saisie en ligne : elle a permis de faire diminuer les délais de traitement par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) de deux à trois semaines ! Le numérique permet de garantir aux citoyens que les pouvoirs publics sont en mesure de prendre des décisions rapides.
Le troisième pilier de notre action, après la thématique économique, après la transformation numérique de l'État, porte sur l'inclusion numérique.
L'inclusion numérique, c'est d'abord l'accès de tous aux réseaux, et donc à une bonne couverture mobile, mais aussi en haut débit et en très haut débit. Le Gouvernement a pris des engagements sur une couverture mobile de qualité – ce qui, en 2018, veut dire une couverture mobile avec des données de bonne qualité, permettant les usages d'aujourd'hui. De moins en moins de familles ont un ordinateur dans le salon ; plus souvent, il y a cinq personnes, chacune vivant sa vie sur son mobile connecté. Sans très haut débit et bon réseau wifi, il faut utiliser la 4G, la future 5G – mais malheureusement encore trop souvent la 3G. Des discussions avec les opérateurs ont démarré dès le mois de juin et se sont poursuivies pendant l'été, et des engagements ont été pris. Le secteur est depuis longtemps régulé par une autorité indépendante : nous travaillons donc également avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), qui traite de la couverture mobile. Les licences doivent être renouvelées au cours des prochaines années, ce qui permet un dialogue fait d'engagements réciproques, tant sur les objectifs que sur les moyens de les faire respecter.
S'agissant du très haut débit, nous rencontrons aujourd'hui un problème de modèle économique des réseaux d'initiative publique (RIP) : il est mis en danger par le non-respect des engagements de certains, ou par la prise de nouveaux engagements par certains autres. Nous sommes très mobilisés sur ce sujet. Des annonces étaient attendues. La raison, je crois, l'emportera ; il me semble que les opérateurs ont compris qu'il était de leur intérêt que tous les projets déjà lancés réussissent. Un projet qui tomberait en ferait tomber de très nombreux autres, par répercussion, car la confiance disparaîtrait. Ce n'est pas souhaitable du tout. Le Gouvernement s'est engagé à accompagner les RIP déjà lancés, à continuer d'accompagner les projets qui n'étaient pas complètement mûrs, à penser intelligemment les phases 2 des premiers RIP – soit qu'il faille étendre la couverture, soit qu'il faille renforcer la qualité.
Si certains opérateurs ne devaient pas respecter l'engagement commun, il y aurait des risques. Mais la zone d'appel à manifestation d'intention d'investir (AMII), c'est-à-dire la zone moyennement dense, va nous aider : il reste beaucoup de travail dans cette zone intermédiaire, où les investissements privés sont viables, mais pas si trois opérateurs le font en même temps. Dans les RIP, les investissements privés ne peuvent pas être rentables, même pour un opérateur seul : un cofinancement est nécessaire, et c'est pourquoi la France a eu l'intelligence, il y a quelques années, de créer ce modèle.
Parler d'inclusion numérique, c'est aussi parler des usages. Aujourd'hui, 13 millions de Français, soit 20 % de la population, ne savent pas utiliser le numérique, même lorsqu'ils y ont accès : ils ne savent pas parce qu'ils n'ont pas été formés, parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue, ou encore parce qu'ils sont très âgés ou en situation de handicap. Autrement dit, si j'atteins l'objectif que je me fixais tout à l'heure de 100 % de démarches administratives numérisées, il y aura toujours 13 % de Français qui passeront complètement à côté. C'est comme lorsque le TGV passe au fond de votre jardin, mais que la première gare est à 400 kilomètres… Vous savez qu'il existe quelque chose qui va très vite, mais cela ne vous concerne pas ! Avec internet, cela veut dire que tout le monde autour de vous a fait ce qu'il fallait en deux minutes, mais que vous, vous devez prendre la voiture, faire la route et aller faire la queue à un guichet – Mme Laure de La Raudière connaît cette comparaison que j'ai déjà utilisée lorsque je me suis rendu en Eure-et-Loir…
Si nous voulons tenir nos objectifs économiques et de transformation de l'État, nous devons absolument accompagner ces 13 millions de personnes. Nous prévoyons donc d'instaurer une stratégie nationale de l'inclusion numérique, qui est l'un des chapitres de la Conférence nationale des territoires (CNT). Nous espérons qu'elle sera prête dès le mois de décembre – et ce calendrier est essentiel à mes yeux. Cette stratégie doit réunir l'État, mais aussi les opérateurs sociaux, les collectivités locales : il s'agit d'identifier ces 13 millions de personnes, de les orienter vers quelque part – une association ou un service public –, et de financer ce quelque part. Cela ne se fait pas tout seul. Aujourd'hui pourtant, la CAF sait identifier ces personnes en difficulté, les oriente vers un médiateur qu'elle rémunère elle-même et qui les aidera à remplir leurs procédures. Vous êtes très heureux avec ce médiateur, formé à l'écoute et vraiment à même de vous aider… mais lorsque vous montrez votre document Pôle Emploi, la personne ne peut plus rien faire pour vous ; il faut tout recommencer. Pôle Emploi, lui aussi, a mis en place un processus d'identification et d'orientation. Mais pour une troisième procédure, vous ne trouverez personne et vous vous adresserez à votre assistante sociale. Et à la fin, vous lui avouez que vous n'avez pas pu vous connecter…
Tous ces services dispersés ont les mêmes publics qui rencontrent les mêmes problèmes. Nous voulons donc nous efforcer, pour chaque territoire, à faire fonctionner ces médiations de façon efficace. Certains départements sont exemplaires, en particulier la Seine-Saint-Denis, qui, parce qu'il concentre ces publics, a dû, très tôt, se saisir de ce sujet. Le conseil national du numérique se penche de près sur ce sujet. La région Aquitaine a mis en place un « chèque numérique » et un réseau d'associations de médiation. Les gens qui en ont besoin sont renvoyés vers les associations, qui peuvent encaisser le chèque ; en mettant en commun des financements jusque-là épars, on peut financer la médiation numérique et la transmission des compétences.
Ce sujet est absolument prioritaire. Mme Agnès Buzyn, tutelle de nombreux opérateurs concernés, est très engagée.
Malgré les désaccords ou les incompréhensions qui ont pu surgir entre l'État et certaines collectivités territoriales, malgré la suspension de la participation de certains à la CNT, nous avons continué à travailler, et à tous les niveaux : ce sujet est essentiel. J'espère, je le redis, que nous pourrons faire des annonces très vite.
Après la thématique économique, après la transformation numérique de l'État, après l'inclusion numérique, le quatrième pilier de notre action, c'est la sécurité et la souveraineté. Les enjeux de la cybersécurité sont nombreux et cruciaux. Comment protège-t-on l'État, les grandes entreprises, mais aussi nos TPE et PME ?
Pendant longtemps, on pensait que le rôle de l'État n'était pas de protéger les TPE et PME. Mais les attaques ont changé : elles sont massives et aveugles. Si cinquante PME tombent, nous serons tous très malheureux ; si elles sont 50 000, nous serons tous très en danger. Il est donc tout aussi important de protéger nos PME que de protéger nos centrales – sauf que protéger une centrale, c'est presque plus facile : il n'y a qu'un seul endroit, il suffit d'y mettre les moyens. Protéger toutes nos PME nécessite de faire preuve d'une certaine intelligence, de créer une culture de la cybersécurité, mais aussi de faire émerger une industrie de la cybersécurité, avec des produits et des services.
Je vous invite tous à vous renseigner, dans vos circonscriptions, sur le secteur de la cybersécurité. Avec certains d'entre vous, j'ai rencontré à Rennes, il y a quelques semaines, des entreprises de prestation de services de seulement cinq à six personnes, dont le travail était d'aller de PME en PME pour réaliser des audits de sécurité, mettre à jour les ordinateurs… C'est un nouveau type d'entreprises de proximité qui augmentent le niveau de sécurité global de nos entreprises. L'une des tâches de l'État est de s'assurer que ces réseaux d'entreprises se développent, que les ingénieurs qui en ont la compétence décident de les créer, et que les PME sachent qu'elles peuvent les utiliser pour se protéger des attaques.
Nous devons non seulement prévenir, mais aussi réagir en cas de problème. Nous avons donc lancé, dans le cadre d'un partenariat public-privé, le site cybermalveillance.gouv.fr, élaboré par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), des industriels et des collectivités territoriales. Il s'agit d'un outil d'assistance à la réponse aux attaques. Il arrive qu'un beau matin, tous les ordinateurs d'une PME affichent un même message : « le disque dur de cet ordinateur a été encrypté ; pour le décrypter, envoyez trois bitcoins à cette adresse » – je ne le souhaite à personne. Un grand nombre de PME racontent le désarroi absolu que cela engendre. C'est arrivé aussi dans tous les magasins d'un gros industriel… Jusqu'à aujourd'hui, nous ne savions pas vraiment comment répondre. On allait déposer plainte au commissariat ou à la gendarmerie qui souvent découvraient ces cas pour la première fois. La plateforme cybermalveillance.gouv.fr donne maintenant des recommandations générales, mais identifie surtout plusieurs milliers de prestataires, certifiés par l'ANSSI, et à même d'accompagner les victimes.
Enfin, j'étais hier au Conseil de l'Union européenne « Transports, télécommunications et énergie », pour traiter de la régulation des plateformes, de la fiscalité qui leur est appliquée, et plus largement de l'analyse que fait aujourd'hui l'Europe des transformations numériques et du rôle de plus en plus en plus important que jouent certains acteurs intermédiaires entre les entreprises et les consommateurs finaux.